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"Le Tapura n'a pas compris le message des législatives"


Tahiti, le 22 mars 2023 - Incisif contre le Tapura, Teva Rohfritsch défend son projet et le "renouvellement" porté par sa liste pour les prochaines territoriales, estimant qu'il faut en finir avec les vieilles pratiques politiques de la majorité sortante.
 
On a l’impression que Ia Ora te Nuna’a concentre beaucoup de ses critiques sur le Tapura. Est-ce que c'est une stratégie électorale ?

“Absolument pas. Nous proposons beaucoup de choses nouvelles qui n’ont pas été imaginées au Tapura. Par contre, nous sommes beaucoup critiqués par le Tapura dans tous ses meetings, à chaque intervention publique… Mais nous ne sommes pas du tout concentrés sur le Tapura. On est concentré sur les électeurs. Et je peux vous dire que depuis deux mois, on fait tous du porte-à-porte dans plusieurs communes. Et pour ma part, je n’ai pas eu une seule personne qui m’a dit : ‘Teva tu as mal fait de quitter le Tapura’. Les gens veulent comprendre et une fois qu’on leur a expliqué, ils nous disent qu’il faut du changement. Je crois que le Tapura malheureusement, et c’est toute la discussion qu’on a eue avant de partir, n’a pas compris le message des Polynésiens aux législatives, n’a pas compris le ras-le-bol des Polynésiens après cette crise éprouvante du Covid. Il n’a pas compris qu’il fallait changer la manière de faire la politique et changer la politique. C’est en ce sens peut-être que la comparaison est faite. Mais nous, ce que nous souhaitons maintenant, c’est parler de notre programme. Vous avez vu qu’il est riche. Je n’ai pas pu tout développer encore. Et j’espère marquer la différence par ce biais-là. En tout cas, nous sommes au contact de la population dans les quartiers. Notre approche politique est de faire du porte-à-porte, au contact et pas en meetings de type Las Vegas. Au contact, c'est-à-dire en toute simplicité et humilité.”
 
Une critique vous colle à la peau depuis quelques semaines, c'est votre soutien à la réforme nationale des retraites. Aujourd'hui vous annoncez votre volonté, en Polynésie française, de faire cette fameuse réforme du “et/ou” qui va venir alléger les conditions de départ en retraite. C'est un contre-pied ?

“Non, pas uniquement. Je ne suis pas Président de la République. J’appartiens à une majorité et je suis loyal. Effectivement, nous avons entendu les discussions qui ont eu lieu. Macron a été élu président. J’ai fait campagne pour lui avec ça au programme. Je concrétise ce qu’il y avait au programme. Je ne suis pas du genre, comme certains d’ailleurs du Tapura, à dire 'votez Macron' et on n’est pas avec Macron. Les Polynésiens ont besoin de gens qui soient droits dans leurs bottes et qui soient en toute logique avec ceux pour qui ils ont appelé à voter. Après cela ne veut pas dire que je vais appliquer ici en Polynésie les mêmes recettes qu’Emmanuel Macron. J’ai aussi voté à l’époque avec Édouard Fritch la retraite à 62 ans et les 38 ans de cotisations, ce qui nous a valu des portes cassées à l’assemblée et le mécontentement populaire. Mais je n’étais pas Édouard Fritch qui était président. Aujourd’hui, je suis candidat pour être président avec mon équipe. Et si je suis président, on mettra un “ou” là où les autres ont mis un “et”, car il est important que chacun puisse disposer, lorsqu’il a fait sa carrière complète, de son droit à la retraite. Et ça, on le fera en Polynésie. En métropole, j’ai un autre combat. C’est l’ITR, que j’ai commencé à mener parce qu'à 62 ou 64 ans, le sujet c’est le taux de remplacement pour les retraites de nos fonctionnaires, qui vont gagner moins que le Smig alors qu’ils ont servi l’État en Polynésie pendant toute leur carrière. Donc le débat pour moi, ce n’était pas 62/64 ans, car je en peux pas le changer. Par contre, je vais me battre jusqu’au bout pour que nous ayons une retraite digne de ce nom pour nos fonctionnaires qui auront eu des surprimes en Polynésie du fait du coût de la vie. On a l’impression que ces surprimes disparaissent quand ils arrivent à la retraite. C’est justement là qu’il faut continuer d’aider les fonctionnaires qui ont servi et qui, à 62 ou 64 ans, ont besoin de gagner encore pleinement leur vie. Parce que bien souvent, il y a encore des enfants qui font des études, il y a des prêts à payer, etc. Donc, il y a un faux procès qui est mené contre moi sur cette question de l’âge. J’ai 48 ans et d'autres se présentent à la présidence et ont 72 ans. Donc vous voyez, ils sont encore dans la force de l’âge… Bon, je ne veux pas railler là-dessus, je veux simplement dire que je n'étais pas Président de la République et que je n’étais pas président de la Polynésie lors des deux dernières réformes que j’ai dû voter. Mais la prochaine, si je suis élu, c’est moi qui la mènerais. Et ce sera 62 ans “ou” 38 ans de cotisation.”
 
