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La relance du nucléaire votée à l'Assemblée, sans la réforme de la sûreté


Crédit Sameer Al-DOUMY / AFP
Crédit Sameer Al-DOUMY / AFP
Paris, France | AFP | mardi 21/03/2023 - Avec le soutien de LR, du RN et de communistes, l'Assemblée nationale a largement adopté mardi en première lecture le projet de loi de relance du nucléaire, amputé de la réforme controversée de la sûreté.

Ce vote, par 402 voix contre 130, offre une brève respiration au gouvernement, secoué par la contestation contre la réforme des retraites. Celle-ci a été adoptée au forceps lundi après le rejet d'une motion de censure à neuf voix près.

En s'opposant au nucléaire, la cheffe du groupe écologiste Cyrielle Chatelain n'a pas manqué d'attaquer un exécutif "défait", "empêché", au "banc des morts-vivants".

Après le vote, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a au contraire loué la "co-construction" menée sur ce texte dédié à l'atome, envoyant "un signal clair à notre filière" nucléaire "qui a souffert d'injonctions contradictoires dans le passé".

Soutenu à une très large majorité au Sénat fin janvier, il doit poursuivre son parcours parlementaire avec un compromis entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire ou lors d'une deuxième lecture.

Technique, ce projet de loi simplifie les procédures pour concrétiser les promesses d'Emmanuel Macron de bâtir six nouveaux réacteurs EPR à l'horizon 2035, et lancer des études pour huit d'autres. Il est limité aux nouvelles installations situées sur des sites nucléaires existants ou à proximité.

Pour "atteindre la neutralité carbone", il ne faut "plus avoir le nucléaire honteux", selon la rapporteure macroniste Maud Bregeon, ancienne d'EDF, qui a ferraillé contre EELV et les Insoumis, favorables à la sortie de l'atome et au passage aux 100% renouvelables à partir de 2045.

En réponse, la LFI Anne Stambach-Terrenoir a insisté sur les "risques" et les "tonnes de déchets" avant de rappeler la fissure "importante" révélée récemment dans la tuyauterie d'un réacteur de la centrale de Penly (Seine-Maritime).

Le groupe socialiste a voté contre aussi, même s'il "ne fait pas partie des formations politiques antinucléaires", selon Marie-Noëlle Battistel.

Plus de "verrou"

En pleine crise énergétique, une majorité de l'hémicycle soutient le nucléaire, "décarboné" et gage de "souveraineté".

Le Rassemblement national a voté le texte, "bien qu'insuffisant", en s'attaquant aux "écologistes bornés".

Le patron des députés Les Républicains Olivier Marleix a loué un "revirement politique espéré" par la droite. Mais "beaucoup de questions" restent "en suspens", met-il en garde, notamment sur les "acteurs du nouveau nucléaire".

Dans le sillage du Sénat, l'Assemblée a fait sauter l'objectif de réduction à 50% de la part de l'énergie nucléaire dans le mix électrique français d'ici à 2035, un "verrou" introduit sous la présidence de François Hollande.

Agnès Pannier-Runacher ne veut "ni plafond ni plancher" sur le sujet, alors que l'énergie nucléaire représente environ 70% de la production d'électricité habituellement, mais seulement 63% en 2022 en raison des arrêts de plusieurs réacteurs pour corrosion.

Les députés ont aussi validé un durcissement des peines en cas d'intrusions dans les centrales, sous les protestations de la gauche, qui redoute un frein aux actions militantes antinucléaires.

L'écologiste Cyrielle Chatelain a contesté la "souveraineté" du nucléaire qui "ne résout pas le problème de dépendance aux pays autoritaires", avec de "l'uranium enrichi" russe "livré" lundi "à Dunkerque". Et l'ONG Greenpeace a déploré "une fuite en avant nucléaire".

Durant les débats, le gouvernement a été mis en échec sur son projet de réforme de la sûreté, objet de vives critiques jusque dans son camp.

L'exécutif voudrait fondre l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), expert technique, au sein de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales. Mais les députés ont voté pour préserver "l'organisation duale" actuelle.

Le gouvernement n'entend pas pour autant désarmer et pourrait remettre le sujet sur la table durant la suite de la navette parlementaire.

"C'est un match en plusieurs sets et nous avons gagné la première manche", prévient François Jeffroy, représentant de l'intersyndicale de l'IRSN, qui a déjà organisé plusieurs journées de grève et reste "mobilisée".

Ce texte fait suite à une loi d'accélération des énergies renouvelables, adoptée en février, et précède une loi de programmation pluriannuelle de l'énergie, attendue au mieux cet été. Les oppositions critiquent un "saucissonnage".

le Mercredi 22 Mars 2023 à 01:51 | Lu 431 fois