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Retraites : le projet de réforme transmis à l'Assemblée


PAPEETE, 13 février 2018 - Le gouvernement a adopté ce mardi matin, lors d’un Conseil des ministres extraordinaire, le projet de loi portant réforme du système de retraite polynésien.

"Nous avions annoncé que nous prendrions nos responsabilités. Nous les prenons", a lancé Edouard Fritch, mardi matin à l’issue du Conseil des ministres extraordinaire qui venait d’adopter le projet de loi du Pays portant réforme du système polynésien de retraites par répartition. Le projet de texte devait être transmis dans la journée à l’Assemblée, pour un examen lors de la session extraordinaire qui s’ouvre jeudi pour 30 jours.

Après un certain flottement d’hésitation, et visiblement sous la pression décisive de Jacques Raynal, le ministre des solidarités et de la santé, en charge de la protection sociale généralisée, ce projet de loi sera examiné sans attendre, avant les élections territoriales d’avril prochain.

Après avoir rencontré les deux syndicats d’employeurs lundi, le président Fritch a reçu mardi matin l’intersyndicale CSTP/FO-CSIP- Otahi-COSAC-O Oe To Oe Rima conduite par Angélo Frébault "pour annoncer, par déférence, que nous allions transmettre le texte", a expliqué le chef de l’exécutif lors d’une conférence de presse donnée en fin de matinée à la Présidence. "Il n’était pas question de rouvrir le débat".

Ce débat aura vraisemblablement lieu le 1er mars prochain, en séance plénière dans l’hémicycle de Tarahoi. Avant, le projet de loi doit être examiné au cours des 15 prochains jours lors d’une commission législative.

> Lire aussi : "Sans cette réforme, nous allons à la catastrophe" (Fritch)

L'intersyndicale s'est résolue mardi matin à mettre tout en œuvre pour déclencher à partir de jeudi 15 février un mouvement de grève générale illimité et appelle à une mobilisation populaire place Tarahoi, dès 7 heures, pour signifier l’opposition populaire à ce projet de réforme, alors que le gouvernement Fritch "pense que nos concitoyens dans leur immense majorité sont conscients de l’urgence et qu’ils sont prêts à faire de petits sacrifices". Le degré de mobilisation de jeudi sera instructif, à ce titre.

En l’état, le projet de loi prévoit que l’âge légal de départ à la retraite qui est actuellement de 60 ans sera porté à 61 ans en 2020, puis 62 ans en 2021. Parallèlement, la durée légale de cotisation, pour l'heure de 35 ans, sera portée à 36 ans en 2019, 37 ans en 2020 et 38 ans en 2021. L’âge minimum pour prendre une retraite anticipé, aujourd’hui à 55 ans, sera porté dès 2019 à 57 ans. Le taux de remplacement des pensions de retraite, qui demeure à 70 %, sera calculé sur la base du revenu mensuel moyen des 15 meilleures années sur les 20 dernières, alors qu’il est pour l'instant calculé sur une base de référence des 10 meilleures années sur les 15 dernières.

Le taux de cotisation doit quant à lui être rehaussé annuellement de 0,51 % pour passer de 20,34 % aujourd’hui à 21,75 % en 2020 avec un plafond de cotisation augmenté de 0,5 % par an dès 2018 sur la base de 257 000 Fcfp. Tous ces ajustements paramétriques ont pour ambition de repousser "de 10 ans" l'horizon de viabilité du régime polynésien de retraites par répartition, a estimé mardi Jacques Raynal.

Pour les petits revenus et notamment les salariés au Smig, pour qui l'élargissement de l'assiette de calcul de la pension inclura des revenus antérieurs à l'augmentation du salaire minimum à 150 000 Fcfp, un fonds de compensation sera créé afin bonifier le montant de leur pension de retraite.

Un conseil d'orientation et de suivi des retraites (COSR) est créé, en lien avec l'Agence de régulation sanitaire et sociale (Arass), pour assurer le pilotage et les évolutions futures de cette réforme des retraites. Ce Conseil sera composé de cinq représentants des syndicats d'employeurs, cinq représentants des salariés, deux représentants des retraités et d'un représentant de la jeune chambre économique.

"Nous nous sommes très longuement concertés avec les partenaires sociaux", a rappelé Edouard Fritch face à la presse, mardi matin. "Faut-il le rappeler, la réforme de la PSG faisait partie de l’un des gros dossiers que j’estimais prioritaire dès mon arrivée à la présidence en septembre 2014. Les discussions ont effectivement débuté en février 2015. Cela fait donc trois ans de construction et de concertation sur la PSG avec les partenaires sociaux. Nous avons tenu à associer l’ensemble des 5 syndicats représentatifs et le patronat à cette construction. Nous avons toujours travaillé avec un esprit d’écoute, d’ouverture et de transparence. Au mois de janvier nous avons reçu les syndicats une dernière fois et nous avons fait évoluer le texte pour tenir compte de leurs remarques. Le gouvernement a toujours été ouvert au dialogue, mais à un moment il faut bien assumer ses responsabilités et prendre les décisions".

