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Maldives: l'homme de fer Abdulla Yameen lâche le pouvoir


Colombo, Sri Lanka | AFP | lundi 24/09/2018 - Coup de théâtre aux Maldives: l'homme fort du pays Abdulla Yameen a reconnu lundi sa défaite surprise à l'élection présidentielle face au candidat de la coalition de l'opposition, Ibrahim Mohamed Solih.

"Les citoyens des Maldives ont décidé de ce qu'ils souhaitent. J'ai accepté les résultats d'hier", a déclaré Abdulla Yameen, qui a mené une féroce répression de toute dissidence et muselé la société civile depuis son arrivée au pouvoir en 2013.
L'autoritarisme dont a usé le chef d'État de cette micro-nation de l'océan Indien durant ses cinq années de pouvoir faisait craindre à l'opposition et à la communauté internationale que cet habitué des coups de force ne rejette les résultats du vote défavorable.
Lors d'une allocution télévisée survenant après une nuit de suspens, M. Yameen a indiqué avoir rencontré et félicité son rival. "J'assurerai une transition en douceur", a ajouté le président maldivien qui quittera son poste le 17 novembre au terme de son mandat.
Contre toute attente, le challenger Ibrahim Mohamed Solih, peu connu des électeurs, a obtenu dimanche 58,3% des voix face à lui, selon des résultats provisoires de la commission électorale maldivienne.
Dans la nuit, les partisans du Parti démocratique maldivien (PDM, opposition) ont fêté la nouvelle à travers l'archipel en agitant les drapeaux jaunes de la formation politique et en dansant dans les rues.
Puissance régionale traditionnelle, qui a vu d'un mauvais œil le rapprochement des Maldives avec la Chine sous le mandat d'Abdulla Yameen, l'Inde a "félicité de tout cœur" le candidat de l'opposition. Les États-Unis ont appelé au "calme et au respect de la volonté du peuple".
Le scrutin a suscité un engouement massif parmi les 262.000 électeurs maldiviens (sur plus de 340.000 habitants). Ils ont formé dimanche de longues queues devant les bureaux de vote. Pour cette troisième élection présidentielle de l'histoire des Maldives, le taux de participation s'est établi à 89,2%.
"Après 4 heures de transport (en voiture, en avion et en bus) et 3 heures d'attente dans une file (en partie sous le soleil de l'après-midi), je suis juste si fière que tant d'entre nous aient sacrifié tout ce temps, cet argent et cette énergie pour voter", a raconté sur Twitter Naazi, une électrice.
"Voilà ce que c'est de s'accrocher à l'espoir", a-t-elle ajouté.
 

- Maître sans partage -

 
Si les Maldives sont surtout connues du grand public pour leurs plages paradisiaques et hôtels de luxe, la situation politique de ce pays composé d'une vingtaine d'atolls est autrement moins souriante.
Avant le vote, opposition et observateurs internationaux avaient exprimé leur inquiétude de voir le chef de l'État maldivien "voler" le scrutin. La plupart des journalistes étrangers se sont vu refuser l'accès au pays pour couvrir l'élection.
"Le gouvernement voulait truquer l'élection, mais face à la pression massive, ils ont dû abandonner leurs plans", a affirmé à l'AFP Rohana Hettiarachchi du Réseau asiatique pour des élections libres, une organisation d'observateurs empêchée d'entrer aux Maldives.
À son arrivée au pouvoir dans des circonstances controversées en 2013, les observateurs des Maldives pensaient que ce bureaucrate sans charisme ne serait qu'un pantin aux mains de son demi-frère et ex-autocrate de l'archipel (1978-2008), Maumoon Abdul Gayoom. Mais Abdulla Yameen, 59 ans, s'est imposé comme le maître sans partage du pays.
Il a envoyé derrière les barreaux une flopée d'anciens proches tombés en disgrâce et de dissidents. Les autres figures de l'opposition ont dû se résoudre à l'exil, comme l'ex-président Mohamed Nasheed qui vit entre le Royaume-Uni et le Sri Lanka.
Au début de l'année, mécontent d'une décision de justice qui cassait les condamnations litigieuses d'opposants, M. Yameen était passé en force en imposant 45 jours d'état d'urgence. Après une série d'arrestations - parmi lesquelles deux juges de la Cour suprême et son parent Maumoon Abdul Gayoom - le président avait obtenu de l'instance judiciaire qu'elle revienne sur sa décision.
Fustigé pour sa répression par l'Union européenne, les États-Unis et l'Inde, M. Yameen s'est rapproché ces dernières années de la Chine. Celle-ci lui a accordé des centaines de millions de dollars de prêts pour la construction d'infrastructures, des sommes qui représentent pour Pékin un levier d'influence.

le Lundi 24 Septembre 2018 à 03:19 | Lu 427 fois