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Sauver Venise des flots, la course contre la montre est engagée


Crédit Olivier MORIN / AFP
Crédit Olivier MORIN / AFP
Venise, Italie | AFP | mercredi 25/01/2023 - Venise sera-t-elle engloutie par les flots en 2100? Pour éviter ce scénario catastrophe évoqué par des scientifiques, la Cité des Doges tente de sensibiliser les jeunes générations à la protection de la lagune, un écosystème très fragile menacé par le changement climatique.

L'"acqua alta", une marée particulièrement haute, inonde régulièrement la célèbre place Saint-Marc, un phénomène qui divertit les touristes mais met en péril les fondations des vieux palais de la Sérénissime, classée au patrimoine mondial de l'Unesco.

Si l'Unesco avait menacé en 2021 d'inscrire Venise sur la liste du patrimoine mondial en péril, la cité lacustre y a échappé in extremis grâce à l'interdiction faite aux grands navires de croisière de pénétrer au coeur de la lagune.

Pour contribuer à la sauvegarde de Venise, l'Unesco, associée au groupe de luxe Prada, a lancé mardi une initiative visant à initier des petits élèves de trois à six ans aux secrets de la lagune.

L'île de Torcello, située au nord de la lagune, avec ses marais salants dont les rives sont érodées par les vagues provoquées par les bateaux à moteur, a été le théâtre de la première leçon en plein air de ce programme éducatif baptisé "Jardin d'enfants de la lagune".

Des poissons confectionnés en papier mâché recyclé, des prélèvements d'eau de mer, des dessins reproduisant les couleurs de la nature ... le petit groupe d'une quarantaine d'enfants âgés de cinq ans, enthousiastes, a tenté de s'approprier la lagune.

"Nous voulons que les enfants apprennent à observer la nature et la lagune, qu'ils apprennent à la connaître, à l'aimer et à mieux la protéger", a déclaré à l'AFP Francesca Santoro, coordinatrice du programme d'initiation à l'océan de l'Unesco.

Digues artificielles

Ce projet éducatif est jugé utile par Georg Umgiesser, directeur de recherche à l'Institut des sciences marines de Venise (ISMAR-CNR), car "il ne suffit pas de montrer de simples graphiques illustrant la montée du niveau de la mer".

"Sous l'effet de l'affaissement du sol de Venise et de la montée des eaux, le niveau moyen de la mer a grimpé de 30 cm ces 150 dernières années et devrait gagner encore plus de 50 cm d'ici la fin du siècle", explique-t-il à l'AFP.

La place Saint-Marc, qui se situe dans la partie la plus basse de la ville, est la première à être inondée, et "en 2100, la moitié de Venise risque d'être sous les eaux", redoute cet océanographe allemand qui vit à Venise depuis 40 ans.

Depuis octobre 2020, un système de digues artificielles baptisé MOSE (Moïse en italien), est déclenché dès que la montée des eaux de la mer Adriatique atteint une cote d'alerte de 110 cm.

Ce système, élaboré dans les années 1980, avant que ne s'accélère le réchauffement climatique, sera-t-il suffisant pour empêcher l'engloutissement de Venise?

Selon M. Umgiesser, ce mécanisme risque d'atteindre ses limites. "Le MOSE a été conçu pour se fermer au maximum 50 fois par an. Si l'élévation de la mer continue à ce rythme, à partir de 2100, il faudrait le déclencher 300 à 400 fois par an". 

Biodiversité en péril

A ce moment-là, la lagune serait de fait fermée, ce qui empêcherait l'échange d'eau avec la mer, primordial pour préserver la biodiversité. 

Reste une autre solution, qui consisterait à "élever le terrain de Venise de 30 à 50 cm en injectant de l'eau de mer dans son sous-sol", explique-t-il. Mais un tel scénario est encore lointain.

En attendant, Jane da Mosto, directrice de l'ONG environnementale We are here Venice, mise sur les marais salants pour freiner l'acqua alta et atténuer les courants, en tant que barrières naturelles.

Restaurer ces zones humides, décimées par le changement climatique et l'urbanisation, serait selon elle une solution naturelle pour sauver Venise et sa lagune.

"Les marais salants agissent comme des éponges et peuvent donc ralentir les courants, diminuer l'énergie des vagues et ainsi atténuer les niveaux d'eau", a expliqué cette spécialiste de l'environnement à l'AFP.

"C'est une course contre la montre. Il faut agir maintenant. Nous sommes dans l'urgence climatique, la catastrophe est déjà en train de se produire", a-t-elle prévenu.

le Mercredi 25 Janvier 2023 à 05:56 | Lu 313 fois