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Pour relever le tourisme le plan est de transformer la Polynésie en paradis écolo


Le plan pour développer notre tourisme conseille de tout miser sur la culture, la nature et le développement d'activités de niche (Mamaia, photo Christian Durocher)
Le plan pour développer notre tourisme conseille de tout miser sur la culture, la nature et le développement d'activités de niche (Mamaia, photo Christian Durocher)
PAPEETE, le 3 septembre 2015 - Le ministère du Tourisme a publié ce mercredi sa "Stratégie de développement touristique de la Polynésie française 2015-2020", qui synthétise tous les rapports et analyses faits ces 10 dernières années pour proposer un plan opérationnel et financier applicable immédiatement. S'il est entièrement mis en œuvre, la Polynésie dans 5 ans pourrait être bien différente de celle d'aujourd'hui...


On se souvient qu'en début d'année, les consultants calédoniens de Kahn & Associés avaient été engagés par le Pays pour élaborer trois plans opérationnels pour totalement refonder et, espère-t-on, relancer notre économie. Ils présentaient alors leur approche comme totalement originale pour Tahiti : au lieu de produire une énième analyse de la situation, les Calédoniens étaient chargés de rassembler tout le travail déjà publié, de le mettre à jour à l'aide de larges consultations de la société civile et des spécialistes dans les ministères, puis de les décliner en un plan opérationnel précisant les tâches à effectuer pour chaque service et assorti "d'un cadre de dépenses cohérent". En gros, et selon les mots de Jean-Christophe Bouissou en janvier (alors ministre de la Relance), il s'agissait "d'établir la liste des choses à faire et de prévoir le calendrier".

Le premier de ces plans a été publié mercredi dernier et rendu public. Il concerne le tourisme à court terme et a pour objectif de réadapter notre offre touristique à la demande mondiale, pour offrir "à la Polynésie française la possibilité d’accéder au statut de 'destination socio-environnementale durable'. Ce statut créera une expérience touristique remarquable vis-à-vis de ses concurrents." Il s'agit de parier sur le développement durable, la nature, la culture, le haut de gamme et des activités personnalisées pour chaque cible de clientèle (croisières, golfeurs, pêcheurs, sportifs, familles, randonneurs, amoureux de la nature, couples, etc.).

Car nous avons déjà l'image d'être l'un des derniers édens préservé au monde. Le plus efficace et le mieux pour la société dans son ensemble est de capitaliser dessus autant que possible et de devenir effectivement cet éden, pour attirer plus de visiteurs sans devoir baisser nos prix… Mais il faudra passer par "des actions réparatrices des dégradations existantes de l’environnement et des actions de prévention auprès de l’administration, des entreprises et de la population. (…) Il conviendra aussi de prendre des mesures réglementaires, telles que la création de réserves environnementales et le tri sélectif obligatoire."

C'est cette stratégie qui permettra "l’atteinte des objectifs d’amélioration visible et chiffrable de la situation économique et sociale du Pays." En même temps, cela permettra de nous libérer des énergies fossiles, protéger nos lagons, rivières et vallées et de préserver et même exporter notre culture. Un plan ambitieux donc…


Baisser le prix des billets d'avion : une proposition populaire, mais est-elle réalisable ?
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Nos propositions préférées

Le plan regorge de choses à mettre en place, certaines plutôt techniques (déployer les PGEM ; programmer une analyse SWOT annuelle ; se doter de Pôles Locaux de Développement touristiques…), d'autres qui semblent tomber sous le sens (classer les sites touristiques ; créer un répertoire des activités disponibles par type de client et par archipel ; établir un calendrier annuel des manifestations culturelles et sportives ; permettre aux visiteurs des sites web de Tahiti Tourisme de réserver et payer directement en ligne, etc.).

