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Tematai Le Gayic se fait remonter les bretelles en interne


Tahiti, le 3 février 2025 – On lave son linge sale en privé. C'est en substance la teneur d'un courrier adressé à Tematai Le Gayic après sa tribune dénonçant les relations entre son parti et l'Azerbaïdjan. Un courrier de quatre pages, signé par les vieux caciques du parti, Oscar Temaru, Antony Géros, Vito Maamaatuaiahutapu et Léon Tefau qui estiment son attitude “irrespectueuse” et “périlleuse pour la cohésion du parti”, accusant notamment le jeune élu de “remettre en cause publiquement la stratégie” du Tavini.

 
Dans d'autres partis, il aurait été tout simplement exclu. Ce n'est pas la manière de faire du Tavini qui revendique “une liberté d'expression interne”. Autrement dit, cette liberté d'expression a ses limites et ne doit pas franchir les portes du parti. La tribune qu'a publié Tematai Le Gayic sur sa page Facebook le 28 janvier dernier est, en ce sens, bien restée en travers du gosier des élus “canal historique” du Tavini. Au premier rang desquels, le président lui-même, Oscar Temaru, qui lui adresse une lettre bien sentie de quatre pages, également paraphée par le patron de l'assemblée Antony Géros, mais aussi par le secrétaire général du parti, habitué des voyages à Bakou, Vito Maamaatuiahutapu, ainsi que par le trésorier Léon Tefau.
 
Un courrier que s'est procuré Tahiti Infos et qui remet à sa place le jeune élu qui a eu l'outrecuidance de dire tout haut ce que la frange plus modérée du Tavini pense tout bas. Pour ceux qui n'auraient pas suivi, Tematai Le Gayic s'est clairement affiché contre les relations entretenues par certains cadres de son parti avec le régime “autoritaire” azerbaïdjanais “qui ne défend en rien les valeurs progressistes et décoloniales”. “S'allier à ce régime, c'est trahir ses idéaux”, écrivait-il ainsi au lendemain d'une conférence de presse donnée par le chef du parti, Oscar Temaru. Dans une réponse publiée encore une fois sur les réseaux sociaux, le Tavini épargnait son jeune poulain, estimant qu'il exprimait là “une position respectable”, en préférant s'attaquer au député autonomiste Moerani Frébault, signataire avec 90 autres députés d'une résolution condamnant les ingérences de l'Azerbaïdjan.
 
Une “vision réductrice” et une “méconnaissance profonde”
 
Mais en interne, le ton est nettement moins courtois, comme en témoigne ce courrier daté du 29 janvier : “Qu'avez-vous à gagner en exposant ainsi un tel point de désaccord interne au parti sur la place publique ? [...] Cette attitude est non seulement irrespectueuse mais également périlleuse pour la cohésion du parti, alors même que nous sommes à un tournant décisif de notre combat politique pour la souveraineté”, écrivent ainsi Oscar Temaru, Tony Géros, Vito Maamaatuaiahutapu et Léon Tefau.
 
Ils y dénoncent une “vision réductrice” et une “méconnaissance profonde” par le jeune élu “des dynamiques politiques du Tavini Huiraatira amorcée depuis 1978, ainsi que des impératifs qui guident nos actions sur la scène internationale”, expliquant que le Tavini ne peut pas se payer le luxe de se passer d'un soutien à l'international, quand bien même il s'agirait de l'Azerbaïdjan.
 
Invité à “revenir à une attitude plus respectueuse”
 
“Vous laissez entendre que notre rapprochement avec l'Azerbaïdjan [...] constituerait une trahison de nos idéaux progressistes, comme si nous avions choisi de faire cause commune avec un régime autoritaire. [...] cette accusation est non seulement infondée mais aussi déconnectée des réalités de la diplomatie internationale”, assènent les quatre rédacteurs accusant Tematai Le Gayic de jouer le jeu de “certains médias locaux et de la Puissance administrante”. Et ce alors même qu'après 40 ans de lutte, “nous sommes enfin en position de responsabilité grâce aux efforts de nos dirigeants historiques”, occultant en revanche le fait que le programme du Tavini qui l'a porté au pouvoir en 2023 n'était pas basé sur l'accession à l'indépendance mais sur des sujets plus pragmatiques concernant le quotidien des Polynésiens comme la cherté de la vie.
 
“Votre tribune, au lieu d'apporter un débat constructif au sein du parti ne fait que diviser nos forces et affaiblir notre combat”, écrivent-ils encore, invitant le jeune représentant à “respecter celles et ceux qui vous ont permis d'accéder aux affaires”, sans “renoncer” pour autant “à toute critique – constructive – interne”.
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 3 Février 2025 à 18:30 | Lu 5974 fois