Entre 2009 et 2018, la caisse de retraite a généré un déficit cumulé de 36,1 milliards Fcfp.

L'annonce faite par Edouard Fritch, lors du point presse

Le conseil des ministres s’est réuni ce matin en séance extraordinaire pour adopter le projet de loi du Pays portant réforme de la retraite. Le texte va donc être transmis à l’Assemblée et inscrit à l’ordre du jour de la session extraordinaire qui s’ouvre ce jeudi.
Vous les savez, nous avons reçu les organisations patronales hier et l’intersyndicale ce matin. Ce n’était pas pour rouvrir le débat mais pour annoncer que nous allions transmettre le texte, comme annoncé.
Le responsable de la CSTP-FO disait hier que le gouvernement faisait la politique de l’autruche. Je ne sais pas qui se cache la tête dans le sol pour ne pas voir la réalité, mais ce n’est pas le gouvernement.
Nous avions annoncé que nous prendrions nos responsabilités. Nous les prenons.
Aujourd’hui, si on veut sauver les retraites actuelles et futures, on ne peut plus attendre. Actuellement, le déficit annuel de la caisse de retraite du RGS se monte à plus de 3 milliards de francs par an. Ce déficit est assumé en puisant dans les réserves de la caisse de retraite.
Tout le monde reconnaît qu’il faut réformer la PSG. Sinon, nous courons à la catastrophe.
Nous nous sommes très longuement concertés avec les partenaires sociaux. Faut-il le rappeler, la réforme de la PSG faisait partie de l’un des gros dossiers que j’estimais prioritaire dès mon arrivée à la présidence en septembre 2014. Les discussions ont effectivement débuté en février 2015. Cela fait donc trois ans de construction et de concertation sur la PSG avec les partenaires sociaux. Nous avons tenu à associer l’ensemble des 5 syndicats représentatifs et le patronat à cette construction. Nous avons toujours travaillé avec un esprit d’écoute, d’ouverture et de transparence.
Au mois de janvier nous avons reçu les syndicats une dernière fois et nous avons fait évoluer le texte pour tenir compte de leurs remarques.
Le gouvernement a toujours été ouvert au dialogue, mais à un moment il faut bien assumer ses responsabilités et prendre les décisions.
De son côté, l’intersyndicale dit : votre texte, il faut le retirer, ce n’est pas bon. La retraite, c’est pas le problème, il faut agir sur les dépenses de santé et pour le reste, c’est le Pays ou l’Etat qui paiera.
Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne démarche. On ne fait pas des économies en reportant la dépense sur d’autres.
On vient nous dire, il faut que le Pays paie tout de suite les 9 milliards qui ont été puisés dans la caisse de retraite pour équilibrer la santé. Mais qui a pris la décision d’équilibrer la santé en puisant dans les réserves de la retraite ?
Ce ne sont pas les gouvernements qui se sont succédés. C’est le conseil d’administration de la CPS qui a pris cette décision. C’est vrai que les gouvernements n’ont pas eu le courage de réformer.
On vient nous dire aussi que c’est au Pays de prendre en charge les salaires des hospitaliers. Oui, et si on le fait, qui va payer ? Où on va trouver les 12 milliards pour payer les salariés de l’hôpital ? Dans la poche des Polynésiens, bien entendu. Où se situe la justice sociale ?
J’en appelle les salariés à faire preuve de raison. Si nous ne réformons pas notre système de retraite, nous perdrons tout. Nous n’aurons pas les moyens de continuer de payer les retraites actuelles, et nous ne pourrons pas payer les retraites futures.
Nous réformons la retraite pour que notre système continue de vivre et bénéficie à tous les Polynésiens. Bien sûr, il y aura quelques petits sacrifices à faire. Les retraites seront peut-être un peu moins généreuses qu’aujourd’hui, mais nous continuerons d’avoir des retraites.
Et je tiens à préciser que nous avons prévu un système de compensation pour les bas salaires afin que la modification des paramètres de calcul des retraites ne les pénalise pas.
La grève n’est donc pas une réponse à l’urgence de la situation. Ce n’est pas en cherchant à retarder encore les échéances que l’on pourra sauver nos retraites. Nous avons déjà pris trop de temps pour entamer la réforme et nous sommes au bout du bout des réserves financières.
Je pense que nos concitoyens dans leur immense majorité sont conscients de l’urgence et qu’ils sont prêts à faire de petits sacrifices.
En tout cas, le gouvernement s’était engagé à procéder à la réforme et il respecte ses engagements. Je vous assure que la réforme que nous présentons est progressive et guidée par l’intérêt général.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 13 Février 2018 à 12:59 | Lu 3056 fois