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Rapport d'orientation budgétaire (ROB) : 2026, l'année des réformes ?


Tahiti, le 20 octobre 2025 - Comme chaque année, le gouvernement a transmis à l'assemblée son rapport d'orientation budgétaire (ROB) avant l'examen du projet de budget à proprement parler. Un document de près de 150 pages toujours un peu frustrant puisqu'il n'a pas pour objet de flécher les crédits mais simplement de donner les orientations pour l'année à venir. Le gouvernement assure néanmoins vouloir donner un coup d'accélérateur pour mettre en œuvre ses “grands projets de réforme”.
 

Vendredi, les élus de la commission de l’Économie ont pu se pencher sur le rapport d'orientation budgétaire (ROB). Prévu par le statut, ce rapport, qui donnera lieu à un débat d'orientation budgétaire (DOB), doit en effet être présenté aux élus de l'assemblée dans un délai de deux mois précédant l'examen du projet de budget primitif pour l'année à venir. Lequel doit être déposé au plus tard le 15 novembre à Tarahoi et adopté avant le 31 décembre. Le rapport de 144 pages ne rentre pas dans les détails chiffrés – ce n'est pas son rôle – mais il décline les orientations stratégiques du Pays à traduire ensuite dans le document budgétaire. En préambule, le gouvernement affiche sa volonté d'“accélérer la mise en œuvre de grands projets de réforme”, tout en conciliant rigueur budgétaire avec une “gestion responsable des deniers publics” et “exigence de développement durable”.
 
Sur le plan national et international, le ROB pointe du doigt certaines “incertitudes”. Et notamment celles liées à l'instabilité politique qui s'est installée en métropole, et aux coupes budgétaires visant à réduire l'explosion de la dette publique mais qui impacteront forcément la Polynésie française. Car depuis la rédaction de ce rapport, Paris a notamment confirmé le coup de rabot de 11 points prévu sur les taux de défiscalisation nationale dans le projet de loi de finances 2026. Sur le plan local, “la dynamique de croissance ralentit, comme en témoignent l'évolution de l'emploi salarié (+0,6 % entre décembre 2024 et mars 2025) ou celle du chiffre d'affaires des entreprises (hors banques et assurances)”.
 
Dépenses publiques en hausse
 
Malgré un “plafond de verre bientôt atteint”, le secteur touristique sauve la donne avec un chiffre d'affaires qui croît de 5,5 % et une hausse dans le transport aérien (+14 % sur un an) et l'hôtellerie (+1,5 %). À l'inverse, force est de constater un “tassement de la croissance interne”, avec une contraction dans les secteurs de la construction (-13 % sur un an) et du commerce (-1,2 %). Et ce, dans un contexte inflationniste qui continue de progresser (+1,5 % sur le premier trimestre 2025 et un rythme annuel qui s'établit à +1,4 % à la fin juillet) et de “rogner le pouvoir d'achat des ménages” polynésiens qui ne voient pas leurs salaires augmenter aussi vite (+0,9 % sur un an). Mais le marché du travail est dynamique et le taux d'emploi est même “le plus élevé observé depuis le lancement de l'enquête emploi en 2018”, malgré un rythme de créations d'emplois qui ralentit par rapport à 2024.
 
Pour la construction de son projet de budget 2026, le Pays pourra encore une fois s'appuyer sur ses recettes fiscales en constante augmentation depuis 2020, et qui représentent en moyenne près de trois quarts des recettes de fonctionnement. Lesquelles devraient atteindre, à la fin de cet exercice 2025, “environ 152,8 milliards”. La masse salariale du Pays se taille toujours la plus grosse part du gâteau avec près de 35 milliards de francs (contre 30,5 milliards en 2020), soit un tiers du budget de fonctionnement. Mais le gouvernement prédit une “stabilisation grâce à une gestion prudente des recrutements”.

Des satellites du Pays à mieux piloter

Les satellites du Pays demeurent budgétivores, les dépenses de transfert au secteur public ayant progressé de près de 10 % en moyenne sur les cinq derniers exercices, 2024 ayant enregistré une hausse de plus de 16 % (soit une augmentation de 6,1 milliards de francs). Mais le ministre Warren Dexter veut inverser la vapeur et a doté le Pays d'un nouvel outil informatique afin d'effectuer un suivi financier régulier de ces établissements publics. L'idée étant de ne plus injecter des millions au coup par coup mais d'avoir une “démarche de pilotage stratégique efficace de ces entités”.
  
Pour 2026, les dépenses de fonctionnement restent orientées vers la santé, la solidarité et les Jeux du Pacifique 2027. Côté investissement, pas de grand chambardement, “avec une priorité donnée aux projets déjà engagés, aux partenariats financiers et aux investissements verts”. Les “orientations retenues pour 2026” s'inscrivent dans la continuité de celles de 2025. Après avoir révisé, non sans mal, les conditions d'affiliation au régime des non-salariés (RNS), le gouvernement entend poursuivre sa réforme sociale sans en préciser les prochaines étapes ou le calendrier. L'exécutif veut aussi miser sur la jeunesse en promettant la mise en place de dispositifs d'accompagnement incitatifs et adéquats et un meilleur fléchage des bourses aux secteurs répondant aux besoins du marché de l'emploi local.
 
 
Des réformes à concrétiser, d'autres mises de côté
 
Pour la mise en œuvre des fameux grands projets de réforme, il faudra attendre l'examen du budget pour en savoir davantage. Mais le document confirme une nouvelle “augmentation de la fiscalité à l'import sur les tabacs et vaporettes”, couplée avec une réduction de TVA “sur les produits vertueux pour la santé”, ainsi qu'une exonération de TVA à l'importation des molécules onéreuses. Au premier semestre 2026, la réforme de l'impôt sur les transactions (IT) annoncée par le ministre Warren Dexter sera présentée pour une application en 2027. Une réforme qui vise à asseoir cet impôt sur les bénéfices réalisés et non plus sur le chiffre d'affaires. Dans l'objectif d'une meilleure justice fiscale, le fameux chantier de la réforme de la taxe de développement local (TDL) devrait lui aussi se concrétiser.
 
Pas de grandes annonces non plus concernant des actions concrètes pour faire baisser le coût de la vie, si ce n'est la poursuite du développement par l'activité en boostant les mesures d'aide à l'emploi. Enfin, notons que le gouvernement table toujours sur un objectif de 600 000 touristes par an pour compenser les transferts de l'État. La refonte de la fiscalité hôtelière devrait aboutir en 2026 tandis que la taxe sur les voyages internationaux a quant à elle été mise en suspens.

Dédicace au patron du Tavini

Sur le volet du développement durable, ce ROB fait une petite dédicace au patron du Tavini qui préconisait de “planter, planter, planter”. Des “paroles de bon sens” que le gouvernement vient compléter par “pêchez, bâtissez, transformez, pensez, innovez”. Dans la foulée, le document prend en revanche le contre-pied de la volonté d'Oscar Temaru d'exploiter les ressources minières du Pays. Le gouvernement Brotherson rappelant que l'assemblée a récemment adopté une délibération pour classer la zone économique exclusive de la Polynésie française en espaces naturels protégés et instaurer des zones de pêche réglementée. “Ce texte traduit en droit les engagements politiques du Pays : interdiction définitive de l’exploitation minière des fonds marins, encadrement strict des activités de pêche, exclusion des navires industriels étrangers et renforcement des règles de biosécurité”.
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 20 Octobre 2025 à 13:47 | Lu 1691 fois