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Le « groupe de contact » du Forum se réunit sur fond d’instabilité politique mélanésienne


Le « groupe de contact » du Forum se réunit sur fond d’instabilité politique mélanésienne
PORT-VILA, lundi 14 février 2011 (Flash d'Océanie) – Le « groupe ministériel de contact » du Forum des iles du Pacifique devait se réunir lundi dans la capitale vanuatuane Port-Vila, afin de reprendre le dialogue avec un Fidji post-putsch, alors que les gouvernements de deux autres États mélanésiens, dont le pays hôte, se trouvent aussi ces derniers sérieusement déstabilisés.
La réunion de lundi, à Port-Vila, est censée relancer un processus d’ « engagement » du Forum et de ses seize États membres qui, en mai 2009, ont suspendu Fidji de son statut de membre plein, pour cause de non retour rapide à la démocratie après le putsch du 5 décembre 2006.
Ce groupe ministériel qui comprend les représentants des gouvernements d’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, de Samoa et de Tuvalu, est ensuite censé rendre un rapport chargé de recommandations aux dirigeants océaniens, qui se réuniront du 6 au 9 septembre 2011 année à Auckland à l’occasion du sommet du FIP, dans la foulée de la Coupe du Monde IRB de rugby, qui aura également lieu en Nouvelle-Zélande.
Le FIP, dans son ensemble, inclut les seize États suivants : Australie, îles Cook, États Fédérés de Micronésie, Fidji, Kiribati, îles Marshall, Nauru, Niue, Nouvelle-Zélande, Palau, Papouasie-Nouvelle-Guinée, îles Salomon, Samoa, Tonga, Tuvalu et Vanuatu.
Lors de cette réunion de la Saint Valentin, le ministre fidjien des affaires étrangères, Ratu Inoke Kubuabola, a été officiellement invité.
Hormis la question dominante du retour de Fidji à la démocratie (le régime du Contre-amiral Premier ministre Franck Bainimarama annonce depuis juillet 2009 des élections pour septembre 2014), d’autres questions connexes, liées au statut actuel de Fidji au sein du FIP, devraient aussi être abordées, comme les négociations en cours dans le cadre d’un accord régional de libre-échange incluant l’Australie et la Nouvelle-Zélande, le PACER [Pacific Agreement on Closer Economic Relations].
Cette réunion de Port-Vila, qui devrait être hébergée dans la salle de conférence de la banque centrale de Vanuatu, sur les hauteurs de la ville, devrait être présidée par le Premier ministre Sato Kilman, en tant que chef de gouvernement du pays assurant actuellement la Présidence tournante du FIP.
Les tensions ont été palpables entre Fidji et le Forum depuis la dernière réunion de ce groupe de contact, fin mai 2010, à Auckland.
À plusieurs reprises, le Contre-amiral Premier ministre Franck Bainimarama a ouvertement accusé l’Australie et la Nouvelle-Zélande d’influencer les décisions du FIP et, a fortiori, de son groupe ministériel de contact depuis sa formation après le coup d’État fidjien.
Le groupe est composé du secrétaire d’État australien chargé des îles du Pacifique, Richard Marles, du ministre des affaires étrangères de la Nouvelle-Zélande, Murray McCully, de son homologue papoue Don Polye, du chef de la diplomatie tuvaluane Apisai Ielemia et du ministre des travaux publics de Samoa, Tuisugaletaua Sofara Aveau, précisait dimanche le Forum dans un communiqué en mode lever de rideau.

Remous à Vanuatu

Mais dans le pays hôte, depuis ce week-end, le paysage politique semble entamer une nouvelle phase d’instabilité, avec l’annonce par l’ancien Premier ministre et jusqu’ici partenaire de coalition au sein gouvernement de M. Kilman, le francophone Serge Vohor, du retrait de son Union des Partis Modérés (UPM) de l’exécutif.
Motif : des promesses faites en décembre 2010, lors d’un renversement-surprise du précédent Premier ministre Edward Natapei, concernant une augmentation de la représentation de l’UPM, n’auraient pas été tenues.
Résultat : M. Vohor a fait savoir que les trois ministres UPM étaient démissionnaires et qu’ne nouvelle motion de censure à l’encontre de M. Kilman, signée par une opposition qui affiche désormais vingt neuf députés sur cinquante deux) était déjà dans les tuyaux, rapporte la presse locale.
Les trois portefeuilles concernés sont ceux détenus jusqu’ici par M. Vohor (équipement et infrastructure), son bras droit Charlot Salwai (éducation) et Marcelino Pipite (agriculture).
Aux îles Salomon, le paysage politique est aussi marqué, ces dernières semaines, par un vent de fronde au sein du gouvernement dirigé depuis les élections d’août 2010 par le Premier ministre Danny Philip.
Ce dernier a ainsi vu cinq de ses ministres rejoindre l’opposition.
M. Philip, via son porte-parole la semaine dernière, n’hésitait pas à accuser l’Australie d’avoir soutenu financièrement les députés ayant ainsi changé de camp.
Le gouvernement de Canberra a depuis formellement démenti ces allégations.
Une façade acceptable pour les deux parties semblait avoir été trouvée à l’issue d’une rencontre entre le gouvernement salomonais et le Haut-commissaire (ambassadeur) australien à Honiara, Frank Ingruber.

