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Malaise au sein de la majorité, le texte "anticasseurs" remanié


Paris, France | AFP | mercredi 23/01/2019 - Fichage, interdictions préfectorales de manifester: la proposition de loi controversée "anticasseurs" a été revue et corrigée mercredi en commission à l'Assemblée, mais certaines mesures de ce texte issu de la droite suscitent toujours un malaise dans la majorité.

Le texte remanié, dont le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner assure qu'il n'est "pas une loi antigilets jaunes" ou "antimanifestations", sera au menu dans l'hémicycle mardi et mercredi prochains.
Il s'agit au contraire de "donner les moyens que le droit fondamental de manifester puisse être garanti", a affirmé le ministre lors des questions au gouvernement, en réponse à la communiste Elsa Faucillon qui dénonçait "une loi qui criminalise le mouvement" en cours.
Après les rendez-vous des "gilets jaunes" régulièrement émaillés de violences, le Premier ministre Edouard Philippe avait annoncé début janvier cette future loi durcissant les sanctions contre les casseurs et les manifestations non déclarées. Elle est réclamée par des syndicats policiers, mais critiquée sur certains aspects par des magistrats.
Officiellement pour gagner du temps, le gouvernement a saisi un texte déjà ficelé, celui du sénateur LR Bruno Retailleau, voté au Palais du Luxembourg en octobre en réponse au phénomène des "black blocs", et déjà dénoncé alors à gauche comme attentatoire aux libertés. Les "marcheurs" avaient alors voté... contre.
Mardi devant la commission des Lois au Palais Bourbon, M. Castaner avait laissé la porte ouverte à "certaines corrections, certains aménagements", face aux inquiétudes qui sourdent jusque chez les LREM-MoDem sur un équilibre entre maintien de l'ordre et libertés publiques.
 

- Rendez-vous déminage -

 
Pointant "des écueils constitutionnels", une trentaine d'élus macronistes, en particulier, sont en pointe contre l'instauration d'une interdiction administrative de manifester, inspirée des interdictions de stade visant les hooligans - 100 à 200 personnes "grand maximum" seraient concernées d'après le ministre.
La présidente de la commission Yaël Braun-Pivet (LREM) elle-même avocate de profession, a dit ses réticences quant à des périmètres de sécurité lors des manifestations, où palpations et fouilles seraient autorisées. 
Les élus MoDem, l'ex-magistrate Laurence Vichnievsky en tête, se sont aussi montrés soucieux d'un meilleur encadrement général.
A l'heure d'un recul des violences dans les manifestations des "gilets jaunes", certains s'interrogent en outre sur l'opportunité du texte. 
Les rendez-vous se sont multipliés en amont pour déminer les sujets, notamment mardi midi entre des membres de la majorité et Edouard Philippe, puis en fin de journée avec M. Castaner.
Et mercredi matin, les députés ont supprimé en commission l'article 1er de la proposition de loi consacré aux périmètres de sécurité, en vue d'une nouvelle formulation par le gouvernement en séance. Il est aussi prévu d'améliorer l'article 2 sur les interdictions de manifester qui pourront être prises par les préfets.
La création d’un fichier national des personnes interdites de manifestations, qui hérissait aussi certains comme Paula Forteza (LREM), n'est plus à l'ordre du jour. Par un amendement de la rapporteure Alice Thourot (LREM), il a été prévu une inscription au fichier des personnes recherchées (FPR). Restent des interrogations sur la nécessité d'une centralisation de ces données sensibles. 
En outre, les députés ont introduit un mécanisme de contrôle et d'évaluation parlementaires des mesures de police administrative, et ont mieux circonscrit le nouveau délit de dissimulation du visage dans une manifestation.
Les Républicains, par la voix de Bruno Retailleau et d'Arnaud Viala, ont accusé la majorité d'avoir "quasiment détricoté 90% du texte" et d'en avoir "amoindri" la portée. "Majorité écartelée. Ça promet", s'est exclamé sur Twitter leur collègue LR Philippe Gosselin.
A gauche, les députés restent mobilisés et les Insoumis veulent aussi engager le débat sur une interdiction de l'usage des lanceurs de balles de défense par les forces de l'ordre.
"Ce que je crains c'est que la volonté de ce texte c'est d'interdire toute manifestation y compris pacifique, et de faire peur", a pour sa part déclaré Marine Le Pen sur CNews. "Le fichage des opposants politiques, c'est quand même assez problématique au regard de nos grandes libertés publiques", a affirmé la dirigeante du Rassemblement national.

le Jeudi 24 Janvier 2019 à 06:35 | Lu 239 fois