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Qu'est-ce que le projet de cité flottante en Polynésie ?


PAPEETE, le 03 avril 2017 - Le vendredi 13 janvier, un protocole d'accord a été signé entre le gouvernement polynésien et le Seasteading Institute concernant un projet de cité flottante en Polynésie. Les études de faisabilité ont commencé. L'organisme prévoit de lancer son prototype à l'aube 2018.

En quoi consiste le projet d’île flottante en Polynésie française ?

Le projet consisterait à construire des plateformes flottantes dans un des lagons de la Polynésie française. L'institut propose son concept d'île flottante comme "réponse aux défis liés à la montée des eaux", " Nous espérons pouvoir aider à placer la Polynésie au centre des efforts internationaux entrepris pour mitiger les effets du réchauffement climatique, notamment en développant les technologies nécessaires au maintien des populations menacées par la montée des eaux aux Tuamotu et ailleurs" précise l'institut. Ainsi selon le seasteading Institute, "ces plateformes constitueraient aussi une base pour des habitations, des bureaux et des infrastructures diverses, afin d’encourager la formation de communautés dynamiques, et d’explorer de nouvelles manières de vivre ensemble. Parallèlement, nous souhaitons promouvoir l’innovation dans les technologies digitales et de la mer, en créant un pôle d’attractivité bénéficiant d’un cadre unique."
En soit, le but est de créer une Silicon Valley sur l'eau, des sortes de villes-états autonomes et autosuffisants.

Pourquoi la Polynésie française a-t-elle été retenue ?

Avant de penser à la Polynésie, le Seasteading Institute a envisagé d'autres pays. Au départ, le but était de monter le projet dans une zone maritime indépendante de tout Etat, cependant des problématiques juridiques et techniques ont obligé l'organisme et changer de stratégie et s'orienter vers une zone franche dans l'espace maritime d'un Pays. Ils ont tout d'abord tenté l'expérience au Honduras avant d'étudier la Polynésie. "L’Institut était en phase d’évaluation de pays d’accueil potentiels quand il a été invité par un polynésien à considérer la Polynésie française, eu égard aux nombreux atouts du fenua" indique l'institut.

Ainsi, selon l'institut, le Polynésie aurait été choisie du fait de sa "grande stabilité institutionnelle et état de droit moderne", ses infrastructures mais aussi de la présence d'un marché local développé pour les biens et services essentiels. Les liaisons aériennes et maritimes fréquentes et directes vers des métropoles importantes (Los Angeles, Oackland, Paris…), la présence d'une connectivité internet haut débit avec prévision de redondance et capacité accrue mais aussi d'un "large bassin de professionnels qualifiés, du secteur tertiaire et de la mer".

Néanmoins, si la Polynésie a été choisie, c'est surtout du fait de la structure de ses îles. La présence de lagons protégés par des barrières de corail, mais aussi les faibles risques sismiques, cyclonique et de tsunamis sont des atouts non négligeables pour des îles artificielles.

Combien va coûter le projet d’île flottante à la Polynésie française ?

Ce projet devrait être entièrement financé par des investissements privés. Ainsi, le gouvernement polynésien ne financera ni les études, ni la réalisation du projet. L'organisme indique par ailleurs qu'il ne fera pas appel au système de défiscalisation locale. L’Institut estime que le montant de l'investissement sera de l'ordre de 3,6 à 6 milliards CFP pour la phase pilote.

Quel sera le cadre réglementaire du projet ?

Comme le projet est conçu par des libertariens, une zone franche était pensée pour les îles flottantes. En effet, le Pays et l'institut vont élaborer un statut spécifique. Le projet d’île flottante devrait modifier le cadre traditionnel des zones économiques spéciales avec des dispositions spécifiquement conçues pour attirer les investisseurs en Polynésie française. "Les zones franches existent déjà un peu partout ailleurs et pour attirer des investissements significatifs et des partenaires innovants dans un marché francophone assez restreint et éloigné il nous faut innover, y compris sur le cadre législatif et les procédures administratives."

A quoi ressembleront ces îles flottantes ?

