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Les ananas géants du Pérou


Lorsqu’elles sont jeunes, les puyas forment des touffes vertes, à la manière des agaves. Elles mettent cent ans à fleurir et meurent ensuite.
Lorsqu’elles sont jeunes, les puyas forment des touffes vertes, à la manière des agaves. Elles mettent cent ans à fleurir et meurent ensuite.
Incroyable, mais bien vrai. Devant nous se dressent des “ananas” géants de plus de dix mètres de haut. Nous sommes enfin parvenus au pays de la mythique Puya raimondii, au cœur des Andes péruviennes…
 
Au loin, elles ne paraissent pas très grosses. Stop ! Le conducteur s’exécute. Clic-clac, vue générale de la prairie et la vieille Buick repart, souffreteuse, à plus de 4 000 mètres d’altitude. 

Géantissimes mais immangeables
 
En se rapprochant pourtant, leur gigantisme saute aux yeux : les hampes, immenses, monstrueuses, semblent déchirer le ciel andin. 
On nous avait prévenus que nous allions voir des ananas à mesurer avec un décamètre, mais raconté au coin d’un bar, avec deux trois piscos dans le nez, ce genre de promesses laisse toujours dubitatif. Après tout, au bistrot, un lama finit toujours par ressembler à une girafe. Mais là, frein à main serré, nous restons sans voix au pied de la pente où se dressent les fières puyas, orgueil des Indiens péruviens. 
Ces plantes, de la famille des Broméliacées, produisent les plus grandes inflorescences et les plus grands fruits du monde (des polyfruits), à savoir des constructions de sept à dix mètres de hauteur et de près de 80 centimètres de diamètre. Des ananas géantissimes et immangeables, typiques de cette région du monde, les pentes de la Cordillère blanche, au centre du Pérou, près de la ville de Huaraz. Les inflorescences les plus chargées peuvent porter vingt mille petites fleurs, qui deviennent autant de petits fruits...

Dans le paysage aride et désolé de la haute puna, seules grandissent ces étranges Broméliacées.
Dans le paysage aride et désolé de la haute puna, seules grandissent ces étranges Broméliacées.
Des plantes mobiles…
 
Selon les Indiens, les grandes puyas (appelées qara en Quechua) sont vivantes, certes, mais surtout mobiles. “La nuit elles se déplacent et elles attrapent nos moutons qu’elles dévorent”. Pour preuve, des touffes de laines que les animaux imprudents laissent en tribut aux grandes plantes solitaires lorsqu’ils les approchent de trop près pour brouter l’herbe à leur pied. 
En réalité, quand un mouton disparaît, on le doit plus sûrement aux pumas qu’aux grandes puyas...
Les feuilles, qui font penser à celles de l’agave, en plus grand, sont en effet recouvertes d’épines dentelées, façon rostre de requin scie et les moutons assez bébêtes ne manquent jamais de s’y accrocher. Chez les Quechuas, la croyance des puyas baladeuses et sanguinaires est si forte que les rares bergers des hautes terres andines se barricadent la nuit dans leur hutte. Vous ne les en feriez pas sortir pour un empire.
 
Tronçonnées pour faire des tabourets
 
C’est à un savant et explorateur italien du XIXe siècle, le docteur Raimondi, que l’on doit la découverte de ces plantes stupéfiantes. Avec ce qui correspondrait chez nous au cœur de l’ananas, les Indiens confectionnent depuis des siècles des tabourets et des chaises sculptés dans la masse (des poteaux avec la partie haute). Aujourd’hui, l’espèce est l’une des plus menacées de la planète. Protégées dans le parc du Huascaran, où ces photos ont été prises, les grandes puyas sont encore de nos jours braconnées par des bûcherons sans scrupules. Tant que les habitants des régions où elles poussent n’auront pas compris que de belles puyas vivantes valent mille fois plus, en matière d’argent et de tourisme, que ce que rapportent les quelques coups de hache qu’il faut pour les détruire, la menace qui pèse sur elles ne se dissipera pas. 
Sachez qu’il faut quand même plus d’un siècle de patiente croissance, dans le froid vif de ces altitudes (la puya se plaît entre 4 000 et 4 300 mètres) pour qu’une floraison ait lieu (après la fructification, la puya meurt). C’est dire si le bonheur de pouvoir observer des puyas bien vivantes est exceptionnel…

