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Tiers payant : on en discute mais il faudra attendre


Tiers payant : on en discute mais il faudra attendre
Cela peut sembler étonnant, mais il s’agit de la deuxième réelle réunion de négociation sur la question controversée de la convention CPS / médecins libéraux : vendredi 9 mars, dans la salle verte du CESC à Papeete, le Conseil de l’ordre des médecins, le Syndicat des médecins libéraux (SMLPF), les administrateurs des trois régimes de la Caisse de prévoyance sociale, le directeur de la CPS, ont pu échanger sous la médiation du ministre de la Santé, Charles Tetaria. Un terrain neutre, pour une réunion en climat explosif : comment en effet rabibocher les uns et les autres après toutes ces invectives, par média interposés ; toutes ces incompréhensions ; après ces mois de bras de fer sur la question de la rémunération des médecins ; et alors qu’au plan purement réglementaire, la marge de manœuvre apparaît toujours plus étroite, avec le temps qui passe ? Comment sortir de l’enlisement qui plonge les malades – ceux dont il s’agit au fond – dans les travers d’un système de santé qui dysfonctionne au grand jour depuis deux semaines maintenant ?


La convention triennale 2009-2012 a été dénoncée le 22 janvier 2011. En un an, pas une réunion de négociation ; Mais un bras de fer houleux et stérile. Il aura fallu attendre le 23 février 2012 pour que la détermination du ministère de la Santé conduise les partenaires sociaux à se retrouver autour d’une table, disposés à parler calmement, en mettant provisoirement de côté leurs différents personnels. La réunion du 9 mars, 14 heures, fera date aussi ; mais apportera-t-elle les solutions escomptées ? Cela est souhaité par le gouvernement, et par une partie des administrateurs de la CPS, dont Luc Tapeta, son vice président.
 
De prime abord, le programme des thèmes abordés est conçu de manière séquentielle.  On s’engage mutuellement à se respecter et, partant de là, point par point on détaille les éléments controversés de la convention. On espère terminer le tout par la décision d’un moratoire de 3 mois, pendant lequel - on ne sait comment au plan réglementaire, celle-ci étant échue -, on proroge les conditions contractuelles de la convention 2009-2012, de manière à laisser le temps nécessaire pour mettre au point une organisation consensuelle des rapports CPS/médecins libéraux, sans que la population ne fasse les frais de ce délai.
 
Un moratoire impossible
 
Mais les faits sont là : un moratoire est chose impossible techniquement, la convention 2009-2012 étant échue, rien ne peut en raviver les conditions. Le Pays ne peut rien imposer, la loi organique de 2004 établie clairement que les décisions des établissements publics sont souveraines.
Une seule convention pourrait être adoptée immédiatement et résoudre dans l’instant la question, embarrassante pour l’usager, du tiers payant - c’est à dire le fait qu’une partie du montant des consultations, ou des actes médicaux, soit prise en charge, en amont du patient, par un tiers, la CPS en l’occurrence. Cette convention est prête, actée par la Caisse. Elle a été proposée collectivement aux médecins libéraux avant l’échéance du 21 janvier 2012. Elle a été refusée collectivement. Elle fait actuellement l’objet d’un recours en justice, engagé par le SMLPF. Cette même convention a été proposée individuellement à chaque praticien : moins de 10% d’entre eux l’ont gratifié de leur adhésion. Elle aussi fait l’objet d’un recours en justice. Comme pour sa version collective, 27 points ont été dénoncés, estimés irréguliers.
Pourtant, ces deux textes établissent clairement que l’un des points clivant qui semble avoir largement valu la désapprobation collective des praticiens, le coefficient de 1,4, ne sera applicable que le 15 juin 2012. Dans trois mois… Largement le temps de parvenir à un accord. Ce coefficient que les médecins ont souhaité de 2, est sensé indexer, pour tenir compte du coût de la vie en Polynésie, la grille tarifaire que la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) utilise avec les praticiens métropolitains.
Mais est-il envisageable que les médecins ratifient, droits dans leurs bottes, une convention qu’ils ont portée en justice ?
 
