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PPN : changement de régime réglementaire, changement de régime alimentaire ?


Papeete, le 6 octobre 2019 - Six mois après le retrait de plusieurs produits du régime des produits de première nécessité (PPN), la météo des prix établie par la DGAE est l'occasion d'examiner l'effet de cette mesure économique sur les prix ou l’approvisionnement. Focus sur quelques produits très consommés comme le poulet, les huiles et le lait concentré sucré.
 
Le 15 février dernier, le gouvernement décidait de s'attaquer à la liste des produits de première nécessité (PPN). Une réforme longtemps annoncée puis retardée qui a conduit à un toilettage important de la réglementation, en décidant notamment d’harmoniser les taux de marge globale de commercialisation de certains produits afin d’en simplifier l’application, mais aussi et surtout d’alléger la liste des PPN en retirant de nombreux produits,  dont les fruits et légumes locaux, le thé, des conserves de viandes préparées comme le corned-beef ou le Pork and Beans, ou encore le gigot d'agneau congelé.

​Changements de régime

Un changement de régime réglementaire qui, de facto, doit avoir une incidence sur les prix et la volonté des consommateurs de continuer à acheter ces produits. En effet, les articles concernés par la réglementation se trouvaient depuis le mois de mars assujettis de nouveau à la TVA de 5% à incorporer sur le prix de vente TTC en rayon et ne bénéficiaient plus de l'exonération de droits et taxes à l'importation. Une répercussion qui n'était pas automatique puisque les détaillants pouvaient également réduire leur marge pour, in fine, pratiquer les mêmes prix à la caisse. Cependant, les perspectives de ne plus pouvoir continuer à écouler les produits auparavant commercialisés à bas prix a semble t-il poussé les importateurs à réduire les achats malgré la disparition de la marge maximale réglementaire et la possibilité des importateurs et détaillants de vendre chacun au prix qu'ils souhaitent.

​Moins de choix dans les huiles

Auparavant, la réglementation prévoyait que les huiles d'arachide, de soja et de tournesol étaient considérées comme des PPN. Depuis février, seule l'huile de tournesol (et non d'arachide comme nous l'indiquions initialement, NDLR) conserve ce statut, les autres types d'huiles et les mélanges d'huiles sont désormais soumis à un régime de liberté des prix.
 
Une distinction qui n'est désormais pas sans incidence sur l'approvisionnement et les prix de vente. Les données relatives à l'importation de ces produits laissent en effet apparaître depuis le mois de mars une baisse manifeste des importations d'huiles d'arachide (-40% de tonnages importés) et de soja (-25%) destinées à l'alimentation humaine au cours du second trimestre 2019 par rapport à 2018 et un report vers l'huile de tournesol (+38%). La modification des PPN qui figuraient dans cette catégorie de produits semble ainsi avoir pour incidence une réduction possible du choix proposé aux consommateurs. La météo des prix de la Direction générale des affaires économiques (DGAE) ne permet cependant pas d'apprécier précisément un effet sur les prix pour ces produits. Si le prix de vente de l'huile de tournesol tourne toujours autour de 170 francs le litre, l'huile de soja, vendue en moyenne à 190 francs en mai dernier, est désormais en rayon autour de 211 francs le litre.

​Moins de poulets entiers, des cuisses plus chères

Si le poulet entier congelé a été retiré de la liste des PPN, le gouvernement a souhaité y maintenir les cuisses de poulets congelées afin que le consommateur puisse toujours mettre de la volaille à bas prix dans son assiette. Selon les relevés de prix effectués ces derniers mois, le poulet entier congelé a connu une hausse de prix importante. Vendu en moyenne à 228 francs le kilo en décembre 2017, il se commercialisait approximativement à 268 francs le kilo en mai 2019.

A l'époque, les poulets congelés mis en vente étaient très probablement issus pour partie de commandes avant le changement de réglementation. Au dernier relevé du mois dernier, il se trouve désormais à un prix moyen de 357 francs le kilo dans les rayons polynésiens. Une augmentation liée à la fois à l'application des droits et taxes, mais aussi à la baisse des volumes importés en prévision de la baisse de consommation. Alors qu'environ 120 tonnes de poulets entiers étaient importées tous les mois en 2017 et 2018, les volumes mensuels sont tombés à 90 tonnes depuis mars 2019. Le conditionnement en morceaux et en barquettes de dix kilos étant plus en rapport avec le mode de conservation et de consommation polynésien, les volumes importés se maintiennent au niveau des années précédentes autour de 1 100 à 1 200 tonnes par mois alors que les prix ont sensiblement augmenté. Le prix moyen de la barquette passant ainsi de 1 730 francs en mai à 2 170 francs en septembre 2019 ; une hausse principalement due à l'augmentation du prix d'achat auprès des fournisseurs américains qui représentent plus de 90% des imports.  Il faut rappeler que les plus gros producteurs américains de volailles sous sont le coup d'une enquête fédérale américaine pour entente sur les prix de vente depuis juin dernier, un comportement qui, s'il était prouvé, expliquerait en partie l'évolution des prix pratiqués en rayon en Polynésie.

​Le lait concentré sucré en boite résiste

Autre produit très consommé en Polynésie, surtout dans les archipels éloignés, notamment pour sa faculté à être conservé longtemps, le lait concentré sucré en boite hermétique aurait pu être fortement impacté par son retrait de la liste des PPN. Or, les habitudes de consommation semblent être ici suffisamment ancrées dans le mode de vie des archipels pour constater que, contrairement aux huiles et au poulet entier, les importations n'ont été sur le dernier trimestre que faiblement réduites. Des évolutions très différentes donc selon les catégories pour des produits qui sont tous importés.
 
Pour ce qui est des anciens produits de première nécessité locaux - thon, fruits et légumes et corned- beef notamment – les prochains relevés de prix apporteront une première tendance des conséquences sur les prix de leur retrait de la liste des PPN en février dernier. Le punu pua'atoro a d'ores et déjà eu un traitement particulier du fait des hausses de prix constatées en rayon.

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 8 Octobre 2019 à 19:26 | Lu 2868 fois