Raimondi, explorateur passionné

Un portrait de l’infatigable scientifique italien Antonio Raymondi, qui découvrit les Puyas raimondii, plantes produisant la plus grande inflorescence du monde.
Un portrait de l’infatigable scientifique italien Antonio Raymondi, qui découvrit les Puyas raimondii, plantes produisant la plus grande inflorescence du monde.
Si on ne sait que peu de choses sur la jeunesse de l’explorateur italien Antonio Raimondi (19 septembre 1826 - 27 octobre 1890), son intérêt pour la civilisation inca a toujours été très grand, ce qui orienta sa carrière vers ce pays bien loin de la botte italienne.
Il est arrivé le 28 juillet 1850 au port de Callao, à deux pas de la capitale Lima, où un médecin péruvien de renom lui ouvrit bien des portes. Dès qu’il en eut la possibilité, Raimondi partit en explorations dans les Andes, s’intéressant à tout, zoologie, botanique, coutumes, archéologie... Tout le passionnait, même la météorologie !
De la côte aux sommets andins, il était partout, étudiant les gisements de guano des îles Chincha, aussi bien que l’or et les métaux précieux des montagnes ; il traversa même les Andes pour sillonner la partie amazonienne du pays, notant tout, dessinant tout, dressant des cartes, des plans...
En 1869, il lève enfin le pied et se marie avec Adela Loli, une jeune femme originaire de la petite ville de Huaraz, au pied de la Cordillère Blanche (Huaraz est la Chamonix du Pérou). Il est vite père de trois enfants et doit calmer ses ardeurs d’explorateur vagabond pour subvenir aux besoins de sa famille (tout en continuant, comme il le peut) ses recherches, notamment, une fois revenu à Lima, à classer ses collections et ses documents. 
Le Chili envahit le Pérou en 1881 et s’empare même de Lima, Raimondi ayant beaucoup de mal à conserver ses archives que lui réclamait l’envahisseur conscient de l’intérêt de ses travaux.
Fatigué par une dure vie de labeur, Antonio Raimondi s’éteindra à l’âge de 64 ans seulement. Il est considéré comme le plus grand scientifique de la deuxième moitié du XIXe siècle au Pérou. C’est à lui que l’on doit la découverte de la Puya raimondii, baptisée ainsi du nom de son découvreur (même si, on s’en doute, les Indiens des Andes connaissaient depuis des siècles cette plante).
Pour la période 1863-1869, ses carnets de voyages sont consultables sur internet.

Où voir des puyas ?

Dans la prairie faisant face aux fleurs, une source d’eau aussi gazeuse que de la Perrier.
Dans la prairie faisant face aux fleurs, une source d’eau aussi gazeuse que de la Perrier.
La Puya raimondii est une plante très rare. On peut en observer dans la Cordillère blanche (l’objet de ce reportage) ou dans la Cordillère noire qui lui fait face, toujours au-dessus de Huaraz. Sinon, on en trouve encore dans certains secteurs préservés du lac Titicaca, près de Lampa, et dans quelques hautes vallées andines qui débouchent sur la vallée de Jauja ou du Mantaro.

Huaraz pratique

Sur cette carte du Pérou, au nord de Lima, la capitale, se trouve la ville de Huaraz, point de départ pour découvrir les puyas raimondii.
Sur cette carte du Pérou, au nord de Lima, la capitale, se trouve la ville de Huaraz, point de départ pour découvrir les puyas raimondii.
La plus belle région des Andes, pour admirer des puyas en quantité intéressante, est le parc du Huascaran, au centre du Pérou, dans une vallée superbe, appelée Callejon de Huaylas. 

Pour y aller
Depuis Lima, liaisons par bus (parfois folkloriques) entre la capitale et la ville très touristique de Huaraz, le Chamonix péruvien (partir très tôt le matin de Lima. Trajet de 6 à 12 h).

Pour y séjourner
La richesse de la région de Huaraz est telle qu’il convient de prévoir au moins dix jours pour profiter de la Cordillère blanche qui étale ses sommets de plus de 6 000 m comme un long chapelet. Sur place, plusieurs hôtels à recommander : Hôtel Mirador Andino (3 étoiles), l’hôtel El Tumi (3 étoiles). Le choix Tahiti Infos : l’hôtel Steel Guest House Huaraz, un trois étoiles moderne et confortable.

Sur place
Une infinité de trekkings s’offrent à vous. Le Callejon de Huaylas, où se situe la ville de Huaraz, offre plusieurs vallées latérales s’enfonçant entre les sommets de plus de 6 000. C’est dans une de ces vallées que vous pourrez découvrir les Puya raymondii. Vous êtes ici au paradis de l’andinisme, ne vous limitez pas aux seules puyas, si mythiques soient-elles.

Comment voir les puyas ? 
Une seule solution pour avoir pleinement le temps : louer une voiture avec chauffeur à Huaraz une journée. Lui demander de vous conduire à la Quebrada de Queshque, au pied du Nevado de Pongos (5 711m) ; puis jusqu’au glacier (5 000 m) où vivent des Indiens sur des pâturages pelés par le froid. Emportez un casse-croûte et des objets utiles pour les Indiens (des cadeaux, pas de la charité… Ils vous promèneront sur le glacier, à pied ou à cheval, dangereux sans guide).

Shopping
Les marchés de la région regorgent de trésors. Nos préférences : les petites mantillas à rayures multicolores dans lesquelles les Indiennes emballent leurs marchandises – ou leur bébé.

La rareté Tahiti Infos
Dans les Alpes, on peut parfois observer, en altitude, des edelweiss. Au-dessus de Huaraz, au bord d’un lac, au pied du Churup, vous pourrez admirer, à 4 500 m d’altitude, leur équivalent, les rarissimes “ankuch” (appelées roses blanches des Andes). Le trekking est splendide.

Rédigé par Daniel Pardon le Jeudi 23 Juillet 2020 à 20:19 | Lu 3416 fois