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Les mutoi sur les lieux du crime au camp de gendarmerie de Faa'a


Gel des lieux, protection des accès, gestion des curieux, les mutoi ont appris les règles à suivre en face d'une scène de crime.
Gel des lieux, protection des accès, gestion des curieux, les mutoi ont appris les règles à suivre en face d'une scène de crime.
PAPEETE, le 13 février 2016 - Quinze policiers municipaux de Tahiti, Moorea, Rangiroa et Tubuai suivent une formation qualifiante de 5 mois auprès des gendarmes, dans l'espoir de devenir agent de police judiciaire adjoint. De nombreux modules leur sont enseignés, dont celui de la conduite à tenir sur une scène de crime.


Les uns sont des professionnels de l'intervention et du judiciaire, les autres ont une connaissance pointue de leur environnement. Et tous se retrouveront inévitablement sur le terrain, qu’il s’agisse de simples missions de police de la route, d’interpellations plus délicates… et pourquoi pas un jour sur une scène de crime.

Depuis le début de l'année, et comme tous les ans, quinze policiers municipaux venus des quatre coins de la Polynésie suivent à la gendarmerie une formation qualifiante de cinq mois en vue de devenir agent de police judiciaire adjoint (APJA). De nombreux modules les ont promenés dans tous les services de la gendarmerie, de la brigade motorisée à la brigade nautique, en passant par la brigade de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ) et bientôt le CORG, le centre d'opérations et de renseignement de la gendarmerie, qui concentre tous les appels et déploie en temps réel les unités sur le terrain. Des présentations, de la formation théorique mais aussi des stages pratiques d'observation dont celui proposé par les hommes de la brigade de renseignement et d'investigation judiciaire (BRIJ), vendredi dernier au camp de Faa'a.

La municipale passe en mode Les Experts

Une scène de crime avait été reconstituée pour l'occasion : un homme visiblement abattu avec un pistolet au cours d'une soirée arrosée. Derrière le cordon jaune de la gendarmerie interdisant l'accès aux badauds, un mannequin ensanglanté, une arme qui git sur le carrelage, des traces de pas, une douille et des mégots de cigarettes… Pendant quelques minutes, les uns et les autres ont été invités à se glisser dans la peau des Experts… de Polynésie.

En tenue hermétique pour éviter de répandre son ADN, une jeune vahine effectue les premiers relevés en écoutant attentivement les conseils des techniciens en identification criminelle qui lui apprennent comment ne pas polluer la scène de crime. L'avenir de l'enquête et l'issue du procès qui en découlera en dépendent étroitement. "Ils sont souvent les premiers sur les lieux et cela permet de leur donner les bons réflexes en attendant notre arrivée", explique le lieutenant-colonel Didier Pétard, du bureau organisation-emploi (BOE).

Plus riches de cet apprentissage, les futurs agents de police judiciaire adjoints ont terminé la journée en compagnie de la brigade cynophile du peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (Psig) et de ses deux chiens Malinois. Le premier, spécialisé dans la neutralisation des individus et juridiquement considéré comme une arme, leur a montré qu'il valait mieux ne jamais l'avoir à ses trousses. Le second, spécialisé dans la recherche des stupéfiants, a démontré que rien ne pouvait échapper à son flair.




"Au fenua aussi, on a la police scientifique !", Fano Mahatia, 29 ans, mutoi à Moorea

"Cette formation est très intéressante pour la plupart d'entre nous, qui sommes de jeunes et nouvelles recrues dans nos communes et qui n'avons encore jamais travaillé avec les gendarmes", confie Fano Mahatia, 29 ans, policier municipal sur l'île sœur.

"Cela nous permet d'apprendre et de savoir comment, et avec qui, nous allons être amené à travailler sur le terrain des opérations. C'est impressionnant de découvrir tout l'équipement des gendarmes, leurs techniques d'intervention. On se rend compte que même chez nous, en Polynésie française, on a aussi notre police technique et scientifique. Comme dans NCIS où tous les autres films qu'on peut voir à la télé ! C'est très utile".

"L'analyse d'une scène de crime est déterminante", rappelle le colonel Pierre Caudrelier

Les mutoi sur les lieux du crime au camp de gendarmerie de Faa'a
Le colonel Pierre Caudrelier, commandant de la gendarmerie pour la Polynésie française, a fait le déplacement vendredi au camp de Faa'a pour s'adresser directement aux policiers municipaux en formation. Avec deux messages forts : l'intérêt de savoir réagir sur une opération judiciaire d'envergure, et aussi un rappel plus général sur la probité dont vont devoir faire preuve ces futurs agents de police judiciaire adjoints.

"La gendarmerie couvre assez bien la Polynésie par son maillage, mais n'est pas partout", analyse le patron des gendarmes. "Les mutoi, eux, sont partout. Il est important pour nous d'avoir des relais pour au moins garantir, en cas d'opérations judiciaires importantes notamment, la préservation des traces. L'analyse d'une scène de crime est déterminante pour l'issue des investigations, puis du procès. La première des choses à leur inculquer, c'est ce que l'on appelle le gel des lieux. Il faut donc, à travers des formations comme celles-ci, leur permettre de visualiser une scène de crime et surtout savoir quelles erreurs à ne pas commettre. Un simple mauvais geste, un élément déplacé, des traces de chaussures, de doigts, de l'ADN déposé peut polluer une scène et complètement modifier le cours des choses pour le procès pénal. Préserver un site c'est aussi savoir éloigner les curieux, en surveiller les accès, limiter les déplacements des personnes et des éléments de la scène".

Ethique personnelle et déontologie

"Même si nous avons des prérogatives différentes, les gendarmes et les policiers municipaux ont ce point commun d'exercer une autorité sur les populations dans le seul but de faire respecter la loi", ajoute le colonel Caudrelier. "Il faut donc avoir soi-même une éthique personnelle qui fait qu'il ne peut pas y avoir de biais, familial ou autre, qui doit venir interférer", insiste-t-il.

"Il faut garder une totale indépendance. Je sais qu'elle est quelque fois difficile à préserver car un mutoi, dans certains cas, est le seul agent public sur un atoll de 300 personnes. Cet environnement n'est pas le plus favorable pour garantir une telle indépendance et il est d'autant plus important de le leur dire. Nous mettons en place pour les aider, notamment dans les archipels, des contacts réguliers pour qu'ils puissent nous faire part de leurs difficultés, nous donner des informations. C'est le début d'une relation de confiance avec eux. Cette formation permet de développer ces relations humaines que l'on entretien ensuite par des vacations téléphoniques ou à l'occasion de déplacements".

La scène de crime reconstituée pour l'occasion.
La scène de crime reconstituée pour l'occasion.

Notre policière municipale toute équipée pour ne pas polluer la scène a découvert une douille.
Notre policière municipale toute équipée pour ne pas polluer la scène a découvert une douille.

Les mutoi en formation ont aussi pu assister à des exercices en situation de la brigade cynophile et de ses deux chiens Malinois.

Les mutoi sur les lieux du crime au camp de gendarmerie de Faa'a

Rédigé par Raphaël Pierre le Samedi 13 Février 2016 à 15:51 | Lu 11652 fois