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Oscar Temaru révèle avoir échappé à un « guet-apens »


Oscar Temaru aux côtés d'Hélène Brun, fille de Maurice Brun
Oscar Temaru aux côtés d'Hélène Brun, fille de Maurice Brun
PAPEETE, le 1er avril 2016. Lors d'une conférence de presse, le maire de Faa'a a fait vendredi un retour sur le passé pour dévoiler un secret qu'il partageait avec un ancien cadre de la douane, aujourd'hui décédé. Le tavana assure avoir été la cible d'un "guet-apens" en 1978. Près de 40 ans après, les faits déclarés par Oscar Temaru seront difficiles à vérifier.

Oscar Temaru aurait été victime d'un "complot" qui aurait pu le conduire tout droit à Nuutania, a-t-il affirmé vendredi lors d’une conférence de presse. Il affirme avoir déjoué le piège grâce à Maurice Brun, son ancien chef de service, qui l’aurait averti à temps. Les faits relatés se déroulent en 1978, alors qu'Oscar Temaru est encore douanier affecté à la navigation de plaisance.

À cette époque, le futur maire de Faa'a se battait pour dévoiler au monde la vérité sur les conséquences des essais nucléaires à Moruroa. "Je m'y étais rendu en 1976, en mission, et j'avais remarqué que la cocoteraie avait jauni, et il y avait des pancartes blanches partout avec ces inscriptions en rouge "Interdiction de boire de l'eau de coco" et "Interdiction de pêcher et de consommer du poisson – Zone très contaminée".

Face à ce constat, le leader indépendantiste n'a eu de cesse de se battre pour que le monde apprenne ce qui se passait sur cet atoll. Et sans qu'il ne se doute de rien, un "guet-apens" se mettait en place contre lui, assure-t-il. "Morito, comme on l'appelait m'a fait éviter la prison", se rappelle Oscar Temaru. "En 1978, je m'apprêtais à partir pour la première fois pour New York, pour l'Organisation des Nations Unies. J'avais reçu une invitation pour prendre la parole devant la communauté internationale et pour servir d'interprète à la délégation du FLNKS. La veille de mon départ, ce monsieur est arrivé dans mon bureau quand je travaillais pour le service des douanes à la navigation de plaisance. Il frappe à la porte et d'un ton ferme, il me dit : « Assieds-toi ! On ne s'est jamais vu ». Je l'ai regardé et je lui ai dit : « Morito » - il s'appelle Maurice Brun – « Qu'est-ce qu'il y a ? » Il m'a répondu : « Demain matin, tu dois partir à New York ? » Je lui ai dit « oui ». Il a repris : « et à 2 heures du matin, tu dois aller à l'aéroport pour récupérer un paquet ? Je viens pour te dire : n'y va pas ! À l'intérieur de ce paquet, il y a de la drogue. Bien sûr tes collègues ne t'arrêteront pas, mais il y aura les gendarmes qui t'attendront à l'extérieur avec les gens de la direction de surveillance du territoire (DST), pour t'envoyer à Nuutania ». Je l'ai regardé et je lui ai demandé : « Comment sais-tu tout cela ? » Il m'a dit : « Cet après-midi, j'étais dans le bureau du patron et le patron de la DST est venu prévenir notre chef de service du guet-apens ou du complot qu'ils avaient monté pour t'empêcher de partir »".

Si le maire de Faa'a a décidé de sortir du silence aujourd'hui, c'est que Maurice Brun est décédé le 11 mars dernier et avec la fille du défunt, ils ont choisi de divulguer ce lourd secret qui date de près de quarante ans.

"C'est quelque chose qu'il avait entendu par hasard car la porte était entrouverte et il entendait que ça parlait fort, donc il a tendu l'oreille. Il a trouvé ce geste tellement moche, mais ce n'était qu'à la fin qu'il avait compris que c'était après Oscar qu'ils en voulaient parce que son nom est sorti", confie Hélène Brun-Van Bastolaer, fille de Maurice Brun, et de poursuivre : "Quand il m'a raconté cette histoire, il y a une vingtaine d'années, cela ne m'a pas surpris parce que j'aurais fait exactement la même chose. Je ne sais pas ce que risquait mon père. Soit d'être rétrogradé dans l'administration ou autre chose. C'était un complot mais il a déjoué le complot."

