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Le Medef boude aussi le 1er Mai et pointe “une perte de confiance des entreprises”


Le président du Medef, Steeve Hamblin, n’a pas été tendre avec le gouvernement ce mercredi matin lors du séminaire organisé par la Fedom au Hilton sur les besoins de financement des entreprises.
Le président du Medef, Steeve Hamblin, n’a pas été tendre avec le gouvernement ce mercredi matin lors du séminaire organisé par la Fedom au Hilton sur les besoins de financement des entreprises.
Tahiti, le 30 avril 2025 – À l'occasion du séminaire organisé par la Fedom sur les besoins de financement des entreprises, le président du Medef Polynésie s'est à nouveau posé en lanceur d'alerte dans un contexte international tendu. Malgré des voyants économiques au vert, les entrepreneurs se sentent “attaqués” par la dizaine de mesures “anti-entreprises” du gouvernement, ce qui vient entamer leur confiance. Comme la CPME, le Medef lui aussi boudera le 1er-Mai à la présidence, ce que déplore le ministre Warren Dexter qui essaie justement de regagner cette confiance. 
 
Le président de la Fédération des entreprises d’Outre-mer (Fedom), Hervé Mariton, l’a déclaré d’emblée ce mercredi matin au Hilton à l’ouverture du séminaire organisé avec le Medef et la CCISM sur les besoins de financement ultramarins. Contrairement aux autres territoires d’Outre-mer, la Polynésie française arrive à tirer son épingle du jeu avec une économie qui se porte bien, une inflation en baisse, une trajectoire de désendettement enclenchée, et un marché de l’emploi dynamique avec des créations d’entreprises. Des voyants au vert certes, mais qui ne doivent pas pour autant masquer la réalité des contraintes auxquelles sont soumises les entreprises polynésiennes. D’autant que le début d’année 2025 est plutôt en “demi-teinte” avec une fréquentation touristique en baisse. Ces entreprises ont donc besoin de “visibilité et de lisibilité”, tant au niveau du calendrier que des dispositifs fiscaux à leur disposition. Car il y a encore des “marges de progrès” à accomplir dans la mobilisation des financements par les entreprises.
 
Les TPE et PME sont “l’épine dorsale de notre économie”
 
Ce problème d’accès au financement est justement “au cœur des préoccupations de nos entreprises et nos patentés”, a souligné Julien Torregrossa de la CCISM qui rappelle les “contraintes structurelles lourdes” qui pèsent sur les entreprises locales comme l’éloignement, la sous-capitalisation, l’étroitesse du marché ou encore l’éclatement de nos îles. Et ce sont souvent les petites entreprises qui en font les frais alors qu’elles sont “l’épine dorsale de notre économie”, dixit Steeve Hamblin, le président du Medef. Or, comme il l’a rappelé, sur les “37 423 entreprises, plus de 93% ont moins de 20 salariés”, tandis que seulement “0,2%” en comptent plus de 100. Pouvoir accompagner ces TPE et PME en fluidifiant les démarches administratives pour notamment débloquer les dossiers de défiscalisation est donc un enjeu important sur le plan local.
 
Malgré ces voyants au vert, on sent une inquiétude grandissante du côté des entrepreneurs comme le président du Medef s’en est fait l’écho ce mercredi matin. Et c’est sans langue de bois qu’il s’en est pris au gouvernement en pointant du doigt une dizaine de mesures prises depuis le début de sa mandature : “Une loi fiscale retoquée deux fois, la baisse du soutien à la défisc’ pour la rénovation des hôtels, la loi plastique, la réforme du RNS (régime des non-salariés), un projet en cours de ticket-restaurant qui va coûter 4 milliards au minimum par an à chaque entreprise, la réforme des PPN quand on sait qu'elle a provoqué la fin d'activité d'une dizaine de petits commerces qui sont le garde-manger des Polynésiens, ou encore la fin de bail annoncée pour une grande majorité des amodiataires à Fare Ute (…) Dix  mesures qui ont stressé les entrepreneurs au cours des seize derniers mois”.
 
“On a subi que des attaques, sous couvert de concertation”
 
S’il concède avoir aujourd’hui pour interlocuteur un ministre de l’Économie au “profil libéral avec qui on travaille”, il soutient néanmoins que les entreprises “ont le sentiment d’être attaquées”, faisant notamment référence au colloque sur la vie chère organisé par Antony Géros à Tarahoi. Autant d’éléments qui ont conduit la CPME de Christophe Plée à boycotter le rendez-vous annuel du 1er-Mai à la présidence ce jeudi. Et le Medef qui compte 24 organisations patronales, dont notamment la FGC ou le Sipof, a décidé de lui emboîter le pas en déclinant également l’invitation du président du Pays.
 
Ce que regrette justement Warren Dexter qui estime au contraire que ce rendez-vous était la parfaite occasion pour formuler ce genre de critiques. “En mai 2024, nous avions déjà sensibilisé le Pays sur la situation qu'on voyait arriver. C'était il y a douze mois et depuis, on a subi que des attaques, sous couvert de concertation. Les entrepreneurs sont fatigués et voient arriver des risques importants, donc on a le sentiment qu'on ne peut se débrouiller que tout seul”, se défend Steeve Hamblin qui ne veut pas revivre la crise des subprimes de 2008 et qui a insisté encore une fois sur les risques de récession aux États-Unis évalués à “72%” selon les toutes dernières statistiques Ipsos. “La Polynésie a très vite plongé et j'ai rappelé que le PIB polynésien par habitant a perdu 100 000 à 200 000 francs par an au cours des quinze dernières années. Donc la Polynésie a mis dix ans au final à s'en remettre et c'est pourquoi on aurait souhaité préparer ce qui se profile à l'horizon.”
 
"Je fais vraiment tout pour mettre les chefs d'entreprise en confiance"

Un discours “alarmiste” qu’entend mais que déplore le ministre de l’Économie qui œuvre à restaurer la confiance des chefs d’entreprise du Fenua mise à mal par son prédécesseur Tevaiti Pomare. “Il y a des dossiers où j’ai tout fait quand je suis arrivé pour essayer d’éteindre les feux : le dossier des amodiations, on a trouvé un terrain d’entente avec le ministre (Jordy Chan) pour repousser les échéances à 2030 : la loi plastique, je ne peux pas faire grand-chose à partir du moment où le Cesec, avec le collège des entreprises, a soutenu le texte, c’est quand même un comble ! Après, sur la réforme du RNS, j’ai indiqué que si on arrivait à des taux de prélèvement obligatoire trop importants sur les revenus des chefs d’entreprise, j’abaisserais ma fiscalité… Je fais vraiment tout pour mettre les chefs d’entreprise en confiance. C’est ma stratégie depuis le début.”
 
Car la confiance est le principal moteur de la croissance économique et il ne faudrait pas que la machine se grippe. Le président du Pays Moetai Brotherson va devoir mettre de l’huile dans un contexte où les organisations patronales sont excédées d’être accusées de tous les maux. 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 30 Avril 2025 à 15:09 | Lu 2391 fois