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Réforme des institutions : début d'un long match parlementaire à l'Assemblée


Photo : ludovic MARIN / AFP
Photo : ludovic MARIN / AFP
Paris, France | AFP | mardi 10/07/2018 - Au lendemain du Congrès, les députés ont donné mardi le coup d'envoi d'une bataille parlementaire de plusieurs mois sur la vaste réforme institutionnelle voulue par le chef de l'Etat, avec un premier match enflammé sur la Constitution.

La qualification de la France face à la Belgique pour la finale du Mondial de football s'est invitée dans le débat, à la reprise nocturne plus retardée que prévu, au grand dam des Insoumis. Des applaudissements ont retenti dans l'hémicycle après la victoire. Et le coprésident des UDI-Agir Jean-Christophe Lagarde s'est demandé si l'Assemblée devrait continuer à discuter "ce soir" après la "joie certes sportive, mais profondément civique" dans le pays. La séance a été levée peu avant 1 heure, avant d'entamer le flux d'amendements.

"Le but de ces textes, c'est de raffermir la confiance des Français dans leurs institutions", avait plaidé Edouard Philippe dans l'après-midi dans un hémicycle pas comble. Dans le prolongement du discours d'Emmanuel Macron au Congrès, le Premier ministre a récusé toute volonté "de restreindre les droits du Parlement" en réponse aux critiques de droite et de gauche.

La ministre de la Justice Nicole Belloubet a balayé "les fantasmes" d'une atteinte à la Vème République ou une "vision technocratique", mais défendu "une vision politique" et "une évolution du mode d'exercice du pouvoir parlementaire". 

Avec les non-inscrits corses et FN, les oppositions ont déposé près de 90% des 2.400 amendements (quatre fois plus d'amendements que pour la dernière révision aboutie en 2008), à examiner pendant deux semaines, passant en revue toute la Loi fondamentale. 

Mais "il n'est pas dans nos intentions de remettre en cause les ressorts fondamentaux de la Ve République", a martelé le rapporteur général et chef des macronistes Richard Ferrand. "Nous n’altérerons pas les équilibres institutionnels, au contraire, nous y donnons plus de corps", selon Marc Fesneau, chef de file MoDem.

"La Constitution de 1958 a été modifiée 24 fois en 60 ans. Mais les modifications d’envergure restent peu nombreuses", a souligné la présidente de la commission des Lois et rapporteure spéciale, Yaël Braun-Pivet.

Fort de 18 articles, le projet de loi comprend deux sujets épineux: "droit à la différenciation" accru pour les collectivités territoriales (avec nouvel article sur la Corse) et fabrique de la loi accélérée, au nom de l'"efficacité".

Moins controversé mais discuté depuis des années, un autre volet prévoit la suppression de la Cour de justice de la République, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature ou du Conseil économique, social et environnemental.

"Trompe-démocratie"

La "préservation de l'environnement" dès l'article 1er, la suppression du mot "race" et l'interdiction de la "distinction de sexe", votées en commission, devraient aussi être gravées.

Les deux autres volets de la réforme institutionnelle, porteurs des mesures emblématiques -réduction de 30% du nombre de parlementaires, limitation à trois mandats identiques dans le temps, 15% de proportionnelle aux législatives- seront examinés à la rentrée à l'Assemblée quand le Sénat s'emparera de la révision constitutionnelle.

Mais LR a commencé de combattre sur tous les points. "Le Parlement va se retrouver cornerisé", a redouté Philippe Gosselin, l'un des orateurs des "héritiers légitimes du gaullisme", critiquant une révision "trompe-démocratie". Epinglant un "antiparlementarisme des élites", son collègue François Cornut-Gentille a accusé la majorité de contribuer à "une sorte de putsch technocratique". Guillaume Larrivé a aussi fustigé la "constitution Macron".

"Vous aimez à vous présenter comme les gardiens du temple protecteurs d'un texte sacré, mais prenez garde à ne pas apparaître comme gardiens de vos propres intérêts", a lancé Marie Guévenoux (LREM), ex-juppéiste.

Face à la "dérive présidentielle" depuis 1958, le coprésident des députés UDI-Agir Jean-Christophe Lagarde a, lui, appelé à renforcer les pouvoirs du Parlement, "le plus faible des démocraties" face au "président le plus fort des pays occidentaux".

Toute la gauche, communiste, socialiste ou insoumise, rejette cette révision "comme une hyper-présidentialisation".
Le patron des socialistes Olivier Faure a aussi fustigé, "sous l'apparence du bon sens de faire plus vite, moins nombreux", un "bricolage institutionnel et de vraies régressions démocratiques", souhaitant un référendum.

Le chef de file Insoumis Jean-Luc Mélenchon a clamé que "le moment est venu que le peuple soit lui-même constituant". Un référendum? "Chiche", a-t-il lancé, pensant que LR, PS et PCF pourraient avec LFI obtenir les "4,7 millions de signatures" nécessaires pour l'imposer au gouvernement.

La majorité LREM-MoDem entend essentiellement renforcer les moyens des parlementaires pour contrôler le gouvernement et évaluer la loi (moyens accrus, agenda prévisionnel de l'exécutif, etc). 

Certains députés de tous bords souhaiteraient inclure la charte numérique, avec le principe de neutralité du net, les rapporteurs, défavorables, redoutant de la voir trop vite "périmée". En revanche, devrait figurer la possibilité de légiférer sur la protection des données personnelles.
Richard Ferrand a appelé ses troupes à ne pas agiter des "chiffons rouges qui nous éloigneraient d'un accord avec le Sénat". "Il n'y a aucun accord caché" mais "la Constitution nous impose que le texte soit voté dans les mêmes termes par les deux assemblées", a-t-il plaidé.

Rédigé par Isabelle CORTES / Fabrice RANDOUX le Mardi 10 Juillet 2018 à 18:48 | Lu 279 fois