La hache de guerre enterrée ?

Ce week-end, le quotidien Solomon Star citait une source gouvernementale qui affirmait que désormais, les deux gouvernements s’étaient accordés sur une position médiane qui stigmatise l’un des plus volubiles députés de l’opposition, Matthew Wale.
Ce dernier avait affirmé haut et fort, ces dernières semaines, disposer du soutien de l’Australie.
Cette attitude, selon le gouvernement, équivaudrait à un usage « non autorisé » du nom de l’Australie qui, faute de mieux, pourrait être interprété comme état la source de tensions entre Canberra et Honiara.
Ce week-end, M. Philip a affirmé avoir rencontré le Président du Parlement afin de tenter de trouver une solution à ce qui semble devenir une crise politique majeure.

Le récent soutien tongien

La semaine dernière, l’annonce de cette réunion avait d’abord été faite par le ministre néo-zélandais des affaires étrangères.
La veille, mercredi 9 février 2011, le nouveau Premier ministre tongien Lord Tu'ivakano, arrivé au pouvoir à l’issue des élections de novembre 2010 dans ce royaume du Pacifique, a plaidé en faveur d’un assouplissement de la position dure de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande vis-à-vis du régime mis en place à Fidji à la suite du putsch de décembre 2006, insistant sur le fait que cette politique du bâton n’avait jusqu’ici eu pour effet que de précipiter le régime du Contre-amiral Franck Bainimarama dans les bras de la Chine.
Lord Tu'ivakano, dont l’élection résulte du scrutin le plus démocratiquement représentatif de l’histoire de ce royaume, dans le cadre de réformes initiées ces quatre dernières années, a argumenté son propos en rappelant que les populations insulaires d’Océanie « si on les embête, en général, font l’inverse de ce que vous voulez ».
Le nouveau chef de l’exécutif tongien, tout en se déclarant en faveur d’un retour de la démocratie à Fidji (annoncé par le régime du Contre-amiral pour septembre 2014, mais pas avant que des réformes constitutionnelles et institutionnelles aient été mises en place), s’est déclaré « préoccupé » par la posture adoptée et les méthodes employées ces dernières années par les deux grands voisins de la région : l’Australie et la Nouvelle-Zélande, principalement à coup de sanctions et d »’interdiction de visas pour toute personne participant au régime actuel, ou tout membre de son entourage direct.
Lord Tu'ivakano a préconisé une approche plus « souple », plus « douce », basée sur le dialogue et qui, selon lui, se révélerait plus fructueuse.
Il a aussi mis en avant que dans le cas de Tonga, les réformes démocratiques ont pu se dérouler sur la durée et que le régime fidjien devait aussi pouvoir disposer du temps qu’il estime nécessaire pour mener à bien un ambitieux programme de réformes constitutionnelles et institutionnelles, voire sociétales.
Depuis le putsch du 5 décembre 2006, Fidji a été suspendu de son statut de membre plein du Forum des Îles du Pacifique (FIP), le 1er mai 2009.
Cinq mois plus tard, le Commonwealth adoptait une posture similaire, toujours sous l’impulsion de Canberra et de Wellington, au motif d’un non-retour rapide à la démocratie, par voie d’élections.
Entre-temps, les relations avec la Chine ont connu une embellie sans précédent.
« Tout ce qu’ils arriveront à faire, s’ils continuent, c’est de précipiter Fidji dans les bras de la Chine », a estimé cette semaine Lord Tu'ivakano.
Fidji a aussi depuis multiplié les contacts avec de nombreux pays considérés comme émergent, dans le cadre d’une politique de diversification de ses relations basée sur le principe du « Look North » (regarder vers le Nord, et d’abord vers l’Asie, du point de vue de ce pays du Pacifique Sud).
Parmi ces pays : Cuba, la Malaisie, les Émirats Arabes Unis, la Russie, le Mexique, entre autres.
Depuis le dernier trimestre 2010, les États-Unis ont clairement annoncé une nouvelle volonté d’engagement et de « dialogue » avec Suva, laissant aussi entendre au passage que la politique dure s’était même parfois révélée « contre-productive » au regard des ouvertures nouvelles avec la Chine et de son influence grandissante dans toute la région du Pacifique insulaire.
Dans la région proche, après une période de vives tensions avec le précédent gouvernement de Vanuatu en raison du refus du Premier ministre d’alors, Edward Natapei, de passer le relais de la Présidence tournante du Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL, qui comprend Fidji, Vanuatu, les îles Salomon, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le mouvement indépendantiste FLNKS de Nouvelle-Calédonie), Fidji a annoncé pur dans quelques semaines la tenue sur son sol du prochain sommet de ces dirigeants de ce groupement subrégional, qui rassemble aussi une large majorité de la population de toute l’Océanie insulaire.

