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Luc Tapeta : "Je pense qu’à un moment donné, il faut savoir mettre son orgueil de côté"


Luc Tapeta, nouveau PCA de la Caisse de prévoyance sociale
Luc Tapeta, nouveau PCA de la Caisse de prévoyance sociale
Elu le 29 mai dernier à la présidence du Conseil d'administration de la Caisse de Prévoyance sociale, Luc Tapeta revient sur les circonstances de son élection, les enjeux de sa présidence : son souhait de mettre en oeuvre les réformes structurelles de la Protection sociale généralisée et dans l'immédiat sa volonté de trouver une terrain d'entente, pour une convention collective, avec le syndicat des médecins libéraux. "On ne peut pas se regarder en chien de faïence", nous confiait-il, lundi 11 juin : "Je pense encore qu'il existe aujourd'hui une porte de sortie à ce conflit"


Tahiti infos : Vous étiez absent lors de votre élection à la présidence du Conseil d’administration de la Caisse de prévoyance sociale. Il y a eu un certain parfum de complot. Avez-vous craint la colère de Ronald Terorotua ?

Luc Tapeta : J’ai entendu dire, aussi, que j’avais fui. Sachez que je ne crains personne. Je suis membre pour le Medef de conseils d’administration à Paris. Un déplacement sur la métropole ne se décide pas au dernier moment. Celui-ci était préparé depuis 2 mois. (…) Ce n’est pas une fuite, mais simplement un déplacement programmé.
La décision de porter ma candidature à la présidence du CA de la CPS a été tardive. Lors de son dernier conseil d’administration, le Medef Polynésie a souhaité que je sois le représentant du patronat à la présidence du CA, en raison des travaux que l’on a menés dans le cadre de la réforme de la Protection sociale généralisée et de ma connaissance de ces dossiers. La décision a été unanime et je ne pouvais pas m’y soustraire.
Mais effectivement,
au moyen de ce déjeuner – auquel je précise que toutes les représentations syndicales étaient conviées ; et qui n’avait rien d’un complot –, cette année j’ai voulu vérifier si nous partagions les mêmes objectifs avec les partenaires sociaux, compte tenu des enjeux d’avenir de la CPS, au bénéfice de la Protection sociale généralisée. J’ai aussi voulu y mesurer le soutien que je pouvais avoir lors de cette élection. Tout le monde était invité, même O Oe To Oe Rima. En somme, on y a parlé des chantiers d’avenir, pour se mettre d’accord et j’y ai mesuré le soutien que je pouvais espérer, pour mettre en œuvre ces réformes.
Il est clair que pour mener ces gros chantiers, j’ai évoqué un certain nombre de pistes. Pourquoi Patrick Galenon (vice-président du CA, ndlr) ? Parce que depuis la mise à l’équilibre du budget de la Caisse d’assurance maladie en 2011, il est resté constant dans les démarches de construction de ces budgets et de négociation avec un certain nombre de professionnels de santé Il a été très présent, mandaté par les centrales syndicales, sur tous les travaux de la réforme de la PSG. Et comme c’est le chantier central, autant avoir dans le bureau des gens qui ont pris part à ces travaux.


Tahiti infos : Quels sont les chantiers, dans le cadre de cette réforme de la PSG, que vous envisagez mettre sur pied au cours de votre présidence ?

Luc Tapeta :D’abord, on ne va pas changer profondément de cap. On a travaillé sur la réforme structurelle de la PSG : en juin 2011, nous avons remis nos conclusions au gouvernement. Nous sommes dans l’attente de la validation d’un certain nombre d’options, pour pouvoir prendre les premières orientations de la réforme structurelle de l’Assurance maladie. Il faut être conscient que c’est un chantier qui peut prendre de trois à 5 ans. Lorsque l’on parle de régime unique, par exemple, il s’agit d’une réforme en profondeur, au niveau des processus, de l’organisation interne de la CPS, des financements, des systèmes d’information.
Pour le bien être des assurés, ce sont les gros défis qui se posent à nous pour les années à venir.
Il s’agit du coût des dépenses de maladie, et notamment de longue maladie, et peut être de l’impossibilité pour nous, à moyen terme, de financer le coût de la longue maladie en Polynésie.
Nous avons également travaillé, au titre du budget 2012, sur l’horizon de viabilité du régime de retraite de la tranche A. Les réformes tardent dans la mesure où les lois de pays ne sont pas encore votées ; mais l’enjeu est important puisque grâce aux mesures que nous avons proposées, nous repoussons l’horizon de viabilité du régime de retraite de 2017 à 2032. Bien évidement cela n’inclus pas la compensation des déficits de l’Assurance maladie, sur les réserves de la retraite. Il faut savoir qu’aujourd’hui, selon le mode de fonctionnement de la CPS, les déficits du régime de Maladie sont financés par les réserves de la caisse de retraite.


Tahiti infos : Le Tribunal administratif a rendu son avis, la semaine dernière, au sujet de la Convention individuelle que vous avez proposée aux médecins libéraux de Polynésie, et a reconnu sa validité. Cette décision est-elle source de satisfaction ?

