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Macron "mouille la chemise", Le Pen cherche "la présidentialité"


Thomas COEX / AFP
Thomas COEX / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 14/04/2022 - Depuis dimanche soir, Emmanuel Macron et Marine Le Pen mènent une campagne tambour battant pour le second tour de la présidentielle avec deux stratégies bien distinctes, explique le politologue Stéphane Rozès dans un entretien à l'AFP.

QUESTION: La campagne a-t-elle vraiment commencé après le premier tour ?

REPONSE: "La singularité de cette présidentielle est que ce sont les éléments extérieurs, l'épidémie de Covid 19, la guerre en Ukraine, qui ont donné le la au premier tour. D'où un effet rattrapage très contrasté par rapport à ce qu'il s'est passé auparavant. Le deuxième tour est la clé de ce moment de passion politique qui a pour vocation de nous tenir ensemble ensuite pendant cinq ans. Le fait que ce soit plus resserré que lors de la précédente présidentielle ajoute un élément de dramatisation."

Q: Emmanuel Macron a-t-il pris un risque en n'entrant véritablement dans la campagne qu'après le premier tour?

R: "Il avait prévu de faire une blitzkrieg d'entre deux tours. Il a raccourci la campagne électorale et a voulu enjamber le premier tour du fait de la situation sanitaire puis de la guerre. Il s'était un peu éloigné des rites fondamentaux d'une campagne présidentielle, notamment que tous les candidats doivent être à égalité. Il veut corriger cela. Mais ce qui me frappe c'est à quel point les Français dans leur vote et leur détermination sont sensibles à tous les signaux qui leur sont envoyés. Le candidat Macron mouille sa chemise, y compris en en faisant des tonnes."

Q: D'où ses nombreux bains de foule depuis lundi? 

R: "Il essaie de faire oublier sa présidence conflictuelle où lui ont été reprochés une dureté et un mépris pour les Français. La seconde raison est plus intime et stratégique. Son grand atout est psycho-politique: +le monde est suffisamment inquiétant sans ajouter à tout cela de l'instabilité politique. Vous me connaissez et je vais vous faire la démonstration, y compris dans une campagne très courte, qu'à votre contact je suis capable de m'adapter+. C'est à la fois une correction du passé par le passage du +je+ vertical au +nous+ horizontal et une démonstration qu'il sait s'adapter à toutes les situations, y compris en étant bousculé."

Q: La campagne de Marine Le Pen est-elle très différente? 

R: "Marine Le Pen doit faire la démonstration de sa présidentialité. Tous ses éléments de communication, y compris ses affiches, visent à crédibiliser son image d'une femme d'Etat en capacité de prendre en charge les grandes questions du pays. Il est acquis dans les études d'opinion et auprès des électeurs que c'est elle qui a mené la meilleure campagne et qu'elle est la plus proche des Français par la question du pouvoir d'achat et le vote des ouvriers, des employés et de la France rurale qu'elle pense acquis. C'est une stratégie tout à fait raisonnable et logique du point de vue de sa propre cohérence et de ses handicaps. Elle souhaite apparaître comme la candidate du rassemblement et du réapaisement."

Q: En quoi ce duel est différent de celui de 2017?

R: "Chacun est conscient que l'enjeu ne peut pas être une répétition de 2017. Le président candidat n'est plus le jeune homme neuf porteur de l’espoir de remettre en marche le pays. Quant à Marine Le Pen, son cataclysmique débat d'entre-deux-tours (en 2017) l'a amenée à opérer un travail considérable de réflexion sur ce qu'est la France dans son rapport à l'Europe. Il lui a fallu prendre en compte le besoin de réassurance et de stabilité des Français. Les deux candidats auraient grand tort de réduire leur campagne à un front républicain anti-Le Pen pour l'un ou à un référendum anti-Macron pour l'autre. Chaque présidentiable tente d'expliquer sa propre cohérence alors que l'enjeu de l'entre-deux-tours est de récupérer des électeurs mélenchonistes ou abstentionnistes."

le Jeudi 14 Avril 2022 à 06:39 | Lu 379 fois