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Les enfants polynésiens à bout de souffle face aux allergies


Pneumologues, allergologues, pédiatres-allergologues et spécialistes de la réhabilitation respiratoire ont participé à cinq jours d’échanges et d'ateliers autour des pathologies respiratoires, cardiovasculaires et allergiques
Pneumologues, allergologues, pédiatres-allergologues et spécialistes de la réhabilitation respiratoire ont participé à cinq jours d’échanges et d'ateliers autour des pathologies respiratoires, cardiovasculaires et allergiques
Tahiti, le 20 novembre 2025 - Malgré un cadre tropical souvent présenté comme idyllique, la Polynésie française fait face à une prévalence élevée d’allergies et d’asthme, notamment chez l’enfant. Réunis à Tahiti pour un congrès organisé par l’Association d’immuno-allergologie du Pacifique Sud (AIAPS) et l’association Cœur, Poumon, Réhabilitation, des experts du Pacifique et de métropole ont dressé un état des lieux préoccupant : diagnostics tardifs, traitements coûteux et exposition massive aux allergènes. Ils appellent à renforcer la prévention et la prise en charge.
 

Mal connus, sous-diagnostiqués et souvent mal pris en charge : les troubles allergiques et l’asthme chez l’enfant constituent pourtant l’un des enjeux de santé majeurs en Polynésie. C’est l’un des constats mis en lumière lors du congrès médical organisé cette semaine à Tahiti par l’Association d’immuno-allergologie du Pacifique Sud (AIAPS) et l’association Cœur, Poumon, Réhabilitation (CPR).
 
Alors que ce congrès est organisé chaque année, c'est la première fois depuis quinze ans que professionnels de santé se sont retrouvés sur le Fenua pour partager leurs données et leurs avancées thérapeutiques. Pneumologues, allergologues, pédiatres-allergologues et spécialistes de la réhabilitation respiratoire ont participé à cinq jours d’échanges et d'ateliers autour des pathologies respiratoires, cardiovasculaires et allergiques. Dès les premiers jours, 34 professionnels – généralistes, spécialistes, infirmiers et pharmaciens – sont ainsi venus se former gratuitement. “C’est important parce que nous sommes loin de la métropole. Faire venir des experts nous permet d’actualiser nos connaissances, notamment sur l’asthme et les allergies, des pathologies très fréquentes ici mais souvent sous-diagnostiquées ou mal traitées”, nous a confié le Dr Mellin, pneumologue et allergologue à Nouméa, également secrétaire des deux associations (AIAPS et CPR) organisatrices.
 
Un terrain idéal pour les allergènes

 Faute d’étude épidémiologique récente, la pédiatre-allergologue Marie-Paule Debarthez du CHPF a analysé les données d’hospitalisation des enfants de 3 à 15 ans de l'hôpital de Taaone entre 2022 et 2024 : “Sur l’ensemble des admissions pédiatriques, environ 12 % concernent des crises d’asthme. C’est beaucoup par rapport à la métropole”, explique-t-elle, ajoutant qu'une cinquantaine d’enfants sont passés par les soins intensifs sur cette période, dont un enfant transféré en service de réanimation qui est “malheureusement décédé”.
 
Des chiffres élevés qui s'expliquent notamment par le fait que “la Polynésie est le royaume des acariens”. “Chaleur, humidité, maisons ouvertes… C’est l’environnement idéal pour les allergènes responsables de la majorité des crises d’asthme. Les blattes (cafards) arrivent en deuxième position”, analyse encore la spécialiste. À cela s’ajoutent les “facteurs irritants”, très présents dans le quotidien des familles : tabagisme passif (“70 % des enfants y seraient exposés, souvent via leur maman”), feux de jardin, tortillons antimoustiques ou pollution domestique. Sans oublier l’obésité infantile qui est un facteur majeur de déséquilibre de l’asthme.
 
Un coût des traitements jugé “handicapant”
 
Le frein principal reste toutefois l’accès aux soins. Les corticoïdes inhalés, traitement de fond recommandé, ne sont remboursés à 100 % qu’à des doses très élevées. “C’est un vrai handicap pour les familles”, déplore le Dr Mellin. Quant à la désensibilisation, seul traitement curatif de l’allergie aux acariens, elle reste inaccessible pour beaucoup. “Un flacon coûte 38 euros, il en faut trois par mois. Cela revient à près de 14 000 francs à la charge des parents”, précise le Dr Debarthez.
 
Pour les spécialistes, la priorité est claire : renforcer la prévention. “Ce sont des maladies de l’environnement”, insiste le Dr Mellin. Réduire les poussières, éviter le tabac, aérer, bannir les tortillons… Autant de gestes simples mais essentiels à adopter au quotidien. Mais selon lui, l’effort doit aller plus loin : “Il faudrait intervenir dans les écoles, mener de vraies campagnes organisées. On est encore loin du compte.” Si les constats sont préoccupants, le congrès aura permis d’ouvrir la voie à de nouvelles collaborations. “On ne repart pas comme on est venus. On a rencontré les confrères polynésiens, les jeunes en formation… Cela crée de l’émulation et une vraie communauté”, s'est réjoui le Dr Mellin.
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 20 Novembre 2025 à 13:38 | Lu 2557 fois