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Tamatoa Alfonsi, ses « balades » californiennes et ses « copines » mexicaines


PAPEETE, le 2 avril 2019 - Tamatoa Alfonsi a été présenté devant le tribunal correctionnel ce mardi pour répondre de faits d’importation d’ice dans le cadre de l’affaire dite « Papy Ellis ». Si l’homme a reconnu les faits dans leur globalité, il a toutefois rencontré de grosses difficultés face aux questions du président du tribunal qui tentait de rentrer dans les détails. Jugé en état de récidive légale, le narcotrafiquant a été condamné à six ans de prison ferme.

Mais qu’a donc fait Tamatoa Alfonsi, dit « Sana », durant les mois qu’il a passé en Californie puis dans la ville mexicaine de Tijuana entre septembre 2016 et novembre 2018 ? Selon ses dires, l’homme était en « vacances ». Il en aurait profité pour faire du "surf" et du "ski".

Présenté ce mardi devant le tribunal correctionnel, Tamatoa Alfonsi était poursuivi dans le cadre de l’affaire dite « Papy Ellis ». Les autres mis en cause de ce dossier ayant été jugés en janvier dernier, « Sana » a comparu seul suite à une disjonction opérée par le juge d’instruction en charge de cette affaire.



Fournisseur et commanditaire

La justice reproche à Tamatoa Alfonsi d’avoir pris part à un trafic portant sur dix importations d’ice organisées entre les Etats-Unis et la Polynésie française. Entre janvier et mars 2017, l’homme aurait agi en qualité de fournisseur alors qu’il se trouvait en Californie. En juin et juillet 2017, alors qu’il était cette fois à Tahiti, Tamatoa Alfonsi aurait également organisé un voyage afin d’importer de l’ice.

« Sana », qui avait trouvé refuge à Tijuana, était sous le coup d’un mandat d’arrêt. Interpellé au Mexique en novembre dernier, il avait été transféré dans une prison métropolitaine avant d’être ramené à Tahiti.

A la barre du tribunal correctionnel ce mardi, Tamatoa Alfonsi, vêtu d’une chemise à fleurs, se montre très poli. Face à « Monsieur » le président du tribunal, la mémoire de « Sana » semble vacillante. Il reconnaît d’abord les faits. Puis il se rétracte. Quelques minutes plus tard, il avoue de nouveau. Selon son avocat, ces tergiversations sont liées au « stress » car c’est la première fois que son client est entendu dans le cadre de ce dossier. Tamatoa Alfonsi n’a, en effet, jamais été entendu par le juge d’instruction dans le cadre de cette affaire.

« Une très longue balade »

Le président du tribunal, Nicolas Léger, interroge longuement Tamatoa Alfonsi. Mais que faisait-il donc à Los Angeles durant six mois ? Selon ses dires, « Sana » se « baladait ». « Vous avez arpenté le bitume pendant des semaines, c’était donc une très longue balade », ironise le magistrat. De son séjour à Tijuana, Alfonsi n’a « rien à dire ». Il explique cependant qu’il en a profité pour surfer et voir ses "copines". Copines qui l’auraient d’ailleurs entretenu car l’homme n’avait pas de ressources.

« A Los Angeles, vous étiez l’agence « Tahiti méthamphétamines » poursuit le président du tribunal, « mais à Tahiti, vous aviez aussi un réseau d’écoulement ? ». « Je n’ai rien à dire là-dessus. Après vingt ans de défonce, vous me demandez trop de détails, je ne me souviens pas » se justifie l'homme, en affirmant qu’au cours de deux dernières décennies, il a consommé « tout ce qu’il y a comme drogue : cocaïne, MD, ecstasy » mais « surtout de l’ice ». Tamatoa Alfonsi explique au tribunal qu’il a commencé à fumer du paka à l’âge de 10 ans. Il est tombé dans l’ice quelques années plus tard.

Incarcéré à Nuutania à l’isolement, « Sana » vit très mal cette mesure : « je ne vois personne, je ne parle à personne, je suis vraiment très seul ». L’homme, père d’une enfant de 10 ans, a déjà été condamné à de multiples reprises pour s’être livré à des trafics d’ice et de paka.

« Double procès »

Avant de requérir « cinq à six ans de prison », le procureur de la République s’interroge : « Comment un Polynésien lambda peut-il se retrouver dans la position d’avoir son siège aux Etats-Unis et au Mexique ? Nous savons que le prévenu est un individu connu de la place pour avoir été condamné dans le cadre de multiples affaires liées au trafic de stupéfiants ». Outre la peine de prison, le représentant du ministère public requiert également le paiement d’une amende fiscale de 92 millions de francs.

« Il faut ramener cette affaire à sa plus juste mesure. Tamatoa Alfonsi a parfaitement reconnu son rôle mais ce dernier n’est pas si prépondérant qu’on voudrait le laisser croire » affirme Me Hellec, conseil du prévenu, à l’aube de sa plaidoirie. Selon l’avocat, « dans un procès pénal, il y a un toujours un double procès avec le procès médiatique » : « dès le début, M. Alfonsi a été présenté comme un trafiquant international, voire comme un terroriste international, mais tout cela a été fait sans aucun recul sur la présomption d’innocence » . Et l’homme de loi de revenir sur le parcours de son client, « une vie d’errements » qui commence par la consommation de cannabis puis par la découverte de l’ice, un véritable « engrenage ».

Après en avoir délibéré, les magistrats condamnent Tamatoa Alfonsi à six ans de prison ferme et au paiement d’une amende fiscale de 92 millions de francs.

Au cours de ce procès, et à la grande surprise du tribunal, « Sana » a évoqué l’importation de glacières remplies de 650 grammes d’ice. Ces faits auraient été commis dans le cadre de l’affaire dite « Sarah Nui ». L’affaire, actuellement traitée par un magistrat instructeur, compte déjà plus de 40 mis en examen, dont Tamatoa Alfonsi.




Rédigé par Garance Colbert le Mardi 2 Avril 2019 à 15:17 | Lu 6558 fois