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Réformer le Smig... C'est pas gagné


Tahiti le 22 septembre 2022 – Le gouvernement propose d'ouvrir la discussion avec les partenaires sociaux pour réformer le mécanisme de revalorisation automatique du Smig et éviter la spirale inflationniste. Les syndicats de salarié refusent catégoriquement de toucher à l'indexation automatique du Smig sur l'indice des prix à la consommation, la CPME estime qu'il faut sortir “en urgence” de ce “cercle vicieux” et le Medef considère qu'il ne faut pas revenir sur ce mécanisme sans une réforme d'ampleur.
 
L'annonce faite mercredi dans le compte-rendu du conseil des ministres d'une nouvelle augmentation du Smig de 2,44% au 1er octobre s'est faite sans préavis. Une augmentation “de toute façon mécanique”, commentait-on dans la foulée côté gouvernement. Le code du travail de la Polynésie précise en effet en son article 3322-3 que le taux horaire du Smig est fixé en conseil des ministres en fonction “des fluctuations de l'indice des prix de détail à la consommation familiale” établi par l'Institut de la statistique (ISPF). Et dès lors que cette fluctuation correspond à une hausse d'au moins 2% par rapport au dernier Smig, ce dernier doit être relevé automatiquement.
 
Mais les dernières lignes du compte-rendu du conseil des ministres de mercredi annonce la volonté du gouvernement de réformer cette automatisation de la hausse du Smig pour éviter la fameuse “spirale inflationniste” : “Compte tenu notamment du contexte géopolitique qui engendre une inflation imprévisible, et de la nécessité de maintenir la relance économique, tout en préservant l’emploi, et en limitant la sphère inflationniste, il est également proposé l’ouverture de discussions interministérielles avec les partenaires sociaux sur le mécanisme de revalorisation automatique du Smig. Le préalable nécessaire à ces discussions étant une projection de l’inflation sur les mois à venir et une analyse de l’impact économique liée à des augmentations successives du Smig.”
 
Les syndicats vent debout
 
Contactés, les confédérations syndicales de salariés sont pourtant unanimes : On ne touche pas à cette augmentation mécanique. “Les textes sont clairs”, affirme le secrétaire de la CSTP-FO, Patrick Galenon. “Avec un Smig aujourd'hui, c'est déjà extrêmement difficile de vivre. Si en plus on n'augmente pas le Smig en fonction de l'inflation, comment vont vivre ces personnes-là ?”. Le responsable de la première confédération syndicale du Pays se dit prêt, par contre, à discuter avec le gouvernement sur la “revalorisation des salaires” des autres employés. Ceux qui touchent deux à trois fois le Smig. “Là on est preneur. Et c'est sur cela qu'il faut qu'on discute. Comment on fait pour qu'eux ne perdent pas leur pouvoir d'achat ?” Une revalorisation automatique de l'ensemble des salaires ? “Ce serait merveilleux et surtout cohérent”, estime Patrick Galenon, qui cite l'exemple des employés d'Air France en métropole, qui ont bénéficié d'une prime de 1 000 euros, soit 119 780 Fcfp, en plus de 4% d'augmentation pour faire face à l'augmentation du coût de la vie.
 
Cyril Le Gayic, pour la CSIP, rappelle lui-aussi que cette disposition est ancrée dans le code du travail. “Je ne vois pas notre intérêt de la modifier”. Pour lui, ces revalorisations successives sont “normales” puisque “l'inflation est de 6,9%”. “Cela doit être une proposition émanant des employeurs”, suppose le syndicaliste. Pour les salariés qui sont au-delà du Smig, il estime qu'ils ne relèvent pas d'une décision du gouvernement et rappelle que des négociations sectorielles doivent avoir lieu en octobre de chaque année. Pour Atonia Teriinohorai, de O oe to oe rima, il n'est pas question de revenir sur cette revalorisation automatique du Smig avec l'inflation. “Que le gouvernement arrête d'abord d'embaucher des personnes proches d'eux avec un salaire de quatre voire cinq fois le Smig”, tranche le syndicaliste. Yves Laugrost, enfin, pour A Ti'a i Mua, rappelle que son syndicat avait proposé la mise en place du Smic (Salaire minimum interprofessionnel de croissance), comme en métropole, pour le “baser sur d'autres choses que l'inflation”. Il précise que son syndicat est “prêt à écouter les discussions” mais qu'il n'est “pas a priori favorable à ce qu'on déconnecte le Smig de l'inflation”.
 
Deux postures au patronat
 
“Il est urgent de faire évoluer ce mécanisme”, assure Maxime-Antoine Michard de la CPME. “Sans cela, on ne va pas s'en sortir.” Pour lui, ce système est “un cercle vicieux”, puisque l'inflation entraîne l'augmentation du Smig, qui entraîne l'augmentation des prix dans le commerce, qui elle-même entraîne l'inflation… “Il faut trouver d'autres solutions”, affirme-t-il, proposant notamment la révision du panier sur lequel est calculé l'indice des prix à la consommation. Il rappelle d'ailleurs que les patrons ont proposé récemment la mise en place d'une prime défiscalisée pour éviter cette inflation. “Cela aurait eu un effet positif sur le pouvoir d'achat des salariés et cela n'aurait pas pesé autant que cela va peser là, sur les charges des entreprises”. Maxime-Antoine Michard regrette que cette proposition n'ait pas été retenue et que la revalorisation automatique des salaires ait lieu : “sans avoir réfléchi à d'autres dispositifs”.
 
Côté Medef, le discours est assez différent. “Dans l'urgence, on ne peut rien faire d'autre pour protéger les plus fragiles contre la perte du pouvoir d'achat que d'augmenter mécaniquement le Smig”, estime son président, Frédéric Dock. “L'impact de l'inflation sur le pouvoir d'achat est évident et il touche les plus fragiles. Il touche ceux qui sont au salaire minimum, mais aussi ceux qui n'en ont pas du tout.” Pour le patron du Medef, le débat sur le montant minimum nécessaire doit s'ouvrir sur une “analyse beaucoup plus profonde” et doit surtout s'accompagner d'autres données que celle de la seule inflation sur les biens de consommation. “Le montant minimum nécessaire doit tenir compte de tous les éléments d'organisation de notre société. Le coût du transport, individuel ou collectif, le coût de l'accès à internet, le coût de l'énergie et –le plus important– le coût logement… Donc évidemment que le débat doit s'ouvrir, mais il doit s'accompagner de mesures plus générales pour garantir un minimum social à chaque foyer.”
 
Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau
 
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau le Vendredi 23 Septembre 2022 à 15:04 | Lu 2978 fois