Tahiti Infos

Rumeurs sur la fermeture de TNTV : Yves Haupert défend sa chaîne


Rumeurs sur la fermeture de TNTV : Yves Haupert défend sa chaîne
Les temps sont durs pour la chaîne du Fenua, Tahiti Nui Télévision : pas une semaine ne passe sans que la presse écrite ne la cite en probable victime du plan de réforme du service public en Polynésie. Face à ceux qui accusent TNTV d’être un «gouffre financier», le directeur général, Yves Haupert, tempère. Certes, la chaîne coûtera encore 800 millions au Pays cette année, mais c’est déjà 300 millions de moins qu’auparavant. Une économie rendue possible par un plan social douloureux, au terme duquel la chaîne s’est séparée de 40% de ses effectifs. Aujourd’hui, avec 53 salariés, contre 86 en 2010, la chaîne tente tant bien que mal de s’acquitter de ses missions avec un budget en baisse. « C’est l’investissement du Pays qui profite le mieux à la Polynésie », affirme même Yves Haupert, qui a accepté de répondre à nos questions. Interview.

Les rumeurs sur la fermeture de TNTV se font de plus en plus pressantes. Le gouvernement vous a-t-il informé de ses intentions ?

Je ne sais pas si elles se font de plus en plus pressantes. Aujourd’hui ce sont les médias qui se font pressants sur cette question, et des médias qui sont susceptibles de devenir des concurrents. Donc ce n’est sans doute pas une démarche anodine, ou neutre, et cela va bien au-delà du devoir d’information. Je m’arrêterai là sur ces considérations. Le rapport Bolliet préconise la fermeture de TNTV, on le sait, ce n’est pas nouveau. Le pays a déjà tranché d’une certaine manière l’année dernière en mettant en place un plan de redressement, avec un moratoire qui règle la question des dettes de TNTV, et un plan social qui a été difficile puisque nous nous sommes séparés de 40% de nos effectifs afin de réduire les coûts de la chaîne. Ensuite j’ai eu l’instruction de préparer la chaîne à diffuser sur la TNT, donc à préparer son avenir. Le propriétaire de la chaîne qui est le pays a fait des choix qui sont des choix d’avenir, donc je n’ai aucune raison de m’inquiéter.

Si ce n’est que le gouvernement a changé depuis. Savez-vous si Oscar Temaru a les mêmes intentions?

Je pense puisque la question de TNTV a été débattue à l’assemblée, notamment pour la question du budget, et que les besoins exprimés pour la chaîne ont été votés à l’unanimité. Donc je n’ai aucune raison de penser que les choses pourraient être remises en cause.


Rumeurs sur la fermeture de TNTV : Yves Haupert défend sa chaîne
Oui mais la nouvelle donne, c’est que pour l’obtention du prêt AFD, la Polynésie est obligée de faire des choix très difficiles et des économies drastiques sur son budget de fonctionnement…

Bien sûr que l’on n’est pas à l’abri d’un risque que ferait peser sur nous la contrainte budgétaire. Le pays fera son choix, mais fermer TNTV reviendrait à licencier 53 personnes, à liquider bien sûr la structure, à revenir au monopole de Polynésie 1ère (ex-RFO). Pardonnez-moi cette petite pique à l’égard de mes collègues, mais aujourd’hui compte tenu des effectifs et des moyens dont ils disposent, je trouve qu’ils n’en font déjà pas beaucoup, alors imaginez ce que ce sera le jour où il n’y aura plus la concurrence de TNTV et où ils se retrouveront en situation de monopole ! Et d’autre part, personne ne sait non plus quel est le devenir de Polynésie 1ère . On devait leur retirer la publicité, et si toutes ces réformes sont repoussées au-delà des présidentielles, personne ne sait quel est leur avenir. Quant à ceux qui disent qu’on n’a plus besoin de TNTV avec l’arrivée des chaînes de la TNT, pour moi ce n’est pas un véritable argument, car ces chaînes ne montrent pas d’images de la Polynésie. Seule TNTV peut faire vivre à l’antenne notre culture et nos langues.

En avez-vous parlé avec le gouvernement ?

