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Mutilations sexuelles : former les professionnels de santé, une priorité


Mutilations sexuelles : former les professionnels de santé, une priorité
PARIS, 5 février 2011 (AFP) - De très nombreuses femmes victimes de mutilations sexuelles ne sont pas diagnostiquées, non seulement parce qu'elles n'osent pas en parler mais aussi parce que peu de médecins et professionnels de santé sont formés à les repérer, déplorent soignants et associations.

On estime que 100 à 140 millions de filles et de femmes dans le monde ont subi une mutilation sexuelle, selon l'Organisation mondiale de la Santé, alors que se déroule dimanche la Journée internationale contre les mutilations génitales.

Phénomène présent essentiellement en Afrique subsaharienne mais aussi au Proche-Orient ou en Asie du Sud-Est, excision (ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres), ou infibulation (rétrécissement de l'orifice vaginal) existent aussi en France.

L'Institut national d'études démographiques avançait le chiffre d'environ 50.000 adultes excisées en 2004.

Mais "c'est un sujet très peu connu", explique le docteur Richard Matis, vice-président de Gynécologues sans Frontières, une organisation non-gouvernementale qui s'est lancée dans la formation des professionnels de santé.

Dans la région lilloise, un millier de professionnels de maternités ont été récemment sensibilisés dans ce cadre, poursuit-il.

"Déjà, on leur explique que le diagnostic est très difficile. Si on n'y pense pas, c'est sûr que l'on passe à côté, même dans le cas de mutilations assez importantes", explique le médecin.

D'autant que si beaucoup de femmes n'osent pas en parler, d'autres ne sont même pas conscientes d'avoir été excisées car elles "ont parfois été mutilées très jeunes et ne s'en souviennent pas", relève le Dr Matis.

Elisabeth Tarraga, sage-femme à Clermont-Ferrand et secrétaire adjointe de l'Organisation nationale des syndicats de sages-femmes, confirme la difficulté du diagnostic.

"On ne voit que ce que l'on cherche. S'il n y a pas un examen minutieux de la vulve, si l'examen est très rapide, on peut passer à coté", explique-t-elle.

Au point que certains médecins affirment que cela n'existe pas dans leur région sous prétexte qu'ils n'en ont jamais vu, observe le Dr Matis, alors que, par exemple, on évalue à 3.000 le nombre de femmes excisées dans la région Nord.

Il faut donc que les professionnels aient le réflexe de vérifier s'il y a eu mutilation, en particulier si la patiente est originaire d'un pays où ces pratiques sont répandues, et qu'ils apprennent à les repérer.

Autre axe de formation : savoir comment parler à la patiente "avec tact de façon à ne pas la traumatiser" encore davantage, ajoute le Dr Matis.

Mais "les gynécos, hommes ou femmes, ne sont pas toujours très intéressés par le sujet", note le praticien. La directrice du Groupe pour l'Abolition des Mutilations sexuelles (GAMS), Isabelle Gilette-Faye, note aussi une certaine "résistance" de la part du corps médical.

Sur la formation des "infirmières, sages-femmes, auxiliaires de puériculture, on a bien avancé. Maintenant, il faut qu'on n'arrive à avancer au niveau médical", ajoute-t-elle.

Deux circulaires parues fin 2006 préconisent des modules de formation sur ce sujet pour les élèves infirmières ou sages-femmes, mais aussi pour les médecins.

Si la question des mutilations étaient, selon Elisabeth Tarraga, totalement absente des écoles de sages-femmes dans les années 80, elle figure désormais dans certains cursus, par exemple à Clermont-Ferrand et Marseille.

Mais selon le GAMS, un nombre infime de facultés de médecine prévoient ce module, en général quand l'un des enseignants est très impliqué sur le sujet.

jc/db/jpa

Rédigé par Par Julie CHARPENTRAT le Samedi 5 Février 2011 à 04:49 | Lu 1565 fois