Fidji bientôt officiellement membre des non-alignés

Par ailleurs, la demande de Fidji de rejoindre le mouvement des pays non-alignés serait sur le point d’aboutir d’ici quelque semaines et pourrait être officiellement annoncée lors de la prochaine grande réunion de ce mouvement, fin mai 2011, en Indonésie, a annoncé début janvier 2011 le ministre fidjien des affaires étrangères, Ratu Inoke Kubuabola.
Selon ce dernier, l’acceptation de Fidji en tant que 119ème membre de ce mouvement serait déjà acquise, sur le principe, et aurait été signifiée à Fidji par la diplomatie égyptienne, et sa représentation à l’ONU à New York, en milieu de semaine.
C’est à New York que s’est en effet tenu le dernier bureau de coordination du mouvement, sous la présidence actuelle de l’Égypte.

Le Contre-amiral Bainimarama veut bousculer les alliances traditionnelles

C’est toujours à New York, il y a quelques mois, le 27 septembre 2010, que le Contre-amiral Franck Bainimarama, qui dirige depuis janvier 2007 un gouvernement issu de son putsch du 5 décembre 2006, intervenait à la tribune de l’assemblée générale des Nations-Unies, où il a prononcé un plaidoyer en faveur des nouvelles alliances de son pays avec d’autres pays que ses partenaires jusqu’ici traditionnels.
Lors de cette intervention à la 65ème session de l’assemblée générale de l’ONU, l’homme fort de Suva, qui prévoit des élections législatives, mais pas avant septembre 2014 et des réformes institutionnelles et constitutionnelles qu’il juge indispensables, a consacré une longue portion de son discours à une explication de la réorientation des alliances fidjiennes en faveur en premier lieu de la Chine, mais aussi d’un certain nombre de pays asiatiques et orientaux.
En soulignant une volonté de parvenir à terme à un système démocratique « plus juste », M. Bainimarama a rappelé sa récente annonce d’intention de se joindre au mouvement des pays non-alignés et de conclure de nouvelles alliances avec de nouveaux États, « en-dehors des alignements politiques prédéterminés ».
« Et nous ne pouvons tout simplement pas atteindre ces objectifs ni voir la mise en œuvre de ces nobles principe si nous retombons dans des sphères politiques d’influences prédéfinies », a-t-il ajouté.
« Ce changement significatif dans notre politique étrangère préfigure la mondialisation et la maturité de Fidji. Il fait la preuve de l’intention de Fidji de devenir un citoyen mondial bon et impliqué », a-t-il déclaré, tout en rappelant le rôle joué par son pays au sein des forces de maintien de la paix de l’ONU, actuellement en Irak, au Soudan, au Libéria, au Darfour et au Timor oriental.
« Comme je l’ai indiqué (en 2009) lors de mon discours à la même tribune, Fidji et son peuple, à travers notre Cadre stratégique pour le Changement, ont pris le chemin de réformes structurelles en vue de moderniser et de libéraliser notre économie en conformité avec notre environnement mondial actuel », a-t-il ajouté en liant cette problématique à la réorganisation des alliances de cet archipel.
« Dans le cadre de cet agenda, le gouvernement de Fidji a refondu sa politique étrangère. Notre nouvelle politique étrangère découle de la base philosophique que tout en déterminant notre propre destinée en tant qu’État souverain, nous devons travailler en collaboration avec tous les États membres (de l’ONU) afin d’atteindre une paix mondiale durable, une justice substantive, la dignité et le respect pour tous », a-t-il enchéri en prônant l’ « ouverture d’esprit » et en s’opposant à a notion de « vote en bloc ».
Il a notamment illustré son propos par la tenue récente, en juin 2010, d’un premier sommet à Abu Dhabi entre les dirigeants des petits États insulaires du Pacifique et les Émirats Arabes Unis.

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Rédigé par PaD le Dimanche 13 Février 2011 à 17:50 | Lu 1085 fois