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Pour Moruroa e tatou, les pilules d'iode sont une "prévention inutile"


Pour Moruroa e tatou, les pilules d'iode sont une "prévention inutile"
L'envoi de 500 000 comprimés d'iode par l'Etat en Polynésie française fait bondir l'association Moruroa e tatou. Dans un communiqué, ses membres s'étonnent de cette décision, alors que les autorités françaises avaient "manqué à tous leurs devoirs de prévention" du temps des essais nucléaires aériens en Polynésie. "En 2011, alors qu’on nous affirme que la Polynésie ne court aucun risque du fait du nuage de Fukushima, voilà, à grand renfort de propagande, qu’arrivent les pilules d’une prévention inutile !" fait remarquer ironiquement Moruroa e tatou. Ci-dessous, l'intégralité du communiqué.

"Au temps des essais nucléaires aériens, le CEA et le ministère de la défense mesuraient à Tahiti quotidiennement les taux d’iode radioactif dans le lait de Taravao. En juillet 1974, on a mesuré jusqu’à 240 Bq d’iode radioactif par litre de lait selon les rapports officiels, mais de 1966 à 1974, les mesures quotidiennes dans le lait de Taravao ont toutes dépassé une « dose plancher » en iode radioactif de 2 Bq par litre. Cette « dose plancher » qui n’interdit pas la consommation du lait, est constituée par la dose constatée près d’une centrale nucléaire française – la centrale du Bugey – en 2009.
Du temps des essais aériens en Polynésie, les autorités françaises ont manqué à toutes leurs responsabilités en matière de prévention. Les Polynésiens ont été privés de pastilles d’iode ! On ne peut pas dire que les autorités françaises « ne savaient pas » puisque chaque rapport annuel officiel sur la radioactivité en Polynésie, envoyé à l’ONU, mentionne à longueur de pages non seulement l’iode radioactif dans le lait, mais aussi la présence de radioéléments éjectés par les bombes dans l’eau, l’air, les aliments de tous les archipels polynésiens à des quantités loin d’être négligeables et en tout cas à des taux jusqu’à plus de 1000 fois supérieurs à ceux mesurés dans les mêmes aliments en métropole.
Certains penseront peut-être qu’à l’époque, la France ne disposait pas des moyens de fournir des pastilles d’iode aux Polynésiens. C’est totalement faux ! On l’apprend aujourd’hui : le seul fabricant français de pastilles d’iode est… la Pharmacie centrale des Armées, un organisme dépendant du Service de Santé des Armées, Service qui avait la responsabilité de la santé publique en Polynésie française jusqu’au milieu des années 1980 !
Ainsi donc, les promoteurs des essais nucléaires - le ministère de la défense - disposaient eux-mêmes des moyens de prévention pour les populations polynésiennes et ils se sont bien garder de les distribuer aux Polynésiens. Certains appellent cela « non-assistance à personne en danger », mais le code pénal est encore plus précis puisqu’il condamne comme un délit « la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence » (article 221-6 du Code pénal). Avec l’un des plus fort taux au monde de cancer de la thyroïde, les Polynésiens doivent mesurer aujourd’hui toutes les conséquences de cette violation délibérée de leur droit à la préservation de leur santé.
L’envoi, de toute urgence, de 500 000 pastilles d’iode par la France en Polynésie – qui seront stockées dans la succursale polynésienne du fabricant – est une nouvelle marque de mépris à l’égard des Polynésiens. En 2011, alors qu’on nous affirme que la Polynésie ne court aucun risque du fait du nuage de Fukushima, voilà, à grand renfort de propagande, qu’arrivent les pilules d’une prévention inutile !
Le 28 novembre 2003, Moruroa e tatou et l’Aven avaient déposé au Parquet de Paris – siège du ministère de la défense – une plainte contre X pour, selon les termes du code pénal, « abstention délictueuse, administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui, atteinte à l’intégrité physique ». Depuis cette date, après quelques auditions, le Pôle santé du Parquet de Paris, n’a toujours pas conclu, au mépris des victimes qui bientôt ne seront plus là pour exiger justice. Qu’attendent maintenant nos gouvernants et nos élus, au nom de tous les Polynésiens, pour se joindre avec courage aux associations de victimes et réclamer une justice qui n’en finit pas de tergiverser."


Rédigé par F K le Vendredi 18 Mars 2011 à 09:11 | Lu 1084 fois