Oui, ils sont conscients de la nécessité de conserver TNTV. La Nouvelle-Calédonie, qui vit sous le monopole de RFO et de grèves à répétition, va se doter de deux nouvelles chaînes privées, une dans la Province Nord et une dans la Province Sud, financées par les deux provinces. C’est aussi le cas du reste du Pacifique, on l’a vu au FIFO. Est-ce qu’aujourd’hui la Polynésie doit aller à contre-courant de cette tendance, là est véritablement l’enjeu. Face aux flots d’images venues du monde entier, les identités locales ne survivent plus . Et ce n’est pas Polynésie 1ère qui nous mettra à l’abri de ce risque.

Pour TNTV, faire de la production locale se heurte à un obstacle, et il est financier. Avez-vous aujourd’hui les moyens de vos ambitions ?

C’est une vraie question, on nous a enlevé des moyens donc on nous place dans une situation un peu contradictoire : on voudrait que nous en fassions plus, avec moins. Je rappelle simplement que comparativement à RFO, nous en faisons beaucoup plus alors que nous avons quatre fois moins de budget et d’effectifs. Bien sûr qu’aujourd’hui je n’ai pas les moyens de faire ce que je voudrais. Je fais avec ce qu’on me donne, et j’espère qu’à l’avenir nous aurons plus de moyens. Rappelons tout de même que la production locale représente 40% de notre grille, ce qui selon le CSA fait de nous la première télévision de proximité de toute la France.

Pourrez-vous encore réduire le budget de TNTV si le pays vous le demande ?

Oui, nous ferons des économies sur le transport du signal, lorsque l’analogique sera éteint, mais nous l’avons déjà intégré dans les budgets de cette année. Après ça va être difficile. Si on nous demande de réduire encore nos effectifs, nous ne pourrons plus remplir correctement notre mission de proximité.

Une fusion avec l’Agence Tahitienne de Presse (ATP), dont il a été beaucoup question, permettrait-elle de faire des économies?

Cette fusion est souhaitable. Je la propose depuis 2008 dans un document confidentiel que j’avais remis au président et qui proposait une réforme de l’audiovisuel polynésien. Cette idée a été reprise par la Chambre territoriale des comptes (CTC) dans son rapport sur TNTV, et le plan de refonte de TNTV s’appuie dessus. Bien sûr qu’il faut réformer tout cela, rapprocher les structures de manière à dégager des économies d’échelle.


Rumeurs sur la fermeture de TNTV : Yves Haupert défend sa chaîne
Pourquoi cette fusion qui semble faire le consensus est-elle si longue à se faire ?

Eh bien parce que le pays est propriétaire et qu’il faut une volonté politique ! Les alternances ont ralenti le processus de décision. Par ailleurs TNTV est une SEM, l’ATP et l’ICA sont des EPIC, ce qui pose des problèmes juridiques pour les fusionner.

Donc TNTV va devenir un EPIC également (établissement public à caractère industriel et commercial)?

C’est la recommandation de la Chambre Territoriale des Comptes, et nous nous y préparons. Nous devons valider tout cela avec nos actionnaires privés qui sont d’accord pour céder leur participation. Juridiquement, nous serons plus en accord avec nos financements, et cela nous permettra de fusionner avec d’autres établissements publics. Cette fusion avec l'ATP nous permettrait par exemple de développer une télévision en ligne.

Vous n’envisagez pas, à contrario, de chercher des actionnaires privés pour être moins dépendants du public ?

Non. Les charges sont trop lourdes. Notamment les charges de diffusion par le satellite, sur un territoire vaste comme l’Europe. Précisons d’ailleurs que nous sommes la seule télévision locale à devoir faire avec cette contrainte. Cela impacte le budget très lourdement et c’est pour cela que nous relevons d’une mission de service public uniquement. Seul le pays peut financer des charges aussi lourdes. Ce qui a créé des difficultés par le passé, c'est que la subvention de TNTV a joué au yoyo d'année en année, alors que les charges n'ont jamais bougé. C'est ça qui a mis la chaîne en difficulté, et qui a créé ce lourd passif qu'il nous a fallu rattraper. Aujourd'hui que nous sommes arrivés au bout de ce rétablissement, ce serait dommage que le patient finisse par mourir alors qu'il est en bonne santé...

Rédigé par F K le Lundi 9 Mai 2011 à 14:36 | Lu 2195 fois