Tahiti, le 21 juillet 2022 – Le tribunal correctionnel a condamné, jeudi à quatre ans de prison ferme dont un an avec sursis, un père de famille de 45 ans pour une tentative d'importation d'ice. En mai dernier, ce mécanicien de Huahine s'était rendu aux États-Unis d’où il s'était envoyé, par voie postale, 937 grammes cachés dans deux alternateurs. Il avait été interpellé à l'aéroport alors qu'il tentait de récupérer la drogue.
Une importation commanditée par des trafiquants restés à Tahiti ou l'initiative unique et solitaire d'un père de famille ? Le tribunal correctionnel s'est longuement interrogé jeudi sur les motivations qui ont conduit un mécanicien –également apiculteur et pompier volontaire à l'aéroport de Huahine– à s’adresser 937 grammes d'ice par voie postale alors qu'il effectuait un séjour à Los Angeles.
Cette affaire avait démarré le 18 mai dernier à Hawaii lorsque les douaniers américains avaient saisi un colis de 18 kilos contenant deux alternateurs dans lesquels étaient dissimulée la méthamphétamine. Constatant que ce colis était adressé à une société dirigée par un Polynésien résidant à Huahine, les Américains avaient informé leurs homologues au fenua et avaient laissé passer le colis. À Tahiti, les enquêteurs de l'office antistupéfiants de Papeete étaient entretemps parvenus à identifier le destinataire du colis : un père de quatre enfants jusque-là inconnu de la justice. Interpellé le 10 juin alors qu'il venait récupérer sa marchandise à l'aéroport de Tahiti-Faa'a, le suspect avait reconnu avoir acheté la drogue à Los Angeles à un inconnu qu'il avait préalablement contacté sur un forum. Confronté au fait qu'il avait pris contact avec plusieurs personnes connues dans le milieu du trafic de stupéfiants à son retour des États-Unis, l'homme avait fermement maintenu que cette tentative d'importation n'était qu'une initiative solitaire destinée à lui permettre de se payer une formation de mécanique au Vietnam. À son domicile de Huahine, les enquêteurs avaient cependant saisi pas moins de 4,9 millions de Fcfp.
“Des billes finies”
Face à la quantité de drogue importée –dont la revente aurait pu, selon les enquêteurs, générer 100 millions de Fcfp au bas mot–, et compte tenu du profil de ce prévenu, les magistrats du tribunal correctionnel l’ont très longuement interrogé jeudi sur le contexte de l'importation. “C'est la première fois que vous vous mettez dans le trafic et vous achetez tout de suite un kilo ? C'est tout de même énorme. Cela nécessite d'avoir un réseau. On pourrait penser –et vous le comprendrez bien– qu'il y a eu des commanditaires au-dessus de vous”, s'est étonné un assesseur avant qu’un autre magistrat ne s'étonne que le prévenu ait pu trouver un fournisseur à Los Angeles, en consultant un simple forum.
Très agacé par un prévenu qui a pris les magistrats du tribunal pour des “billes finies”, le procureur de la République s'est lui aussi ouvertement interrogé lors de ses réquisitions sur l'éventualité d’un envoi destiné à honorer “une commande”. “Vous maintenez cette histoire abracadabantesque alors que vous êtes un homme calculateur qui a voulu se faire de l'argent au détriment de la société”, a conclu le représentant du ministère public avant de requérir cinq ans de prison, dont un avec sursis.
En réponse aux questionnements soulevés par le tribunal, l'avocat du mécanicien a concédé, lors de sa plaidoirie, une “importation unique et maladroite” en indiquant qu'il ne comprenait pas pourquoi l'on remettait en cause la parole de son client alors que ce dernier avait toujours été “coopératif”. “C'est un homme extrêmement travailleur qui a un train de vie modeste. Malgré tous ses efforts, il ne peut pas accéder à la propriété”, a ainsi avancé l'avocat pour assurer que son client avait sombré à cause de l'appât du gain.
Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné ce père de famille à quatre ans de prison dont un avec sursis. Une peine qui a été assortie du maintien en détention.