La fausse bonne idée
 
Quant à la réévaluation de la grille des tarifs d’autorité, possible par simple arrêté en conseil des ministres, c’est une fausse promesse. Elle semble pourtant en mesure d’alléger la charge financière qui pèse aujourd’hui sur les patients mais elle ne peut rien pour le tiers payant, car c’est un avantage conventionnel. Prenons un exemple : devant les débours d’une consultation en radiologie de 80.000 CFP, même si la nouvelle grille de tarifs d’autorité établissait que le patient fut remboursé de 65.000 CFP, il n’en devrait pas moins avancer la somme totale et patienter pour le remboursement. De quoi en faire réfléchir plus d’un sur la nécessité d’une radiographie…
 
Enfin, encore pourrait-on réaménager, au goût de tous, le texte de la convention 2009-2012. Mais, au bas mot, cela mettra un mois, en raison du processus de validation  : rédaction ; commission de validation ; vote en conseil d’administration ; vote en conseil des ministres, etc.
 
Autant dire que l’on voit mal comment tout cela pourrait se régler rapidement. Et il semble bien que les malades en soient encore de leur poche pendant quelques semaines au moins. En attendant chacun aura le loisir de méditer, à son niveau, sur le coût réel des dépenses de santé.

La prochaine réunion de ce collectif de crise est prévue lundi à 16 heures au ministère de la Santé.
Une chose paraît acquise : dans cet imbroglio tout le monde, chacun pour ses raisons, souhaite parvenir rapidement à une solution.
 
Regis Chang, Directeur de la CPS
Regis Chang, Directeur de la CPS

INTERVIEW : Questionné par Tahiti infos, Régis Chang, le directeur de la Caisse de prévoyance sociale nous précise les options de sortie de crise :
 
Tahiti infos : Le Pays souhaite un moratoire de trois mois, afin de donner du temps aux négociations en cours de se faire, sans pénaliser l’organisation du système de santé. Cela est-il envisageable ?
 
Regis Chang : Tout d’abord je veux rappeler que l’on a évoqué longuement, en préambule de cette réunion, le fait que le patient doit être le centre de notre réflexion. Il faut que l’on puisse rétablir ses droits le plus rapidement possible.
Effectivement aujourd’hui, j’ai fait la liste exhaustive des différentes solutions qui s’offrent à nous pour sortir de cette situation de crise. Certaines sont rapides ; d’autres plus longues, un mois minimum. Parmi les options, il faut que le syndicat des médecins fasse des choix. Mais ce n’est pas simple.

 
Tahiti infos : Un moratoire est-il techniquement possible ?
 
R.C : La difficulté c’est que les personnes évoquent des sujets ; mais il n’y a pas de contenu : il n’y a pas d’assise réglementaire. On est  sur le souhait de vouloir rétablir la situation d’avant.
La situation d’aujourd’hui, elle est simple : la convention est échue depuis le 27 février pour certain. Si on veut rétablir un tiers payant - et le même tarif qu’auparavant -, il faut signer une convention. Donc, il faut que l’on se mette d’accord sur laquelle : l’ancienne de 2009 ; la nouvelle, collective qu’ils ont rejeté ; la convention individuelle ?
L’autre solution c’est d’aller vers des textes réglementaires : les tarifs d’autorité, c’est un simple arrêté en conseil des ministres ; par contre le tiers payant c’est une loi de Pays. En fonction des choix qui seront faits, le délai sera plus ou moins long.
Maintenant que les options sont posées, c’est plus une question de posture, de stratégie pour le futur. Parce que je vous rappelle que le SMLPF a attaqué la convention collective et sa version individuelle. Et ces deux solutions permettent de rétablir le droit des patients dès demain, s’ils la signent…

 
T.I : La convention 2009-2012 peut-elle être remise au goût du jour ?
 
R.C : Elle est finie celle-là.
 
T.I : Oui, mais peut-elle être rehabilitée ?
 
R.C : Il faudrait la signer de nouveau. Et pour cela, il y a une procédure : il faut la remonter en conseil d’administration, devant les représentants des trois régimes, pour qu’ils la valident ; la porter en conseil des ministres pour validation ; la faire voter, en retour, en conseil d’administration à la Caisse ; puis la ramener en conseil des ministres pour qu’elle soit actée. Enfin il faut que les médecins la ratifient. Donc si on se précipite, si on va très vite : dès demain matin... il faudra un mois, minimum...
 
 

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 9 Mars 2012 à 17:04 | Lu 2343 fois