Luc Tapeta :Le Tribunal administratif a rendu trois décisions, au cours des dernières semaines, concernant la convention avec les médecins libéraux. La première concernait la convention collective : elle a été invalidée (…). La deuxième décision concernait la CCAM (Classification commune des actes médicaux, ndlr), la nouvelle nomenclature des actes. Le Tribunal a considéré qu’elle pouvait être mise en œuvre. La troisième décision concerne en effet la convention individuelle et l’a validée. Elle ne met pas en cause son contenu.
Cette décision a une très grande importance. Le Syndicat des médecins (libéraux de Polynésie française, ndlr) a critiqué les 24 praticiens qui ont adhéré à cette convention individuelle. Ceux-là étaient parfaitement dans le processus réglementaire. Aujourd’hui, cette convention individuelle est applicable et j’invite les médecins à observer les conséquences pour eux d’un refus. Adhérer à cette convention individuelle, c’est rétablir les malades dans leur droit. C’est important : les assurés peuvent être rétablis dans leur niveau de prise en charge. (…)
Et puisque nous sommes dans un aspect réglementaire reconnu, cela permet aussi d’ouvrir la perspective vers la conclusion d’une convention collective concertée. Nous sommes toujours disposés à mener ces négociations avec les médecins. Et à ce titre je voudrais rappeler que c’est le président du syndicat des médecins libéraux qui a décidé de ne plus négocier avec la CPS.

Luc Tapeta : "Je pense qu’à un moment donné, il faut savoir mettre son orgueil de côté"
Tahiti infos : Les effets de la délibération CPS restaurant les avantages du tiers payant pour les assurés, en l’absence de conventions avec les médecins, ne vont pas au-delà du 30 juin prochain. Où en êtes-vous de vos négociations avec le syndicat des médecins libéraux ?

Luc Tapeta :(…)Je me suis abstenu de communiquer pendant toute la durée de la négociation. (…)Et je vous rappelle que je n’ai pas quitté la table des négociations. Je n’ai pas fait de déclaration disant que je ne voulais plus discuter avec les médecins libéraux, au contraire. Je suis resté, et j’invite tout le monde à revenir à la table des négociations.
Si on veut conclure un accord, il faut être deux. Aujourd’hui, les médecins ont déclaré ne plus souhaiter continuer cette négociation. C’est leur décision, leur responsabilité.
La discussion a été difficile le dernier lundi où l'on s’est vu, parce que forts de la décision du Tribunal administratif, invalidant la convention collective, de manière imprudente des déclarations ont été faites par le président du syndicat des médecins libéraux, disant qu’il viendrait à une dernière négociation et que si on ne lui présentait pas une convention, il quitterait la table et ne négocierait plus. C’est un peu hasardeux de prendre des positions comme ça. Et forcément, le moment venu il se trouvait obligé de rester sur les positions annoncées la semaine précédente.
Pourquoi en est-on arrivé là ? C’est parce qu’ils ont cru à un moment donné que le salut viendrait du ministère de la Santé, au travers de deux démarches. A la rupture des négociations le ministre de la Santé a dit qu’il proposerait une convention rédigée par ses services. Il s’agit en réalité d’une liste à la Prévert des desiderata des médecins. Ce n’est pas très sérieux.
Les médecins avaient toujours un espoir dans le fameux règlement dit arbitral. Mais il faut savoir que sur le principe, cette solution a été développée en métropole au cours d'une période de conflit entre la Caisse d’assurance maladie et les médecins. Son processus de mise en œuvre prévoit qu’un mois avant l’échéance de la convention collective, si les négociations n’aboutissement pas, le gouvernement peut être saisi pour définir les rapports entre la Caisse et les médecins. Nous n’en sommes plus là : le Tribunal administratif a reconnu que les effets de la convention collective de 2009 étaient tombés, au 22 janvier de cette année. Il n’y a plus de lien entre une convention collective et le règlement arbitral.


Tahiti infos : Le 1er juillet prochain, il est fort peu probable dans ce contexte que vous soyez arrivé à un accord avec les médecins libéraux. Doit-on se préparer à revivre les mêmes dysfonctionnements qui ont pénalisé les assurés, en mars dernier ?

Luc Tapeta :Non, absolument pas. Le Tribunal administratif a reconnu la validité de la convention individuelle. C’est une solution transitoire, en attendant la conclusion d’une convention collective. Aujourd’hui, les médecins qui le souhaitent seraient avisés de rétablir les malades dans leur niveau de couverture et de redémarrer la production de leur chiffre d’affaires en adhérant à la convention individuelle.

Tahiti infos : On les imagine mal adhérer à un texte qu’ils ont porté devant la justice.

Luc Tapeta : Ils n’ont pas eu gain de cause. Il ne faut pas s’acharner. Encore une fois, l’adhésion à ce texte n’interrompt pas les discussions au sujet de la convention collective.
Je voudrais rappeler de manière solennelle qu’il y a un numerus clausus qui s’applique à cette profession. La fin de la convention collective a mis fin au droit des médecins. La convention individuelle pour les 24 qui l'ont signée leur permet de s’inscrire dans le numerus clausus. Demain, on va rouvrir : first in, first served…
Les médecins ont attaqué toutes les conventions. Ils ont quitté la table des négociations. Je pense qu’à un moment donné, il faut savoir mettre son orgueil de côté. Et le faire dans l’intérêt de tous.


Tahiti infos : Pensez-vous qu’il est possible que vous prolongiez les effets au-delà du 1er juillet, de la délibération CPS qui a restauré le tiers payant ?

Luc Tapeta :Cela ne dépend pas de moi. Ces décisions sont prises en conseil d’administration à la CPS. Mais je vous rappelle que la convention individuelle est en mesure de rétablir le malade dans ses droits.
Si les médecins ne veulent pas signer, chacun ses responsabilités, c’est une obstination que je n’arrive pas à comprendre.
Aujourd’hui, la seule porte de sortie c’est la négociation et la convention individuelle.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 11 Juin 2012 à 16:26 | Lu 2520 fois