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Féminicides : Triste deuxième place pour la Polynésie


Dans une étude rendue publique par le ministère de l'Intérieur, la Polynésie figure à la deuxième place des territoires où le ratio d'homicides conjugaux est le plus élevé (©AFP)
Dans une étude rendue publique par le ministère de l'Intérieur, la Polynésie figure à la deuxième place des territoires où le ratio d'homicides conjugaux est le plus élevé (©AFP)
Tahiti, le 3 août 2021 – Dans un entretien livré au Parisien dimanche dernier, Gérald Darmanin a annoncé une série de mesures pour lutter contre les féminicides. Selon une étude du ministère de l’Intérieur rendue publique lundi 2 août, le fenua figure tristement à la deuxième place des territoires de la République avec le ratio le plus important par habitant d’homicides conjugaux.
 
Deux femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon ou ex-conjoint en Polynésie l’année dernière. Notamment Mélissa, une mère de famille de 42 ans domiciliée sur l’île de Maupiti, qui est décédée des suites de ses blessures le 23 octobre 2020. Son compagnon l’avait frappée au visage à plusieurs reprises, lors d’une soirée arrosée. L’histoire, tragique, avait été relayée jusque dans les pages de la presse quotidienne nationale.
 
Rapporté au nombre d’habitants, ce chiffre de deux féminicides place la Polynésie française à la deuxième place des territoires les plus touchés par ce fléau. Rendue publique lundi dernier, l’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple pour l’année 2020 donne un ratio de 0,71 décès commis par conjoint pour 100 000 habitants au fenua. Seule la Guyane, qui recense également deux homicides conjugaux en 2020, détrône la Polynésie avec un ratio de 0,7182. Mais uniquement parce que le DROM d’Amérique du Sud ne compte que 3200 habitants de moins.
 
La lutte contre les féminicides est une priorité pour le gouvernement français, qui s’inscrit dans le combat plus global des violences sexistes et sexuelles, premier pilier de la grande cause du quinquennat Macron pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Lors de son discours de clôture de visite officielle au fenua, le 27 juillet, le président de la République déplorait par ailleurs “la terrible réalité” des violences sexistes et sexuelles en Polynésie. Le chef de l’Etat avait alors annoncé une aide d’environ 83 millions de Fcfp pour financer les travaux d’extension du bâtiment de Puo Te Hau, le centre d’accueil des femmes victimes de violences conjugales. Et il avait, aussi, assuré la création de quatre postes supplémentaires d’intervenants sociaux dans les brigades de gendarmerie du territoire, financés à 100% par l’Etat.  
 
Dispositions spécifiques au fenua
 
Interrogé par nos confrères du Parisien dimanche 1er août, la veille de la sortie de cette étude, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé une série de mesures générales pour endiguer le phénomène des violences faites aux femmes. Des plaintes pour violences conjugales qui seront “traitées prioritairement”, la fin des mains courantes pour ces mêmes faits (car elles n’ont pas pour but d’engager des poursuites, mais de signaler des agissements), ou encore un signalement par les forces de l’ordre au procureur de la République de chaque constatation de violence en plainte ou signalement.

Des dispositions spécifiques s’appliquent déjà au fenua, où sont recensées 1 158 victimes pour ces mêmes faits selon le bilan des chiffres de la délinquance pour l’année dernière. La circulaire de présentation des dispositions de droit pénal directement applicables en Polynésie française du 3 août 2020 (dite “circulaire Urvoas”) prévoyait l’extension des possibilités de signalement des violences conjugales par les médecins et autres professionnels de santé, et la suspension des droits de visite et d’hébergement en cas de contrôle judiciaire pour ces mêmes faits.
 
Une priorité pour la Cour d’appel de Papeete
 
Les violences conjugales figurent aussi parmi les priorités de la Cour d’appel et du tribunal de première instance de Papeete. Lors de l’audience solennelle de rentrée pour l’année 2021, le Procureur de la République Hervé Leroy avait notamment évoqué la volonté de mettre en place dès cette année sur le territoire le bracelet anti-rapprochement (BAR) et le “téléphone grave danger”, équipé d’une touche qui alerte immédiatement un service d’assistance. Permettant ainsi une plus grande protection des victimes.

Lors de cet entretien au Parisien, Gérald Darmanin déclarait également son souhait que “chacun des commissariats et brigades de gendarmerie” soit doté d'un “officier spécialisé dans les violences conjugales”. Son rôle serait de “s’assurer du suivi des dossiers” et d’ “assurer la coordination avec les autres services publics et les collectivités”.

Du côté de la Direction de la Sécurité publique de Papeete, on nous informe qu’un officier est déjà affecté au traitement des affaires de violences conjugales. Si à l’heure actuelle, aucune information sur les délais ou les modalités d’application de cette annonce du ministre de l’Intérieur n’est précisée, une réunion du Haut-Commissariat réunissant Police nationale et Gendarmerie devrait se tenir demain, mercredi 4 août.

 

Rédigé par Valentin Guelet le Mardi 3 Août 2021 à 18:32 | Lu 4222 fois