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Les agriculteurs de Moorea unis contre la fourmi de feu


Moorea, le 27 mai 2021 - Les agriculteurs de Paopao ont décidé de partir en guerre contre la fourmi de feu. Une décision prise juste après qu'un des leur a refusé que les compétiteurs du dernier Xterra ne passent sur son terrain après avoir traversé des terres infestées. Ils ont décidé de monter un collectif et appellent la population de l'île soeur à les rejoindre.
 
Plus d'une vingtaine d'agriculteurs de Paopao se sont réunis jeudi matin pour réfléchir ensemble à l'éradication de la fourmi de feu à Moorea. Ils ont en projet de monter un collectif en incluant toute la population de l'île sœur. “Ce n'est pas un problème qui concerne seulement les agriculteurs, mais la société”, assure Bobby Haring. Alain Nardi va plus loin : “C'est l'avenir de la Polynésie. Les fourmis, on en a partout. Et plus ça va aller, plus on en aura”. Selon lui les propriétaires terriens qui ne sont pas infestées par la fourmi de feu ne sont pas sensibilisés à cette problématique, contrairement à ceux qui ont goûté à leurs piqûres. “Heureux qui n'en a pas, mais demain vous serez servis. Car cela se propage”, lâche-t-il dépité.
 
Cette idée de collectif leur est venue après le refus d'un de leurs collègues, Paul Yuen, la semaine dernière, que les compétiteurs de la Xterra passent sur son terrain à cause de “la présence de la fourmi de feu sur les terres”. Pour Alain Nardi, cet acte manqué est “toujours utile pour nous. Car grâce à eux on se mobilise. Il faut qu'on se mobilise ensemble”. Bobby Haring considère qu'un collectif est le socle pour se faire entendre. “C'est une colonne. Il pourrait être très influent”. Il tâcle en passant le Service de l'agriculture : “ces personnes-là ont un salaire, ce n'est pas pareil. Et ils sont soumis à des supérieurs qui ne voudraient rien entendre, mais le peuple a une voix beaucoup plus forte”. Il annonce même : “le prochain Xterra va être difficile”. Alain Nardi explique d'ailleurs qu'il organisait lui-même des Raids à Moorea. “Mais aujourd'hui, avec la fourmi de feu, la donne a changé. Donc pour tout événement on est obligé de faire attention, on n'est pas tout seul. Tout le monde est concerné”

“On ne va faire que de l'importé”

Paul Yuen, qui détient plus de 14 hectares de plantations, assure que leur combat n'est pas politique mais qu'il s'agit simplement de protéger les terres et d'éradiquer la fourmi de feu. Pour autant, il considère que le gouvernement a pris ce problème “vraiment à la légère” et craint que demain il ne puisse plus livrer ses fruits à Tahiti. “La peur que j'ai, c'est qu'on nous interdise d'amener nos fruits sur Papeete. Et qu'est ce qu'on va faire ? On va demander des aides ? Nous on veut travailler, on n'est pas des assistés”. Il assure que si le gouvernement laisse la fourmi de feu se propager, “il n'y aura plus de fruits, plus de tourisme, plus de maa tahiti”. Le risque ? “On ne va faire que de l'importé”.
 
Pour compléter les propos de Paul Yuen, Alain Nardi affirme qu'au niveau de certains arbres fruitiers, ou agrumes, il y a eu une baisse de la production car les fourmis s'attaquent aux fleurs, au nectar, et même aux jeunes pousses. Tout ce qui a un goût sucré. “C'est réellement une problématique importante. Si personne ne fait quoi que ce soit, demain il ne faudra pas pleurer. On va importer tous les fruits de l'étranger. Il faut qu'on se réveille”.
 
Coco Teraiharoa, spécialisé dans la culture d'ananas, est tout aussi inquiet que ses collègues. Il assure que pour l'instant ses plantations ne sont pas touchées. Mais pour prévenir une éventuelle infestation, il va traiter autour de ces dernières pour éviter de “vendre (les ananas) avec la fourmi de feu dedans”. Autre problème, les produits pesticides coûtent cher et pourraient avoir une répercussion sur le prix des ananas. “Si on n'a pas d'aide, on va disparaitre. Aujourd'hui on n'est même pas une trentaine et avec ce fléau tout le monde va disparaître, donc il faut se lever très tôt et attaquer ce problème-là”

“C'est aussi grave que le Covid”

La fourmi de feu est “aussi grave que le Covid”, estime Alain Nardi. Selon lui, avec le port du masque ou la vaccination, la situation épidémique actuelle “va passer”. Alors que la fourmi de feu “c'est un combat de société. Cette minuscule bête nous détruit”. Pour ces agriculteurs, il est donc urgent que le gouvernement, la commune et la population réagissent face à ce fléau. Ils en appellent à la responsabilité de chacun. Ce fléau “touche tous les corps de métier, même les jardiniers”, affirme un autre agriculteur présent jeudi à Paopao. “Chez moi, aucune plante ne sort, donc c'est à nous propriétaires d'être honnêtes. Il ne faut plus avoir honte. Il faut dire ‘moi, mes pehu restent à la maison, je ne les envoie pas dehors car je suis conscient’”.
 
Léon Mai-Harehoe assure avoir signalé la présence de la fourmi de feu à Opunohu et à Vaiare à la Direction de l'environnement il y a plusieurs années. Suite à cela, une réunion avait été organisée avec la Direction de l'agriculture et la commune. Un épandage avait été organisé à Vaiare pour éradiquer la fourmi de feu. Ce qui a réduit fortement sa présence. Mais Léon regrette qu'il n'y ait pas eu de continuité dans ce travail : “deux ans plus tard on s'est encore réuni, on nous a dit qu'après l'épandage il ne restait plus qu'une petite zone infestée. Je me suis fâché car deux ans après, ces fourmis ont proliféré, on a perdu notre temps”. Il explique que l'infestation par la fourmi de feu est de 10 mètres par mois


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Jeudi 27 Mai 2021 à 23:19 | Lu 1593 fois