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Nuutania, moins de détenus mais aussi moins de budget


Tahiti, le 12 février 2024 - Ce mercredi, s'est tenu au haut-commissariat le conseil d'évaluation 2023-2024 des établissements pénitentiaires de la Polynésie française. L'occasion pour Damien Pellen, directeur des prisons de Faa'a, Uturoa et Taiohae, de dresser le bilan de l'activité de ses établissements, dont notamment celui de Nuutania, souvent décrié et condamné par la justice.
 
Instauré en Polynésie française depuis 2016, le conseil d'évaluation a pour mission d'évaluer les conditions de fonctionnement des établissements pénitentiaires. Il veille notamment au respect des droits des personnes détenues, à la sécurité des personnels et des bâtiments, ou encore à l'accès aux soins. Réunis ce mercredi au haut-commissariat à l’occasion du conseil d’évaluation 2023-2024, les autorités administratives de l'État et du Pays, les instances judiciaires, ainsi que les différents acteurs de la société civile intervenant en milieu pénitentiaire ont pu faire un tour d'horizon des conditions carcérales de l'année passée et des problématiques rencontrées. Un exercice qui soulève de nombreuses questions, notamment concernant le centre pénitentiaire de Nuutania, souvent pointé du doigt pour son taux d'occupation déraisonnable.
 
Une image que son directeur, Damien Pellen, tient pourtant à éclaircir : “Nous n'avons plus trop de surpopulation puisque Tatutu a ouvert”, assure ce dernier. “Nous sommes passés de 480 détenus à 220 détenus en moyenne à l'année, et donc de six détenus par cellule à seulement deux ou trois. Je pense qu'on peut dire aujourd'hui que les conditions de vie de ces détenus se sont améliorées.” Pour autant, si cette moyenne de 220 détenus à l'année représente une nette amélioration, l'établissement n'est censé accueillir que 170 détenus. Ce qui représente un taux d'occupation de l'ordre de 120 à 125%, soit toujours trop.
 
Des flux d’entrée et de sortie élevés
 
De plus, les flux d'entrée et de sortie de détention demeurent très élevés : “Nous avons à Faa'a 600 entrées et 600 sorties de détenus par an. Ce qui est assez important”, concède Damien Pellen, tout en relativisant ces chiffres. “Nous avons aussi une activité médicale conséquente puisque nous avons près de 400 sorties médicales par an de détenus vers le CHPF pour une prise en charge médicale. C'est un chiffre qu'il faut souligner puisqu'on a souvent l'impression qu'il ne se passe rien dans une prison, ce qui n'est absolument pas le cas. Nous avons également l'Éducation nationale qui intervient avec trois enseignants et qui propose des diplômes avec un taux de réussite plutôt satisfaisant au DNB ou au CFG (Certificat de formation générale). En 2024, 100% des détenus qui ont passé le bac l'ont réussi.”
 
Interrogé sur les actions menées au sein de ces établissements, notamment en termes de rénovation, le directeur des centres pénitentiaires de Faa'a, Uturoa et Taiohae répond : “À Nuku Hiva, nous avons refait la cuisine des détenus qui était très délabrée et nous avons également aménagé une salle polyculturelle. Concernant Uturoa, nous avons un plan de rénovation de 2 millions d'euros (240 millions de francs, NDLR) qui est actuellement entre parenthèses puisque nous attendons la révision du plan général de l'aménagement du territoire pour avoir les permis de construire et faire des travaux de rénovation importants.” Peu de choses concrètes donc, même si le gros du chantier reste à Nuutania. “À Faa'a, nous avons des traces d'amiante qui sont dans les colles ou dans les enduits qui sont dans les murs, les sols et les plafonds. Mais il n'y en a pas partout. Lorsque nous devons réaliser des travaux, nous faisons d'abord des tests et si on trouve de l'amiante, nous ne réalisons pas les travaux. Nous avons d'ailleurs demandé à l'administration pénitentiaire de nous allouer une enveloppe annuelle pour que nous puissions désamianter une partie des locaux  de l'établissement chaque année. Nous attendons les crédits.”  
 
Des budgets en baisse
 
Et pour le directeur de ces établissements pénitentiaires, le problème est là : les budgets se réduisent. “Rien qu'à Faa'a, pour fonctionner, nous avons besoin de 3,6 millions d'euros (430 millions de francs, NDLR). En 2024, nous avons eu 2,8 millions d'euros (335 millions de francs, NDLR), ce qui a évidemment conduit à faire des choix. Quand vous avez un budget en baisse, vous reportez vos dépenses sur l'année d'après, vous décalez ce que vous avez prévu sur plusieurs mois, et surtout on s'occupe de l'essentiel tel que la nourriture pour les détenus. Le reste passe à la trappe. On doit faire des choix sur des dépenses prioritaires ou pas. Si, par exemple, un climatiseur tombe en panne, on ne peut pas forcément le réparer. Nous avons eu une baisse de 6% au niveau du budget, ce qui est compliqué pour un établissement ouvert 24h/24.”
 
Néanmoins, Damien Pellen assure que certains travaux seront bel et bien menés en 2025 avec notamment la création d'un réseau d'eau chaude, la délocalisation de l'unité sanitaire au sein du centre pénitentiaire pour de meilleures conditions de prise en charge sanitaire, et la création d'une zone parloir dans le quartier des femmes.  

Rédigé par Wendy Cowan le Mercredi 12 Février 2025 à 17:32 | Lu 1750 fois