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"Quand je me réveille, l'avion est en feu": au procès du crash de Phuket, le poignant récit d'un survivant


Paris, France | AFP | lundi 24/06/2019 - "Quand je me réveille, l'avion est en feu (...) Je cherche Laetitia partout": le seul survivant français du crash de Phuket en 2007 a livré lundi, lors du procès de cette catastrophe, un récit poignant de l'atterrissage fatal, dans lequel sa fiancée a péri.

Lundi s'est ouvert à Paris le procès de ce crash oublié qui a fait 90 morts, dont neuf Français. Le 16 septembre 2007, un Boeing MDD82 du vol OG269 de la compagnie à bas coûts thaïlandaise One-Two-Go en provenance de Bangkok s'était écrasé à l'atterrissage sur l'aéroport de Phuket, balayé par le vent et la pluie.
Il se tient durant deux jours en l'absence du seul prévenu, Udom Tantiprasongchai, dirigeant à l'époque de One-Two-Go et de sa maison-mère Orient Thai, jugé pour "homicides involontaires" et "blessures involontaires".
L'enquête a révélé des erreurs de pilotage mais aussi de nombreux manquements et dysfonctionnements au sein de la compagnie One-Two-Go dans le recrutement, la formation et les rythmes de travail des pilotes, ainsi que dans la maintenance des appareils.
Parmi les dix passagers français, Thibault Lamère, chef de chantier alors âgé de 24 ans en vacances en Thaïlande avec sa fiancée Laetitia, avait été surpris de l'état de l'appareil.
"Il paraissait assez neuf d'un aspect extérieur, avec peinture rutilante et autocollants. Mais quand on est entrés, on s'est dit +ils ont juste repeint l'extérieur, l'intérieur a bien vécu+", raconte ce grand gaillard, venu à la barre sans sa canne, en boîtant, séquelle des 85 fractures qu'il a subies.
Du vol, il se souvient que "le temps se dégradait au fur et à mesure". 
"Quand on a amorcé la descente, le temps devenait de plus en plus noir. A un moment, on ne voyait plus rien. Les deux, trois dernières minutes, l'avion piquait vraiment du nez, on était ballotés à droite, à gauche, comme des montagnes russes."

- "Je crie mais personne n'entend" - 

Aux sièges 10E et 10F, scrutant avec angoisse à travers le hublot, Thibault et Laetitia se tiennent la main. "A 25 mètres du sol, il y a eu un trou d'air et l'avion chute d'un coup".
Un passager autrichien a également raconté, dans un témoignage écrit lu à l'audience, cette chute, "le noir dans l'avion", le "fracas", "les masques à oxygène et plein de câbles (qui) envahissent la cabine", "la tête (qui) frappe le compartiment à bagages".
"On a tapé le sol mais je me dis +on est au sol, c'est bon+", poursuit Thibault Lamère. "Mais là on se reprend une accélération."
Le pilote a tenté de remettre les gaz. L'avant de l'avion tape un remblai de terre et se brise quelques rangs devant Thibault Lamère, qui perd connaissance.
"Quand je me réveille, l'avion est en feu, il y a des débris partout", raconte-t-il, sans pouvoir retenir ses sanglots. "Je suis coincé sur mon siège, je cherche Laetitia partout autour de moi (...) J'ai quelqu'un à côté de moi, mais c'est pas elle".
Il cherche de l'air, "noyé" dans la fumée et les débris de carlingue.
"J'ai du mal à respirer, je sens rien, j'ai l'impression de m'être battu avec Mike Tyson. J'appelle au secours. Je crie, mais personne n'entend, il y a trop de bruit: les pompiers qui sont en train d'essayer d'éteindre, des gens en train d'agonir, il y a une autre personne qui appelle au secours... (...) Je me dis +tu t'en es tiré mais tu vas mourir brûlé+".
Les secouristes le sortiront péniblement de la carlingue. "Je leur demande +my wife, my wife+ (ma femme, ma femme)", poursuit-il, ému: "Mais personne répond, ils sont occupés à sauver le maximum de gens. Et puis après, plus grand-chose... J'ai su après qu'ils m'ont relancé deux fois le coeur."
Il se réveillera à l'hôpital. Toujours sans nouvelle de Laetitia. Il apprendra sa mort quelques jours plus tard.
Après une dizaine d'opérations sur place, il sera rapatrié en France, avant un long parcours d'opérations et de rééducation. Mais "le plus dur, a-t-il conclu en pleurs, ce n'est pas les opérations que j'ai pu avoir, c'est d'être rentré tout seul." 

le Mardi 25 Juin 2019 à 05:26 | Lu 442 fois