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Le désherbant Roundup jugé cancérigène par un jury américain, Bayer décroche en Bourse


Francfort, Allemagne | AFP | mercredi 20/03/2019 - L'allemand Bayer dégringolait en Bourse mercredi après qu'un jury américain a estimé que le désherbant Roundup de Monsanto a contribué au cancer d'un septuagénaire, un nouveau revers judiciaire pour le groupe déjà lourdement condamné l'an passé dans une procédure comparable.

A l'issue de la première phase d'un procès ouvert le 25 février à San Francisco, les jurés ont estimé mardi que le retraité Edwin Harderman avait su démontrer que le Roundup était "un facteur substantiel" de son cancer.
Le géant de la chimie et de la pharmacie, dont le titre lâchait 13,1% à 60,5 euros vers 10H15 GMT à la Bourse de Francfort, s'est dit "déçu" de cette nouvelle décision défavorable, tout en maintenant que "la science confirme que les désherbants au glyphosate ne causent pas le cancer".
Bayer a repris à son compte la défense de Monsanto depuis qu'il a réalisé en juin 2018 le plus grand pari de son histoire en rachetant le spécialiste américain des produits phytosanitaires et des semences OGM pour 63 milliards de dollars (54 milliards d'euros), misant sur le rôle croissant de la chimie pour nourrir la planète.
Mais l'inventeur allemand de l'aspirine a hérité du même coup d'une avalanche de procédures judiciaires, et faisait face fin février à quelque 11.200 requêtes aux seuls Etats-Unis, portant sur la toxicité de l'herbicide au glyphosate pour ses utilisateurs.
Ces procédures judiciaires pourraient coûter très cher au groupe en indemnités et frais de justice. "Quand vous commencez à additionner les chiffres, ce n'est pas joli du tout", observe auprès de l'AFP Chris Beauchamp, analyste de la société de courtage IG.
 

- Deux étapes -

 
Au procès en cours à San Francisco, les débats ont été organisés en deux phases à la demande de Bayer: l'une "scientifique" consacrée à la responsabilité du Roundup dans la maladie, et une deuxième devant aborder une éventuelle responsabilité du groupe.
"Nous sommes confiants sur le fait que (la phase 2) démontrera que Monsanto s'est comporté de façon adéquate et que l'entreprise ne doit pas être considérée comme responsable" du lymphome non-hodgkinien (LNH) de M. Hardeman, qui a attaqué le géant agrochimique en 2016, affirme Bayer dans son communiqué.
La deuxième phase du procès -- le premier au niveau fédéral -- commencera mercredi et devra cette fois répondre aux questions suivantes: Monsanto connaissait-il les risques ? Les a-t-il cachés ? Si oui, quels sont les dommages et intérêts qu'il doit payer ?
Le groupe avait été condamné l’été dernier à verser 289 millions de dollars à Dewayne "Lee" Johnson, père de deux petits garçons et atteint d'un LNH en phase terminale, estimant non seulement que le Roundup en était la cause mais que Monsanto avait agi avec malveillance en dissimulant les risques de ses produits au glyphosate.
Cette somme avait ensuite été réduite à 78,5 millions de dollars par une juge tandis que Bayer a parallèlement fait appel du fond du verdict.
 

- Bataille d'études -

 
Le procès Hardeman, qui pourrait durer encore environ deux semaines, est en outre ce qu'on appelle en droit américain un "procès test" pour des centaines d'autres similaires. Son issue doit servir de baromètre pour les procès regroupés avec lui.
Concrètement, il permet aux différentes parties de déterminer s'il vaut mieux signer un accord amiable hors tribunaux pour solder les poursuites, comme cela se fait souvent aux Etats-Unis.
Le retraité, qui vit au nord de San Francisco, avait expliqué à la barre avoir vaporisé du Roundup pendant plus de 25 ans pour éliminer de sa propriété une plante très urticante, le sumac vénéneux. Et "pas mal de fois", le désherbant s'est retrouvé en contact avec sa peau, avait-il ajouté.
Pendant la première phase du procès, les deux parties se sont opposées à coups d'études scientifiques complexes et d'experts passant parfois des heures à la barre. 
Pour l'essentiel, accusation comme défense se sont accusées mutuellement de présenter des études biaisées, incomplètes et non significatives.
Contrairement à l'agence fédérale américaine de protection de l'environnement (EPA), le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé depuis 2015 le glyphosate comme "cancérigène probable", mais pas les agences européennes Efsa (sécurité des aliments) et Echa (produits chimiques).

le Mercredi 20 Mars 2019 à 06:16 | Lu 690 fois