
Tahiti, le 4 juillet 2025 - Depuis le 13 janvier, la mission d’information portant sur le mouillage des bateaux de plaisance dans les eaux intérieures de la Polynésie française a mené un travail de fourmi pour établir un rapport complet sur la multiplication non encadrée des mouillages dans les lagons du Fenua. Présentées devant l’assemblée de la Polynésie française, les conclusions de ces travaux mettent en avant des dysfonctionnements des recommandations susceptibles de les corriger.
En quatre mois, la mission d’information portant sur le mouillage des bateaux de plaisance dans les eaux intérieures de la Polynésie française a conduit 62 auditions, entendu 109 personnes, effectué des visites de terrain dans les archipels et organisé une consultation citoyenne à laquelle ont participé 710 personnes.
La présence croissante de bateaux de plaisance dans les eaux polynésiennes a mis en lumière de nombreux dysfonctionnements, générateurs de tensions. Animée par la volonté d’apaiser les relations entre plaisanciers, pêcheurs, riverains et professionnels du secteur, avec l’ambition de bâtir une règlementation garantissant un “mieux vivre” dans les lagons, cette mission, composée de Marielle Kohumoetini, Bruno Flores, Mike Cowan, Edwin Shiro-Abe Peu, Cliff Loussan et Frangélica Bourgeois-Tarahu remis récemment son rapport devant l’assemblée de la Polynésie française.
Ce document présente 70 recommandations concrètes visant à encadrer durablement l’activité de plaisance en Polynésie française, dont certaines abordent directement les causes des problématiques constatées.
Une gouvernance administrative complexe
La gestion du domaine maritime en Polynésie française relève de l’État, du Pays et des communes. Cette répartition des compétences entraîne une confusion juridique et opérationnelle, rendant difficile tant la planification que l’exécution des politiques de gestion des zones de mouillage.
Le rapport met en lumière ce flou administratif et ce manque de coordination entre les différentes autorités. Il recommande une clarification des compétences, une mutualisation des moyens et une meilleure implication des parties prenantes, qu’il s’agisse des services administratifs ou des acteurs de terrain.
Renforcer les moyens de contrôle et de suivi
Une autre problématique majeure réside dans le manque de moyens humains, financiers et logistiques affectés au contrôle des zones de mouillage. Les entrées et sorties des bateaux sont difficilement vérifiables, car les services compétents (douane, police aux frontières, gendarmerie maritime) sont confrontés à une couverture géographique disproportionnée par rapport à leurs capacités opérationnelles.
Bien que le téléservice ESCALES permette l’enregistrement des navires à leur arrivée dans les ports, de nombreuses zones sont encore sous les radars. Et cela favorise des pratiques illégales : mouillages dans des zones interdites ; séjours non déclarés ; contournement des formalités douanières… Une situation qui entrave l’application des réglementations environnementales et fiscales.
Face à ce constat, les élus locaux préconisent une mutualisation des moyens, une formation spécifique pour les agents, ainsi qu’une réforme élargissant les compétences de contrôle des communes.
Améliorer les infrastructures d’accueil et de maintenance
La Polynésie française souffre d’un manque flagrant d’infrastructures maritimes : ports à sec, systèmes d’ancrage normés, stations de pompage, aires de traitement des eaux usées, corps-morts opérationnels, zones techniques adaptées… L’absence ou l’insuffisance de ces équipements, notamment dans les îles, crée une inégalité d’accueil sur le territoire.
Et cela laisse le champ libre, dans certaines îles, aux mouillages sauvages, facteurs de conflits entre plaisanciers, résidents et pêcheurs. Compte tenu de l’importance économique du secteur maritime, il est essentiel d’apporter des solutions partagées pour accueillir et gérer durablement les bateaux de plaisance, préconise le rapport.
Harmoniser un écosystème fragile
Entre la protection des lagons, la préservation des activités traditionnelles, le tourisme et les tensions entre plaisance privée et professionnelle, le rapport met aussi en lumière le besoin d’une véritable harmonisation.
Plusieurs mesures ont été proposées par les personnes auditionnées comme le renforcement des sanctions, incluant la saisie et le démantèlement des navires “hors-la-loi”, à l’instar de ce qui se fait déjà pour la lutte contre la pêche illégale. L’instauration de quotas de navires par baie ou archipel est également préconisée pour éviter la surfréquentation. Cela passe aussi par le renforcement des effectifs de contrôle, avec des agents formés, présents toute l’année et capables de sanctionner les infractions, estime ce rapport. Une fiscalité plus équitable est également évoquée, afin que les plaisanciers contribuent davantage aux coûts de préservation des écosystèmes.
L’ensemble de ces mesures vise à répondre aux défis liés à l’augmentation de la fréquentation lagonaire, tout en protégeant la faune et la flore sous-marines. Malgré la bonne volonté de nombreux usagers, seule une réglementation structurée permettra de mieux vivre ensemble dans le respect des équilibres naturels, humains et culturels.