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Stages gratifiés : le “peut mieux faire” du Cesec


Tahiti, le 30 décembre 2025 - Bonne idée, mauvaise méthode. Le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) a rendu, ce mardi, un avis défavorable sur la proposition de loi du Pays portée par neuf élus de la majorité Tavini visant à instaurer une gratification obligatoire pour les stagiaires. Un texte jugé précipité, insuffisamment concerté et truffé de lacunes, que la société civile appelle à retravailler en profondeur avant son examen en commission de l’assemblée.
 
Instaurer une gratification pour les stagiaires en Polynésie française : sur le fond, le sujet ne fait guère débat. Mais sur la forme, la proposition de loi du Pays déposée par neuf élus de la majorité Tavini a suscité de fortes réserves au sein du Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec). Réunis en séance plénière ce mardi, les représentants de la société civile ont adopté un avis défavorable, par 41 voix, estimant que ce texte mérite d’être revu et corrigé. Dans son analyse, le Cesec reconnaît pourtant le caractère légitime de la démarche. La gratification des stages est perçue comme un outil de justice sociale, visant à limiter les situations de précarité et à mieux reconnaître l’engagement des étudiants, dans un contexte où le coût de la vie demeure élevé.
 
Mais si l’objectif est partagé, la méthode employée pour y parvenir l’est beaucoup moins. D’abord, et comme souvent, le Cesec regrette l’absence de concertation préalable avec les partenaires sociaux et le monde économique. “Ça devient une habitude, c’est lassant”, s’est agacé Christophe Plée qui regrette que cette proposition de loi parte “d’un bon fond pour devenir une usine à gaz”.  D’autant qu’on est “tous d’accord pour une gratification et on aurait pu vous aider à faire le texte car il y a des trous dans la raquette”. 
 
Un texte jugé incomplet et juridiquement fragile
 
Au-delà de la méthode, l’avis du Cesec met en lumière de nombreuses fragilités dans la rédaction même du texte. Absence de chiffrage précis du nombre de stagiaires concernés et du coût global pour les structures d’accueil, imprécisions sur le champ d’application, risques juridiques liés à une possible requalification des stages en contrats de travail : les critiques sont nombreuses. Le Conseil regrette notamment l’absence d’évaluation précise de l’impact économique pour les entreprises, les associations et les fondations, pourtant en première ligne pour accueillir des stagiaires.
 
La référence directe au code du travail, plutôt qu’à un cadre éducatif spécifique, soulève également des interrogations. Pour le Cesec, ce choix entretient une confusion entre statut de stagiaire et salariat, susceptible de dissuader certaines structures d’accueil. Autre point sensible : le seuil de déclenchement de la gratification, fixé à 44 jours de présence effective, dont la définition reste floue.
 
Un texte à défendre, mais à retravailler
 
Pour autant, l’avis défavorable ne sonne pas comme un rejet définitif.  “Ce texte mérite d’être défendu et retravaillé”, a d’ailleurs souligné le rapporteur de l’avis, Diego Lao. Une position qui résume l’état d’esprit général au sein du Cesec, favorable à une réforme, mais appelant à une construction plus collective et plus sécurisée juridiquement.
 
Le Conseil plaide ainsi pour une reprise du travail en profondeur, associant l’ensemble des parties prenantes : services du Pays, partenaires sociaux, établissements d’enseignement, étudiants et acteurs économiques. Une concertation jugée indispensable pour aboutir à un dispositif équilibré, applicable et accepté. “Peut mieux faire”. C’est en résumé l’appréciation formulée par le Cesec sur ce texte proposé par les élus de la majorité qu’il renvoie à leur copie.
 
Des discussions appelées à se poursuivre
 
Du côté des élus porteurs de la proposition, le message semble avoir été entendu. Interrogé à l’issue des débats, Cliff Loussan, l’un des signataires du texte, a assuré que “les discussions allaient se poursuivre” avant la transmission de la proposition de loi en commission de l’assemblée de la Polynésie française.
 
Un signal d’ouverture qui pourrait permettre d’aplanir les divergences et d’améliorer un texte dont l’intention fait consensus. Reste à savoir si cette nouvelle étape de dialogue permettra de transformer une ambition partagée en un cadre législatif solide, au bénéfice des stagiaires comme des structures d’accueil.

Ce que le Cesec propose pour corriger le tir

Le Cesec appelle d’abord à une véritable concertation préalable, associant les administrations compétentes, les partenaires sociaux, les établissements d’enseignement, les étudiants et les acteurs économiques. Une étape jugée indispensable pour garantir la cohérence et l’acceptabilité de la réforme. Sur le plan juridique, la société civile recommande de clarifier le statut du stagiaire afin d’éviter toute assimilation au salariat, et les éventuels risques de requalification en contrat de travail. Elle préconise également de repenser le rattachement du dispositif, en privilégiant un cadre éducatif spécifique plutôt qu’une intégration directe dans le code du travail.
 
Étendre le dispositif au secteur public
 
Le Cesec estime par ailleurs que le dispositif devrait être étendu au secteur public et aux professions libérales, tout en intégrant explicitement les associations et fondations à but non lucratif, avec des mesures d’accompagnement pour les structures les plus fragiles. Concernant la gratification elle-même, le Cesec invite à éviter les références salariales, comme le Smig, et à privilégier une base de calcul non assimilable à un salaire. Il demande aussi de préciser la notion de “jours de présence effective” et de mieux encadrer les conditions de rupture de stage, la couverture sociale et la répartition des responsabilités en cas d’accident. Enfin, le Cesec plaide pour une meilleure organisation des périodes de stage, via un calendrier concerté, afin de faciliter l’accueil des étudiants et d’assurer une application équitable et réaliste du futur dispositif.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 30 Décembre 2025 à 12:52 | Lu 538 fois