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Pénurie de poisson à Tahiti


Tous les ans, les armateurs perdent généralement un peu de moins de 50% de leur pêche à cette période de l'année
Tous les ans, les armateurs perdent généralement un peu de moins de 50% de leur pêche à cette période de l'année
PAPEETE, le 22 mars 2016 - Les restaurateurs et les poissonniers grincent des dents, le consommateur, lui râle, le poisson n'a jamais été aussi rare et son prix aussi élevé. Le réchauffement des eaux et le phénomène El Niño maintiennent le poisson hors de notre zone de pêche et de nos assiettes.


"Désolé, il n'y a plus de poisson ! ", c'est une phrase que vous risquez d'entendre dans les semaines à venir dans les restaurants et snacks de Tahiti. Les restaurateurs sont victimes de la pénurie de poissons saisonnière. Tous les ans entre janvier et février, le poisson se fait rare, rien d'inhabituel jusque-là donc, la particularité cette année, c'est que selon les armateurs et les pêcheurs, la pénurie dure bien plus longtemps que les années précédentes. "Normalement, la saison basse dure jusqu'à mi-mars, mais à partir de Pâques les choses reviennent à la normale. Cette année, le volume de poisson sera stabilisé dans environ deux ou trois semaines", confirme un armateur.
De son côté, Cédric Ponsonnet, directeur adjoint de la direction des ressources marines, tempère " pour l'instant, il n'y a rien d'anormal, ni d'alarmant à la situation", il admet néanmoins, "certes le volume est très bas, mais rien d'atypique. Après, la diminution de l'offre fait forcément augmenter les prix, mais nous n'avons pas encore d'inquiétudes sur la situation" et reconnaît, "nous n'avons pas encore tous les chiffres du mois de mars."

Le poisson plus cher que la viande ?

Sur le terrain, le prix du poisson flambe, les restaurateurs et les poissonniers au détail font la grimace, "le prix du thon blanc est plus cher que celui du thon rouge, ce n'est pas normal ! C'est encore pire que l'année dernière. J'essaie de ne pas trop augmenter mes prix pour pouvoir continuer de vendre parce que les gens n'ont pas beaucoup de sous, mais le poisson est presque plus cher que la viande, je n'ai jamais vu ça !", se désole une poissonnière de Faa'a. En ce moment, le prix du thon blanc varie entre 1600 et 2000 Fcfp le kilo, tandis que le thon rouge se vend lui entre 1500 et 2000 Fcfp le kilo.
De leur côté, les restaurateurs grincent des dents, "soit on est les premiers à l'ouverture de la criée pour se réapprovisionner, soit on n'a pas de poissons. L'autre problème, c'est le prix. Difficile d'augmenter les prix de la carte, du coup, là encore soit on perd de l'argent sur la vente de poisson, soit on diminue les portions…"
De leurs côtés, les armateurs marchent sur des œufs, "la hausse des prix nous permet de tenir, mais le risque principal reste quand même que le client se désintéresse du poisson. Cette pénurie est saisonnière, mais là, elle dure plus longtemps que d'habitude, ce sont quelques semaines de trop", indique Arnaud Le Morvan, de Fetu Armement.
Ces dernières semaines, les bateaux pêchent entre 10 et 15 poissons par jour selon les chiffres des armateurs alors qu'en moyenne, c'est une quarantaine de poissons et un jour de bonne pêche peut atteindre 100 poissons. À savoir également qu'une campagne de pêche dure entre sept et dix jours.

A quoi cette pénurie est-elle due ?

Le thon blanc représente 60 % des captures en période normale; or le thon blanc est un poisson migrateur qui suit les courants d'eau fraiche. Or l'eau est la plus chaude entre février et mars et le réservoir de thon se déplace vers l'est du bassin. "Ce phénomène est accentué par El Niño. Il est vrai que l'eau est particulièrement chaude en ce moment", indique Cédric Ponsonnet, "tous les ans ce réchauffement de l'eau entraine une perte d'environ 50 % des captures."
L'autre explication de cette pénurie pour le consommateur réside dans le développement de l'exportation du poisson. "Les exportations représentent un appel d'air continu, ainsi en cette période de vache maigre les pêcheurs remplissent leurs commandes à l'export avant de renflouer le marché local." Pour rajouter de l'eau à ce moulin, le cours du dollar incite les pêcheurs à privilégier ce secteur, par ailleurs le fait que le thon blanc soit un produit PPN pèse également dans la balance.
Par ailleurs, les bateaux polynésiens ne font que de la pêche fraîche, ainsi, ils ne peuvent pas trop s'éloigner au risque de perdre leur marchandise. Ils doivent donc changer leur stratégie de pêche et se rabattre sur les thons rouges plus petits, sur des espadons et d'autres espèces, sans pour autant compenser le manque de thon blanc.
La situation devrait être rétablie à la fin du mois de mars, là encore, Cédric Ponsonnet nous rassure "si fin avril, début mai, le poisson n'est pas revenu au niveau des bons jours, là, il y aura matière à s'inquiéter." En attendant les thoniers, les armateurs, les commerçants et les consommateurs attendent avec impatience le retour de l'abondance.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Mardi 22 Mars 2016 à 17:52 | Lu 5820 fois