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Retraites: les syndicats veulent "garder l'opinion" face à un pouvoir inflexible


Crédit JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Crédit JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 23/03/2023 - Déterminés à "garder l'opinion" en évitant au maximum toute violence, les syndicats saluent un "regain de mobilisation" pour la neuvième journée d'action contre la réforme des retraites, au lendemain d'une intervention du président de la République qui a hérissé les opposants.

Cette journée est la première organisée au niveau national après l'adoption de la loi via l'arme constitutionnelle du 49.3, le 16 mars.

Peu avant le départ du cortège parisien, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a noté un "regain de mobilisation" et appelé "à la non-violence", ajoutant que "jusqu'au bout il va falloir garder l'opinion" qui est une "pépite".

A ses côtés, son homologue de la CGT Philippe Martinez a estimé qu'Emmanuel Macron avait "jeté un bidon d'essence sur le feu" avec son interview, rappelant que les syndicats avaient écrit au chef de l'Etat pour l'alerter sur la "situation explosive" du pays. La CGT a annoncé 800.000 manifestants à Paris.

Dans les cortèges, la détermination et la colère étaient palpables avec beaucoup de ressentiment vis-à-vis du chef de l'Etat.

A Strasbourg, Nathalie Cholley, aide-soignante de 47 ans, est venue pour "défendre" son avenir mais aussi "protester contre la politique d'Emmanuel Macron et son mépris". "Je n'aime pas sa manière de parler aux Français, il y a un vrai manque de respect". 

A Brest, Aurélia Vaillant, 44 ans, restauratrice, assure qu'elle "ira jusqu'au bout". "Il y a trop d'enjeu pour arrêter maintenant", dit cette femme qui s'est sentie "méprisée" par l'intervention du chef de l'Etat.

"Une gifle"

Les premiers cortèges attestaient d'un net rebond par rapport à la dernière journée de mobilisation, avec, selon les autorités, 14.800 personnes à Rouen, et 18.000 à Montpellier. A Marseille, les syndicats ont compté 280.000 personnes et la préfecture 16.000.

Des heurts ont opposé à Nantes et Rennes des manifestants aux forces de l'ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogène et de canon à eau. A Lorient (Morbihan), le commissariat a été pris pour cible.

A Paris, le cortège est parti vers 14h30 de la Bastille en direction de la place de l'Opéra. La préfecture a recensé "environ un millier" d'éléments radicaux et le cortège a été émaillé de quelques dégradations, comme des abribus brisés ou des poubelles brulées. Plusieurs fast-food ont été ciblés.

La police a dit attendre "entre 600 et 800.000 personnes sur environ 320 actions" en France, dont 40 à 70.000 à Paris.

Mercredi, Emmanuel Macron n'a pas dévié de son cap, réaffirmant  que sa réforme était "nécessaire", qualifiant les auteurs de violences de "factieux" et égratignant au passage les syndicats, et particulièrement la CFDT, accusés de ne pas avoir su "propose(r) un compromis".

"Cibler la CFDT, c'est idiot. Je n'ai jamais renoué le dialogue en mettant une gifle à quelqu'un", a répondu Laurent Berger jeudi. Pour le patron du premier syndicat français, ces propos ont "sans doute renforcé la détermination pour les manifestations".

Les autres leaders syndicaux ont dénoncé à l'unisson le "mépris" et le "déni" du chef de l'Etat, attendu jeudi en début d'après-midi à Bruxelles pour un conseil européen.

Baroud d'honneur

Pendant ce temps, les grèves entrainaient de nombreuses perturbations, notamment dans les transports. A la SNCF, seule la moitié des TGV Inoui et Ouigo et le tiers des TER circulaient, tandis que la RATP faisait état d'un trafic "très perturbé".  

Quelques dizaines de personnes ont également fait irruption à l'aéroport de Roissy, bloquant durant une heure les accès au terminal 1 avant d'en être délogés dans le calme. Face au risque de pénurie de carburant, le gouvernement a pris un arrêté de réquisition à l'égard des grévistes de la raffinerie TotalEnergies de Normandie.

Des monuments ont également été fermés, dont la Tour Eiffel ou le château de Versailles.

Dans l'Education nationale, le ministère a comptabilisé 23,22% de grévistes dans le primaire et 19,61% dans le secondaire. Premier syndicat dans les écoles, le Snuipp-FSU prévoyait entre 40 et 50% de grévistes chez les professeurs du primaire et son homologue du second degré, le Snes-FSU, 50% dans les collèges et lycées.

L'agitation gagne aussi une partie de la jeunesse. Le ministère de l'Education nationale a signalé jeudi midi "77 incidents dans les lycées en France", dont 27 blocages. Des universités ont elles aussi été bloquées. Dont la peu révolutionnaire faculté de droit d'Assas, à Paris, où Redouane, étudiant de 23 ans, veut "montrer le mécontentement face à cette réforme".

La mobilisation de jeudi sera-t-elle un baroud d'honneur, ou un bouquet final avant que la contestation ne s'éteigne ? 

Selon une source proche du gouvernement, l'exécutif espère que la mobilisation "s'étiole" après jeudi, et que tout rentre dans l'ordre "ce week-end".

Mais l'intersyndicale ne désarme pas: elle se retrouvera jeudi soir au siège de la CFDT à Paris.

le Jeudi 23 Mars 2023 à 05:30 | Lu 510 fois