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Un blocage contre le “saccage”


Tahiti, le 6 mai 2021 - Comme annoncé la veille, l’association “A paruru e a faahotu ia Mapuaura” a bloqué mercredi matin l’accès aux deux routes longeant la rivière de la vallée de Mapuaura à Faaone. Par cet acte fort, les membres de l’association veulent stopper “les extractions sauvages” pratiquées par l’entreprise RBK et un riverain, Lucien Tofaa, accusés d’extraire sans autorisation sur des terres qui ne leur appartiennent pas en détruisant l’environnement.

Après seulement un mois d’existence, l’association environnementale A paruru e a faahotu ia Mapuaura passe à la vitesse supérieure. Dès cinq heures du matin mercredi, les membres de l’association, menés par leur président Anthony Tihoni, ont débuté le blocage de la vallée de Mapuaura à Faaone. “Nous avons déjà rencontré toutes les forces vives du Pays : le ministère de l’Équipement, la direction de l’Équipement et la Diren. Aujourd’hui tout le monde se renvoit la balle. On a donc décidé de monter d’un cran”, déclare Anthony Tihoni. L’association est principalement composée de propriétaires terriens et d’ayants droit qui réclament la fin du “saccage” se déroulant sous leurs yeux dans leur vallée. “Cela fait quinze ans que ça dure. Nous sommes la troisième association à nous lever pour ces raisons. En 2006, les demandes n’avaient pas abouti. Mais cette fois-ci on ira au bout”, poursuit le président de l’association.

“Stop au pouvoir de l’argent”

A paruru e a faahotu ia Mapuaura accuse la société RBK et le particulier Lucien Tofaa pour des raisons plus ou moins similaires. RBK ne respecterait ni l’espace d’extraction qui lui est autorisé, ni ses quotas, ni les horaires quand Lucien Tofaa n’aurait quant à lui aucune autorisation ou droit de propriété sur les terres qu’il exploite. À l’aide de dragues, ce dernier a creusé des cratères impressionnants de plusieurs mètres de profondeur au bord de la rivière, allant même jusqu’à construire un passage à travers le cours d’eau pour permettre à ses camions de relier les deux routes. Lucien Tofaa revendique la propriété de ses terres, “chassant” les membres de l’association qui souhaitent observer “l’étendue des dégâts”. L’ambiance est électrique. Selon Anthony Tihoni, Lucien Tofaa est “un voyou” qui creuse sans autorisation, en toute inégalité le long de la rivière. “Aujourd’hui, on dit stop au pouvoir de l’argent. Nous sommes des amoureux de notre vallée, de notre environnement et on veut le protéger. Demain, j’aurai envie de voir mes enfants et mes petits-enfants se baigner dans la rivière. On ne veut pas d’une deuxième Punaruu.”

Le ministre de l’Équipement, René Temharo a apporté mardi son soutien à l’association en déclarant : “C’est normal que les associations montent au créneau contre ces extractions même si c’est dans des propriétés privées. Il y a des règles qui s’appliquent à tout le monde”. Mais Anthony Tihoni ne veut plus des paroles, mais des actes. “On veut qu’ils agissent parce que c’est eux qui donnent les autorisations”. Le président d’association rappelle que l’entreprise RBK, dirigée par Rainui Dudes, a bien reçu une autorisation par arrêté du conseil des ministres en novembre 2020. RBK a donc le droit d’extraire jusqu’à 9 000 mètres cubes par an sur leur terrain privé en fond de vallée. Mais pour l’association environnementale, depuis novembre, RBK n’a pas commencé ses travaux sur le terrain qui lui appartient, les débutant trois kilomètres en amont pour y extraire 20 000 mètres cubes. Ils auraient d’ailleurs reçu deux PV de 3 et 6 millions de Fcfp de la direction de l’Équipement pour cette raison.

“Une prise d’otage”

L’entreprise RBK ne respecte pas les réglementations et les horaires depuis le départ. Ils viennent 7 jours sur 7 alors que l’autorisation les autorise à extraire du lundi à vendredi de 7 à 15 heures. Ils sont parfois là dès 3 heures du matin et repartent à 22 heures”, assure Anthony Tihoni. Raihau Dudes, grand frère du directeur de RBK Rainui et co-gérant de l’entreprise ne comprend pas les motivations du blocage, rappelant à l’association de ne pas confondre les acteurs : “Dans la vallée, il y en a qui ont des autorisations et d’autres qui n’en ont pas. Ils mettent tout le monde dans le même sac et mélangent tout. L’autorisation que nous avons est attribuée à une terre propre qui est à ma grand-mère. Nous avons notre entreprise mais nous sommes aussi propriétaires terriens”. Concernant les quotas, une deuxième autorisation aurait été formulée. “Leurs estimations de quotas, ce sont les leurs, ils comptent tous les camions mais nous ne sommes pas les seuls dans la vallée”. Raihau Dudes se défend et rappelle que RBK existe depuis plus de dix ans. Selon lui, c’est avec le développement de l’entreprise que les voisins se révoltent aujourd’hui et parlent “d’extractions sauvages”.

La société RBK aurait contacté un huissier de justice pour établir un constat d’obstruction. “C’était la même situation et les mêmes propos tenus par les mêmes personnes il y a peu en bord de route. Et à la fin, ils ont perdu. Ils passent par un autre prétexte pour revenir bloquer. Ils nous prennent en otage. Je ne comprends pas, je suis un jeune entrepreneur et je suis propriétaire terrien, c’est tout”, se lasse le co-gérant de l’entreprise. Concernant les horaires fixés par l’arrêté d’autorisation d’extraction, “on fait beaucoup d’efforts pour extraire de manière légale. On a le droit d’extraire de 7 heures à 15 heures mais on a le droit de travailler 24 heures sur 24. Nos camions commencent à rouler à quatre heures du matin et finissent à 18 heures”.

Anthony Tihoni et les membres de l’association veulent bloquer l’accès à la vallée de Mapuaura jusqu’à ce que des décisions soient prises. “Nous attendons que les personnes qui sont au pouvoir prennent la décision d’arrêter tout cela. S’ils veulent extraire, qu’ils extraient sur leurs terres. Non seulement ils extraient dans celles des autres, mais ils extraient aussi dans la rivière. Ils sont en train de saccager notre vallée à cause du pouvoir de l’argent. À partir d’aujourd’hui, on dit stop à ça. On va rester ici nuits et jours. Une semaine, deux semaines, un mois… le temps qu’il faudra”.

Rédigé par Etienne Dorin le Mercredi 5 Mai 2021 à 20:10 | Lu 3346 fois