Le maire de Faa'a se dit reconnaissant envers son "sauveur". Une rue de la commune ou un espace public devrait être nommé Maurice Brun. La décision a été prise en comité de majorité du conseil municipal : "Comme témoignage de notre gratitude : celle de ma famille et par extension celle de très nombreuses personnes", a précisé vendredi Oscar Temaru.

Près de 40 ans après, les faits déclarés par Oscar Temaru seront difficiles à vérifier.


Oscar Temaru, maire de Faa'a

"L'idée était de m'empêcher de partir à New York"

Pourquoi des personnes auraient voulu s'en prendre à vous ?
Avant cela, j'avais été invité par la conférence des Eglises du Pacifique et par les Japonais. Au Japon, j'ai été interviewé par les plus grands médias et j'ai expliqué ce qui se passait du côté de Moruroa et que j'avais besoin du soutien des organisations syndicales, des conférences des Eglises des pays du Pacifique. Ce qui fait que lorsque je suis revenu ici, je m'apprêtais à nouveau à partir à Moruroa. Eh bien il fallait m'arrêter ! D'abord j'avais reçu un blâme en revenant du Japon et Hawaii, plus tôt. L'idée était de m'empêcher de partir à New York, pour parler devant la communauté internationale de ce qui se passait du côté de Moruroa. C'était confidentiel et quelque chose de tabu.

Le lendemain, cela s'est passé comme il l'avait décrit ?
Le lendemain à 2 heures du matin, je ne suis pas allé à l'aéroport, comme il me l'avait recommandé et à 8 heures, j'ai pris l'avion et je suis parti pour New York.

Pourquoi n’en parler que maintenant ?
C'était un secret entre deux hommes. On ne s'est jamais vu, voilà. Et il vient de nous quitter. Sa fille Hélène m'a appelé et je me suis dit qu'il faut que l'on fasse quelque chose. Là maintenant, on peut parler, par respect de la parole donnée.

Hélène Brun épouse Van Bastolaer, fille de Maurice Brun

"On ne détruit pas la vie d'une famille gratuitement"

Vous aviez quel âge lorsque votre père vous a confié cela ?
J'avais trente ans. Et comme on ne sait jamais ce qui peut nous arriver donc j'en ai parlé à mon mari et à mes enfants. Un jour Oscar a parlé à la télé et il disait qu'il a été victime d'un complot sans jamais citer le nom de mon père. J'ai dit à mes enfants que c'était papi qui avait fait cela, et qu'il fallait croire ce qu'Oscar disait. Ce n'est pas un mensonge et je leur ai raconté l'histoire. J'imaginais tout à fait mon père rentrant comme un fou dans la guérite, tirant tous les rideaux et les tiroirs pour voir s'il n'y avait pas de micros… Si je suis là aujourd'hui, c'est pour dire qu'Oscar n'est pas un menteur, c'est vrai et c'est ce qui s'est passé.

Comment qualifierez-vous ce que votre père a fait ?
Il s'est protégé lui, en demandant à Oscar de garder le secret. Il a protégé aussi un homme parce que ce n'était pas du tout dans ses objectifs. On ne fait pas le mal comme cela. On ne détruit pas la vie d'une famille gratuitement pour des idées qui ne sont pas les mêmes que les tiennes. Chacun pense comme il veut et fait comme il veut. Aujourd'hui, papa est parti et maintenant on dit que c'est lui. C'est mon papa Maurice Brun qui l'a empêché d'aller chercher ce paquet.

On vous a demandé d'en parler si jamais Oscar en parlait ?
Non plus. Je lui avais dit à papa : et si jamais tu meurs un jour et que l'on me pose la question ? Eh bien il m'a répondu : je serai mort. Tu peux faire ce que tu veux. Donc j'ai prévenu Oscar qu'il était décédé et il m'a dit qu'on allait faire une conférence de presse et qu'on allait citer le nom de papa.


le Vendredi 1 Avril 2016 à 17:04 | Lu 5356 fois