Mais on y trouve aussi quelques propositions réjouissantes pour tout le monde si elles étaient mises en place. Citons :

Les balades
- Aménager plus d'accès au littoral à Tahiti et Moorea
- Baliser les sentiers dans les montagnes, créer des sentiers aquatiques, baliser des zones pour les activités nautiques (ski nautique, wakeboard, kitesurf, surf)
- Réhabiliter le front de mer de Papeete ; rénover façades et trottoirs du centre de la capitale

Les transports
- Créer une offre d’achat de sièges de dernière minute sur l’aérien
- Réduire les dépenses de carburant des compagnies aériennes en vue d’une baisse du prix du billet
- Créer un transport en commun sur l’île de Tahiti avec des arrêts visibles, des horaires réguliers et étendus et une desserte fiable

La culture
- Créer une palette de prestations culturelles d’apprentissage (gastronomie, danse, tatouage, artisanat, etc...)
- Créer un pôle culturel dans chaque archipel pour valoriser la culture
- Créer une académie de la danse tahitienne
- Créer un Centre Culturel polynésien à Tahiti
- Créer des parcours de découverte des sites historiques et archéologiques
- Essayer de faire classer notre nature ou notre culture au patrimoine mondial de l'UNESCO
- Augmenter l’offre de restauration de niveau international

Le Web
- Déployer la 3G sur tous les sites touristiques et des applications mobiles pour les touristes
- Ouvrir une plateforme web de réservation regroupant toutes les pensions de famille

Les jeunes
- Créer une école de l’hôtellerie et du tourisme qui recevrait des grands chefs
- Créer un programme d’insertion par le travail dans le tourisme

Ce qui risque quand même de faire râler
- Décaler les grandes vacances scolaires pour coïncider avec l'été austral (comme en Nouvelle-Calédonie)
- Créer des "Golden Pass", des visas longs séjours pour les propriétaires de maisons secondaires en Polynésie

Les handicaps de la Polynésie

En y mettant les formes et en dispersant l'information à travers ses pages, le plan stratégique analyse tout de même sans concession les handicaps de l'offre touristique polynésienne :
- Le rapport Qualité/Prix est jugé comme négatif par les touristes interrogés. Un des éléments d'explication avancés est que la Polynésie a 26 touristes pour chaque salarié du secteur, un rapport situé entre celui du tourisme de masse de Hawaii (à 49 touristes par salariés) et celui des destinations exclusives qui nous font concurrence, Fidji, Maldives et île Maurice (entre 5 et 9 touristes par salariés). Il faudra baisser le coût du travail pour améliorer ce ratio…
- Le manque d'activités touristiques qui n'encourage pas nos visiteurs à sortir de leurs hôtels.
- Un manque de mise en valeur de notre culture pourtant attirante pour les touristes, causé par une "société qui n’est pas assez en phase avec son mythe" et s'occidentalise trop.
- Une trop grande dépendance envers des marchés européens en crise et très éloignés, alors que d'autres pays émetteurs bien plus proches sont négligés (le rapport cite Los Angeles, Ottawa, Santiago, San Francisco, Tokyo, São Paulo ou Sydney).
- L'instabilité politique, alors qu'une "constance dans l'effort et dans les orientations" est nécessaire pour "produire des effets visibles et durables".

Et le Mahana Beach ?

Le plan cite le projet Mahana Beach d'Outumaoro, en mettant en garde que "si le projet n’est pas convenablement structuré, il pourrait évoluer vers un outil de tourisme de masse, contraire au positionnement stratégique du Pays." L'analyse continue en soulignant la nécessité de bien planifier la construction et le fonctionnement du complexe. Il faudra structurer les entreprises et planifier les formations nécessaires. "Le complexe devra par ailleurs être exemplaire, en termes de développement durable, afin de conforter notre image de l’harmonie de l’Homme avec la Nature."

