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Vendée Globe: Le Cam reprend son cap seul après avoir confié Escoffier à la Marine nationale


© Marine Nationale / Défense
© Marine Nationale / Défense
Paris, France | AFP | dimanche 06/12/2020 - vidéo : © Saem Vendée / Nefertiti Prod - Le skipper français Jean Le Cam a repris en solitaire dimanche le cours de son Vendée Globe après avoir confié Kevin Escoffier, son passager involontaire depuis six jours, aux bons soins de la Marine nationale.

Escoffier, qui avait dû abandonner la course en raison d'une importante voie d'eau dans son bateau PRB et qui avait été secouru par Le Cam (Yes We Cam!), a en effet été récupéré par la Marine nationale.

L'opération de transfert du Français depuis "Yes We Cam!" vers la frégate de la Marine nationale Nivôse, effectuée dans la nuit de samedi à dimanche, est "réussie", s'est félicitée PRB dans un communiqué.

Cette scène a été filmée par Le Cam et postée sur son compte Twitter: sur les images, on peut voir Escoffier enfiler sa combinaison de survie TPS et constater qu'"il reste de l'eau dans les pieds", souvenir de son précédent séjour dans son radeau de survie.

"Ça me fait bizarre, la dernière fois, c'était pas bon signe", plaisante le natif de Saint-Malo en référence à son récent naufrage qui l'avait contraint à abandonner son bateau en quelques minutes.

"Voilà, il est arrivé comme ça, il repart comme ça", remarque ensuite malicieusement son aîné avant que le zodiac dépêché par le Nivôse ne s'approche de la poupe de "Yes We Cam!, dans une mer agitée, pour récupérer Escoffier.

"Bisou ma caille" 

"Bisou ma caille, merci!", adresse alors ce dernier à Le Cam avant de sauter pour rejoindre les trois marins chargés de le récupérer dans leur embarcation.

"Kevin fait route vers la terre tandis que Jean Le Cam peut reprendre sa route en solitaire pour ce Vendée Globe", précise son équipe dans un communiqué.

"Me revoilà tout seul", conclut, taciturne, le "Roi Jean" dans sa vidéo. Avant d'avoir été contraint de se dérouter, le navigateur de 61 ans parvenait à rivaliser en tête de la course avec les navires équipés de "foilers", dont son monocoque est dépourvu.

Dimanche à 08h00 GMT, il pointait en 6e position, à 413 milles nautiques du leader Charlie Dalin (Apivia) tandis que la course avait connu son 5e abandon samedi avec celui de Samantha Davies.

Dans une mer démontée au large du Cap de Bonne Espérance, Escoffier avait dû abandonner son bateau lundi dernier, victime d'une importante voie d'eau, pour monter dans son radeau de survie, avant d'être récupéré sain et sauf, après onze heures d'attente, par Jean Le Cam dans la nuit de lundi à mardi.

Depuis samedi, Jean Le Cam et Kevin Escoffier étaient en "contact direct avec le capitaine de vaisseau Frédéric Barbe et le lieutenant de vaisseau Jérémie Lefebvre pour affiner un point de rencontre au milieu de l'océan Indien et effectuer la récupération du skipper de PRB", raconte l'équipe du skipper secouru.

L'approche de la frégate et de "Yes We Cam!" était très compliquée dans la journée de samedi, puis dans la nuit en raison des conditions météo extrêmes sur la zone: "le Nivôse naviguait en fin d'après-midi hier (samedi, ndlr) dans une mer grosse et 40 nœuds de vent", précise PRB.

C'est finalement dans le nord de l'île aux Cochons et de l'île de la Possession, par 40°15 Sud, 52°20° Est, que les deux embarcations ont pu opérer le transfert du skipper de 40 ans.

Vendée Globe: Escoffier veut "comprendre"

Quelques heures à peine après avoir été transbordé sur le "Nivôse", le skipper Kevin Escoffier a confié dimanche à l'AFP qu'il veut "comprendre" comment six jours auparavant l'étrave de son bâteau a pu pointer "vers le ciel".