Pour l'instant il n'y a pas d'architecture concernant ce qui sera sur la plate-forme. Les images disponibles sur le site du Seasteading proviennent de réflexions ou d’études engagées avant le choix de la Polynésie française et ne représentent pas ce qui sera construit. Le projet Polynésien devrait comporter entre 2 et 3 plate-formes flottantes, hébergeant environ 30 personnes par plate-forme.

Est-ce que l’environnement sera protégé ?

C'est une des questions polémiques qui agite les réfractaires au projet. Selon l'institut "l’environnement est une préoccupation majeure du projet et nos architectes y sont très sensibles. Nos îles sont conçues pour avoir un impact négligeable sur l’environnement, utiliser les énergies renouvelables et pourraient même, selon certaines études préliminaires, conduire à une amélioration de l’écosystème sous certaines conditions. Nous prévoyons de former des partenariats pour la surveillance continue des fonds marins et pour partager le savoir acquis." Cependant les conséquences exactes que ce projet et cette construction flottante auront sur l'environnement sont encore inconnues.

Que signifie le protocole d’accord signé avec le gouvernement ?

Le protocole signale la volonté du gouvernement et de l’institut de travailler ensemble. Courant 2017, l’institut va compléter puis présenter au gouvernement des études environnementales et économiques. Par la suite, le gouvernement et l'institut devraient travailler à l’élaboration d’un cadre législatif approprié pour le projet.

Quelles retombées pour la Polynésie française ?

Les avantages mis en avant au plan local sont la forte image à l’international que pourrait véhiculer ce projet innovant, l’ouverture de liens avec des sociétés et laboratoires qui pourraient s’implanter localement, générant des transferts technologiques ou encore la création d’emplois en phases de construction et d’exploitation.

Mais des concessions sont attendues de la part des promoteurs de ce projet : “Nous travaillons actuellement avec le gouvernement de la Polynésie française pour créer une zone économique spéciale, avec des points d’attache à terre et des surfaces en mer sur lesquelles nous établirons nos infrastructures flottantes pour y habiter et développer nos activités économiques", annonce l'organisme libertarien, " Les investissements significatifs qui seront entrepris pour la construction vont se répandre dans l’économie locale, et les entreprises et les résidents permettront de maintenir ou d’étendre l’emploi chez les fournisseurs et commerçants du pays." indique par ailleurs le Seasteading institute dont la liberté sans entrave réglementaire ni impôt est un principe de base. Et si tout se passe comme voulu : “Nous prévoyons d’adjoindre de nombreux autres modules à ce projet pilote, dans les années à venir, évoluant de manière organique pour devenir une ville, tandis que la technologie de ces habitations flottantes se répandra à travers la Polynésie, le Pacifique et dans le monde".

Trois questions à Marc Collins Ambassadeur pour la Polynésie auprès du Seasteading Institute

Qu'est-ce que le projet de cité flottante en Polynésie ?
Marc Collins est l'ambassadeur du projet pour la Polynésie.

Qu'est-ce que ce projet va apporter à la Polynésie ?
M.C :Nous nous sommes engagés à faire une étude d'impact très détaillé l'impact économique, sur le tourisme, sur l'île et sur la visibilité à l'international. Cette étude devrait être rendue fin mai en principe. Nous financerons l'ensemble de ces études. La question de la montée des eaux est un sujet d'actualité partout.

Quel est l'intérêt économique d'un tel projet ?
M.C : C'est très intéressant économiquement parlant. Déjà dans la phase de construction du projet, il faudra recruter des ouvriers, par ailleurs quand une activité est pérenne, l'impact économique est positif. Sur l'île flottante il y aura également des achats. Un environnement économique nouveau va générer des retombées positives. Par ailleurs, tous les pays se sont déjà posés la question de la mise en place d'une zone économique spéciale. Le fait de pouvoir attirer des chercheurs n'est pas anodin non plus. Nous nous dirigeons d'ailleurs vers une collaboration très étroite avec de nombreux instituts de recherche.

