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Tahiti Knives : l'art du polissage japonais à Tahiti


PAPEETE, le 15 février 2019 - Gilbert Daniellou, passionné par les couteaux, se forme au polissage japonais depuis 20 ans. Il a été accepté par Kuzan Oda, maître forgeron de sabres au pays du soleil levant. Avec lui, il affine sa technique. Ou plutôt il fait évoluer ce qu'il considère comme une philosophie.

"Le polissage", rapporte Gilbert Daniellou, "c'est une philosophie, une perpétuelle recherche de la perfection. Une maîtrise qui amène l'objet au beau". Il ajoute : "en polissant, on travaille sur l'égo car tu ne parviens jamais à faire naître quelque chose de parfait".

Puis : "le polissage est une traduction de ton état d'esprit". Un processus de longue haleine qui requiert patience et concentration, qui raconte le maître qui lui a donné la vie.

Courbé au-dessus de la lame qu'il travaille, Gilbert Daniellou revient sur les étapes de la technique japonaise de fabrication, une technique millénaire issue de la tradition du sabre, qui révèle le grain, les lignes, les couleurs de l'acier.

Les couteaux sont polis manuellement sur des pierres à eau généralement naturelles (même si des pierres synthétiques peuvent les remplacer aujourd'hui).

Il existe des pierres de dégrossissement qui s'appellent Arato (pour les lames très abimées ou brutes de forge), Binsui (pour le travail de mise en forme des lignes d'angles et des courbes), Kasai (au grain fin, utilisée à 45 degrés de l'axe de la lame) ou bien encore uchigumori ha (une pierre toujours naturelle, utilisée dans l'axe de la lame en tirant vers soir sur la partie proche du tranchant).

Ensuite, les pierres de finition prennent le relai. Ce sont les Jizuda (réduite en fine portions de quelques millimètres, elle est frottée pour révéler le grain de l'acier) et Hazuha (réduite à la taille d'un ongle et l'épaisseur d'un timbre-poste, elle sert à polir).

Ces pierres, Gilbert Daniellou sait les utiliser grâce à Kuzan Oda, le maître forgeron de sabres qui a bien voulu ouvrir les portes de son atelier.

"J'ai toujours voulu apprendre à faire des couteaux"

Gilbert Daniellou est un Breton, passionné de couteaux. "J'ai toujours voulu apprendre moi-même à en faire", indique-t-il. "Et j'ai toujours trouvé que les plus beaux, les plus coupants, les plus aboutis étaient les couteaux japonais".

Aussi, il s'est mis en tête, un jour, de trouver un "formateur" au pays du soleil levant. Pour cela, il s'est rendu au plus grand salon de couteaux de Tokyo. Un événement qui a lieu deux fois par an et qui rassemble les meilleurs maîtres japonais.

La toute première visite a eu lieu en 1995, elle n'a rien donné. "Personne ne voulait de moi." Certains ne parlaient pas anglais, la plupart n'imaginaient pas pouvoir transmettre leur savoir à quelqu'un qui n'était pas Japonais. Pendant cinq ans, Gilbert Daniellou a assisté au salon, sans aucune ouverture.

Jusqu'à ce que maître Kuzan Oda lui adresse la parole. "Il m'a interrogé sur le vocabulaire lié au sabre. Il y a plus de cent termes pour désigner toutes les parties d'un sabre au Japon, par chance, je les connaissais."

"Es-tu prêt à dormir dans le froid (…) à travailler 8 heures par jour (…) ?"

Après le test oral, Kuzan Oda a demandé : "Es-tu prêt à venir en hiver, à dormir dans le froid de l'atelier que je ne chaufferai pas pour toi, à travailler 8 heures par jour et, si tu travailles mal, à recevoir des corrections?"

"Oui" a répondu Gilbert Daniellou qui s'est retrouvé un plus tard, en novembre 1999, au cœur de l'hiver, au pied de la forge du maître, glacé : "mais pourquoi ai-je accepté?". La réponse est apparue au fil des ans.

"En fait, j'ai découvert un homme extraordinaire qui ne m'a jamais tapé, mais qui m'a testé. À l'issue de mon premier séjour chez lui, il m'a dit : reviens! " Depuis, l'apprenti profite des précieux conseils de Kuzan Oda une à deux fois par an. Il effectue des séjours au Japon spécialement pour se former.

Après quelques années d’apprentissage qui ont commencé par le polissage des sabres, (katanas, wakisashis, tantos), Gilbert Daniellou a pu accéder au savoir-faire de la forge et de la confection de lames de couteaux, dans le même esprit de rigueur que le travail sur les sabres.

"Rien ne se fait à la machine, la série n’existe pas, chaque pièce est unique. Elle fait l’objet d’une attention particulière, de la forge aux finitions, où le polissage prend une place majeure."

À Tahiti, il travaille selon les mêmes méthodes, avec la même rigueur, pour chaque nouvelle réalisation. "J’y ajoute une liberté dans les choix esthétiques pour que chaque utilisateur retrouve dans la pièce qu’il acquiert, ses envies et son mode de vie."

Chaque couteau produit est donc un lien entre une tradition Japonaise et une confection artisanale propre aux îles du Pacifique sud.

Contacts

Site internet de Tahiti Knives.




Rédigé par Delphine Barrais le Vendredi 15 Février 2019 à 11:54 | Lu 3547 fois