Cette réforme des retraites coûtera cher. Vous proposez également la suppression de la TVA sociale, une baisse des taxes, des contrats aidés… Ça coûte beaucoup d'argent. Comment allez-vous financer tout ce que vous annoncez ?
 
“D'abord, le Pays n’est pas là pour thésauriser. 21 milliards en deux ans, hors recette de la TVA sociale, c’est énorme ! Ces 21 milliards doivent être réemployés pour financer les dispositifs que je viens d’évoquer. Sur les emplois aidés, je prends la somme qui a été mis en place pour les CAE et qui est utilisé aujourd’hui à fonds perdus. Et c'est cette quote-part qui va financer nos 60% pour les entreprises. À l’inverse, on va réunir les entreprises pour leur dire qu'il faut qu’on participe tous à l’effort de réinsertion, de formation. Vous aurez demain une main d’œuvre qui vous coûtera 40% et cela peut être intéressant. Par contre, un jour par semaine on vous les prend et on vous les met en formation. Mais vous, vous assurez la paie de cette main-d’œuvre, parce que nous on fera les virements à l’entreprise qui paiera la main d’œuvre. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises ne veulent pas prendre de CAE, car on leur dit que c’est pas nous les patrons, c’est le Pays qui paie et ils nous le disent. Demain, il faut aussi que ces jeunes ou moins jeunes réapprennent le savoir-faire et la savoir-être en entreprises. Il y a un patron et c’est le chef d’entreprise. Par contre, il aura une obligation, c’est de les libérer et de déterminer un parcours de progrès pour le jeune –ou moins jeune– qui sera sous cette formule-là. On entre dans l’entreprise avec un niveau d’insertion qui sera autre, mais on va en sortir avec une qualification et, si possible, une embauche.”
 
Sans nécessairement anticiper sur votre présence, ou non, au second tour des territoriales. Vous appeliez il y a quelques mois à l'union des autonomistes, est-ce que ce sera toujours le cas au second tour si une liste indépendantiste fait face à une liste autonomiste ?

“Franchement, je pense être le premier à avoir appelé à l'union autonomiste de tous mes vœux. Nous avons demandé à voir tout le monde avant le premier tour. Entre les deux tours, il y a 48 heures. Comment voulez-vous modifier une liste en 48 heures ? Qui allez-vous enlever ? À qui je vais demander sur ma liste de partir ? Non, nous avions dit qu'il fallait s'unir avant le premier tour parce que c'est ça qui donne du sens. Maintenant, entre les deux tours, nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout. Il faut qu'il y ait une autre autonomie qui soit présente à l'assemblée. Je suis convaincu que certains sont sur les vieilles recettes et qu'ils pensent qu’elles vont continuer à les amener à l'assemblée. Parce qu'ils estiment que finalement, les Polynésiens se sont trompés aux législatives et qu'ils vont revoter pour eux parce qu'aujourd'hui il pleut de l'argent public partout. Il pleut de l'argent public dans toute la Polynésie. Les quais des Tuamotu et des Marquises sont encombrés de kits, de bons en matériaux de l'OPH. Il y a des gens qui n'avaient plus de nouvelles de leurs demandes depuis deux ans et qui ont reçu leurs bons en matériels… Ça suffit. Nous, on dit à tous ceux qui reçoivent ces bons : prenez-les parce que c'est votre argent. Ce sont vos impôts. Mais par contre, il faut changer de politique. (…)”
 
On a l'impression que cette critique du clientélisme n'est portée que par les candidats dans l'opposition. Vous avez été dans la majorité, pourquoi ce système n'a pas changé après votre passage aux affaires ?

“Parce que moi, je ne le fais pas. Je vous ramènerai juste aux sénatoriales. J'ai démissionné un mois avant de mon poste de vice-président de la Polynésie française pour me présenter aux sénatoriales. Quand bien même j'étais du parti majoritaire, je ne voulais pas qu'on m'accuse d'utiliser les moyens de la vice-présidence pour pouvoir me faire élire. Et je crois que tout le monde devrait en faire autant.”
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau le Mercredi 22 Mars 2023 à 20:20 | Lu 1968 fois