Des études sont-elles menées sur les questions d'un Tsunami ou d'un cyclone ?
M.C:Oui évidemment. C'est une grande inquiétude, c'est d'ailleurs une des premières questions qui m'ont été posées en 2016. En Polynésie nous avons de la chance car nous avons beaucoup moins de risques que dans les caraïbes et que dans le reste du Pacifique. Pour ce qui est des risque de Tsunami nous sommes en contact avec le laboratoire du Pamatai et nous travaillons que des analyses en terme de scénarios possibles, de ce qu'il pourrait se passer, en cas de tsunami en Polynésie.

Qu'est-ce que “The Seasteading Institute” ?

Fondé à Silicon Valley en 2008, cette organisation à but non lucratif par Patri Friedman. L’institut aux penchants libertarien a pour objectif de promouvoir le développement de l’humanité sur les océans. L'institut veut construire les premières îles flottantes au monde. Ainsi c'est par la recherche océanique, l’inventaire des nouvelles technologies de pointe, et le concours d’une équipe internationale d’entrepreneurs, de biologistes marins, d’ingénieurs nautiques, d’aquaculteurs, de juristes du droit maritime, et d’investisseurs, que l'organisme veut construire les premières îles flottantes sur des plateformes modulaires innovantes. Le seasteading dit vouloir "employer le dernier cri en matière de technologies respectueuses de l’environnement".

A l'origine le seasteading voulait créer une nouvelle nation de citoyens "actionnaires" sur des îles artificielles dans des zones internationales. Cependant au vu des différents obstacles juridique et technique, les plans d'origine ont dû être modifiés. C'est ainsi que l'institut s'est rapproché de la Polynésie française pour une première réalisation à l'horizon 2020. Les eaux calmes des lagons polynésiens seraient idéales pour accueillir le projet.

Ce projet était largement financé par Peter Theil, le fondateur de Paypal, un activiste libertarien. Patri Friedman, lui aussi activiste libertarien et Peter Thiel voulaient créer de micro-nations flottantes dotées de leurs propres gouvernement afin de s'affranchir des lois étatiques et fiscales et créer un paradis libertarien. Aujourd'hui, les investisseurs principaux ne sont pas connus.

Qu'est-ce que le Libertarianisme ?

Le libertarianisme est un mouvement de pensée politique développé aux Etats Unis, en 1971, qui désigne les libéraux radicaux. La Californie est le berceau de ce mouvement qui prône la liberté individuelle comme droit naturel. Les libertariens sont favorable à une disparition de l'Etat ou bien à la mise en place d'un Etat minimal dont le pouvoir serait limité aux fonctions régaliennes (police, justice, armée).

Un projet "très loin dans le futur"

Peter Thiel est un millionnaire américain qui a participé financièrement à la création du Seasteading Institute en 2008. Il a démissionné du comité de direction en 2011. Le 11 janvier dernier, il a donné une interview au New York Times, dans laquelle il s'explique sur son engagement politique auprès du nouveau président américain, Donald Trump. Le projet du Seasteading Institute y est aussi brièvement évoqué.
Peter Thiel explique que ces îles flottantes "ne sont pas vraiment réalisables d'un point de vue technique" et que le projet reste "très loin dans le futur."
Randolph Hencken précise que la dernière fois qu'il a parlé à Peter Thiel était en 2014. "J'ai attendu d'avoir un projet sûr pour lui en parler. Bien sûr que de construire ce type de projet en plein océan reste très loin dans le temps! C'est pourquoi nous sommes en train de construire cette relation avec Tahiti, pour y installer un prototype."

Un projet avorté au Honduras

L'équipe du Seasteading Institute travaille sur le projet depuis 2008. Avant de venir en Polynésie, les dirigeants de l'ONG s'étaient tournés vers le Honduras. Finalement, le projet ne s'est pas fait là-bas. Randolph Hencken explique : "Il n'y avait pas assez de transparence dans la politique du gouvernement. Nous avons senti qu'il y avait beaucoup de corruption et de problèmes là-bas… De plus, nous sommes beaucoup plus heureux d'installer notre projet à Tahiti. Il n'y a pas de corruption et tout se fait dans un souci de transparence. Il y a une bonne administration et des institutions stables."

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Lundi 3 Avril 2017 à 17:36 | Lu 27713 fois