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Macron suscite l'indignation avec une plaisanterie sur les Comoriens


POOL/AFP / CHARLES PLATIAU Le président français Emmanuel Macron à Paris, le 3 juin 2017
POOL/AFP / CHARLES PLATIAU Le président français Emmanuel Macron à Paris, le 3 juin 2017
Emmanuel Macron a déclenché un tollé avec une plaisanterie sur les "kwassa-kwassa", ces frêles embarcations qui, selon lui, ne servent pas à pêcher mais à "amener du Comorien" à Mayotte, et sur lesquelles ont péri de nombreux migrants.

Contacté par l'AFP, l'Elysée, sans parler d'excuses, a reconnu "un trait d'humour malheureux qui a pu blesser", mais ajouté qu'Emmanuel Macron avait "toujours eu une position très claire, faite de fermeté et d'humanité, sur le sujet des migrations dans l'Océan indien, qu'il connaît bien car il s'est rendu à la Réunion et à Mayotte avec des prises de position sur ce problème" pendant sa campagne.

"C'est un mauvais procès qui lui est fait quand on connaît ses positions", estime l'Elysée.

Une vidéo filmée par le "pool" de journalistes qui couvrait sa visite jeudi au Centre régional de surveillance et de sauvetage atlantique (Cross) d'Étel (Morbihan), diffusée vendredi dans l'émission Quotidien (TMC), montre le chef de l'Etat en train d'échanger avec des officiels.

L'un d'entre eux évoque différents types d'embarcations: "Il y a des tapouilles et des kwassa-kwassa". "Ah non, c'est à Mayotte le kwassa-kwassa", relève alors M. Macron.

Avant d'ajouter, sur le ton de la plaisanterie : "Mais le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien, c'est différent".

Et de poursuivre: "Les tapouilles, c'est les crevettiers".

Les kwassa-kwassa sont régulièrement utilisés par des migrants de l'archipel indépendant des Comores pour gagner Mayotte, territoire situé à 70 km et devenu le 101e département français en 2011.

"Rapportée à la population du département, la pression migratoire (y) est sans commune mesure avec l’immigration que connaît la métropole", relevait le député PS Erwann Binet dans un rapport parlementaire mi-2015.

La population mahoraise, estimée à 220.000 habitants (chiffres de 2012, que beaucoup, localement, estiment très en-dessous de la réalité), compterait en effet environ 40% d'étrangers.

Les migrants empruntent ces "kwassa-kwassa", des embarcations de fortune, pour rallier les côtes mahoraises illégalement. En 2015, il y a eu plus de 19.000 reconduites à la frontière à Mayotte contre environ 20.000 sur le territoire métropolitain.

Mais ces traversées occasionnent "entre 7.000 et 10.000 morts depuis 1995" d'après un rapport sénatorial de 2012.

- Demande d'"excuses publiques" -

"Ce n'est pas parce qu'on dit que c'était pour rire qu'on n'a rien dit", a déclaré à l'AFP, en marge d'un déplacement en Corse, le chef de file LR pour les législatives, François Baroin, pour qui ces propos sont "choquants, encore plus quand on est président".

De nombreux autres responsables ont réagi via des tweets.

"Si Sarkozy président avait prononcé cette phrase face caméra, le tollé aurait été gigantesque. +Du+ comorien. 12.000 morts", s'est indignée l'ex-ministre écologiste Cécile Duflot.

"Président du groupe d'amitié France-Union des Comores de l'Assemblée nationale, j'invite Emmanuel Macron à régler les problèmes locaux plutôt qu'à en rire", a déclaré le député PS de Seine-Saint-Denis, Daniel Goldberg.

"Choquant, venant d'un président", a déploré Nicolas Dupont-Aignan, ex-candidat Debout la France à la présidentielle ; "indigne", selon le secrétaire national du PCF Pierre Laurent ; une "blague douteuse", selon la députée européenne LR Nadine Morano ; "il rabaisse la France", pour le vice-président du FN Florian Philippot.

Interrogé par la presse, Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France insoumise dans la 4e circonscription de Marseille aux législatives, a estimé qu'"il y a quelque chose de conscient chez lui. C'est une sorte de mépris de la classe... après ses propos sur les illettrés, et d'autres encore".

"Il a une manière extrêmement désinvolte de parler de la mort des gens", a-t-il ajouté. Plus tôt, au cours de son discours au Cours Julien, le leader de la FI a demandé au public d'observer une minute de silence.

Quelques acteurs associatifs ont aussi vilipendé les propos du chef de l'État, "condamnés avec la plus grande fermeté" et qualifiés de "racistes et déshumanisants" par le Conseil représentatif des Français d'origine comorienne.

"Nous demandons expressément des excuses publiques du président et qu'il prenne sa responsabilité sur cette tragédie", a demandé le président de cette association, Nassurdine Haidari. Selon lui, ces commentaires sont "dignes de la famille Le Pen. Et plus précisément de Jean-Marie Le Pen".


Rédigé par AFP le Samedi 3 Juin 2017 à 11:30 | Lu 931 fois