En pratique, les éléments clés identifiés par le plan pour que le Mahana Beach soit bénéfique reposent sur trois axes :
- Mettre la population au centre du projet : accès à la plage pour les locaux, salle de concerts, infrastructures de loisirs et centre commercial
- Contribuer à notre offre touristique : centre de conférence, hébergements, spectacles et loisirs, casino
- Contribuer à notre positionnement stratégique : énergies renouvelables, architecture intégrée, signature culturelle, échanges sociaux

Des éléments qui se retrouvaient dans le projet hawaiien du Group 70, qui avait remporté le concours d'architecte organisé par le dernier gouvernement Flosse mais qui semble être tombé en défaveur à cause des liens qui existent entre Gaston Flosse et le dirigeant du groupe, Francis Oda.

Changer le code du travail

Si les propositions du plan avaient peu de chance de causer la polémique jusque-là, dès la page 77 il s'attaque à un sujet périlleux : le code du travail. L'objectif est cette fois de baisser le coût du travail pour pousser les hôtels et pensions à embaucher, d'annualiser le temps de travail pour gérer la saisonnalité du secteur, d'envisager "l’instauration de nouvelles formes de rémunération non directement liées au temps travaillé", de favoriser les avantages en nature dans les hôtels ou encore de favoriser l'ouverture des commerces le dimanche.

Pour baisser le coût du travail, une proposition radicale est avancée : fiscaliser les charges sociales dans le secteur touristique. Cela signifie remplacer une partie des cotisations CPS payées par les patrons d'hôtels et leurs salariés par un impôt… sans plus de précision pour l'instant. Mais la piste souvent évoquée par les organisations patronales est celle d'une "TVA sociale".


Ouvrir des casinos réservés aux touristes

On sent bien l'influence qu'ont eus les arbitrages politiques sur le contenu du plan lorsqu'arrive le moment de parler des casinos. S'ils devraient en toute logique économique être ouverts aux locaux pour assurer leur rentabilité, le plan cherche plutôt à éviter l'opposition des églises.

La proposition est donc de favoriser les casinos à terre, mais de ne les réserver qu'aux touristes. Il propose aussi d'autoriser les paquebots à ouvrir leurs casinos à quai, afin d'augmenter leurs journées d'escale en Polynésie.


Miser sur les musées

Le plan prévoit de mettre des moyens dans la rénovation du Musée de Tahiti et des îles et de rouvrir le mémorial du Musée Gauguin. Il préconise aussi d'ouvrir deux nouvelles structures : un mémorial de la seconde guerre mondiale à Bora-Bora et un musée historique de la communauté chinoise.

Il faudrait aussi valoriser notre patrimoine naturel en rénovant le jardin botanique, en ouvrant un éco-musée à Moorea et en multipliant les sources d'informations sur notre flore, faune aquatique et nos oiseaux endémiques.


Selon le plan du ministère du Tourisme, il faut aménager plus d'escales pour les paquebots
Selon le plan du ministère du Tourisme, il faut aménager plus d'escales pour les paquebots
Les activités nautiques

Notre maître atout est notre océan et nos lagons. Les plages de sable blanc font rêver, nos coraux et poissons émerveillent les touristes et nos stocks préservés de pélagiques attirent les pêcheurs du monde entier. Pour profiter de cette aubaine, le plan propose plusieurs actions :

- Aménager des sites de pêche sportive et répertorier les activités dans ce domaine ; Établir un calendrier annuel de tous les évènements
- Répertorier et protéger nos sites de grande richesse marine
- Développer les ancrages écologiques dans les archipels et des marinas dans toute la Polynésie
- Développer les marinas et ancrages dans les entrées Est de la Polynésie (Marquises et Gambier)
- Développer une marina pour grands yachts aux Iles Sous-le-Vent
- Augmenter le nombre de points d’escale aménagés pour les paquebots
- Favoriser l’assouplissement des règles de visa pour les équipages
- Développer les activités nautiques traditionnelles : plus de stages et de compétitions internationales de va'a, ouvrir une école de voile traditionnelle


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 3 Septembre 2015 à 17:18 | Lu 5834 fois