Question: Comment s'est déroulé le transbordement sur la frégate de la Marine nationale ?


Réponse: "Tout s'est très bien passé. Il s'est écoulé une heure entre le moment où on a pu voir la frégate et quand je suis monté à bord. Le bâtiment de la Marine a effectué une manoeuvre pour aplanir le plan d'eau et venir au plus près du bâteau de Jean, pour lui faire perdre le moins de temps possible. On avait une fenêtre météo de cinq heures maximum pour y parvenir. Ensuite j'ai enfilé la même combinaison que celle que j'avais réussi à récupérer in extremis lors de l'accident de mon bateau et avec laquelle j'ai passé la nuit de lundi à mardi dans le radeau. Je l'avais mise à sécher dans le bateau de Jean. Je l'ai donc enfilée de nouveau pour pouvoir rejoindre le petit semi-rigide du Nivôse à la nage, parce que les IMOCA sont des bateaux très fragiles et je voulais qu'on prenne toutes les précautions pour ne pas emboutir le bateau de Jean". 

Q: Comment allez vous ?

R: "Ca va bien, je ne fais qu'augmenter mon niveau de confort: je suis passé d'un bateau qui coule à un radeau, d'un radeau à un IMOCA (le bateau "Yes we Cam!" de Jean le Cam, ndlr) et d'un IMOCA à une frégate qui fait route vers la Réunion ! Cela me permet de rester dans l'action, de prendre du recul mais sans coup de mou pour l'instant."

Q: Vous repensez à l'accident avec PRB ?

R: "Oui j'y repense beaucoup. C'est le point de départ de tout ça. Et je ne l'accepte pas. J'ai encore en tête l'image du bateau avec l'étrave qui pointe à 90 degrés vers le ciel après avoir pris la vague. Et ça je ne l'accepte pas, qu'un bâteau qui est conçu pour faire le tour du monde casse comme ça. Et ça reste un des points que je veux éclaircir quand je serai à terre, je veux comprendre".

Q: Cet abandon c'est un échec pour vous ?

R: "Oui c'est un évènement grave de perdre un bâteau, oui c'est un échec, parce que l'idée était de finir le Vendée Globe. Mais c'est pas pour cela que c'est terminé. Jean en est à son cinquième vendée Globe, il a perdu un bâteau (en janvier 2009) et il avait été sauvé à l'époque par Vincent Riou, sur un bâteau PRB, qui-plus-est, et il continue. Parler de tout ça avec lui m'a fait beaucoup de bien".

Q: Quelles pistes peuvent expliquer la casse de PRB selon vous ?

R: "Il y a plusieurs possibilités, j'ai été le premier à parler de +Reverse Load+, parce qu'avec mon expérience du multicoque, où ce cas existe et où cela peut engendrer des efforts qui sont énormes sur les structures et provoquer des casses très violentes. Mais ce n'est qu'une hypothèse. Je n'ai pas fait tout le tour de la question encore. Mais dès que j'arrive à terre ce sera mon dossier numéro un."

Q: Comment s'est passée cette semaine ensemble avec Jean le Cam ?

R: "Ca m'a fait du bien, même si les conditions étaient humides et pas faciles, ça tapait beaucoup, mais ne pas arrêter de faire du bateau c'était la meilleure chose à faire, la meilleure thérapie possible. Cette petite transition avec lui m'a fait du bien même si c'était pas mon bâteau, même si c'était pas ma course. J'ai apprécié de le faire avec un humain, une personne comme lui. On a beaucoup discuté, c'est quelqu'un d'expérience qui a connu énormément de faits de mer. Ca m'a permis de relativiser aussi sur ce qui m'était arrivé. Et je lui serai toujours reconnaissant d'être venu me chercher dans mon radeau, d'avoir passer la nuit à me rechercher et à manoeuvrer dans des conditions très difficiles".

Propos recueillis au téléphone par Boris DESCARGUES

le Dimanche 6 Décembre 2020 à 11:48 | Lu 206 fois