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La future sphère de gaz géante inquiète


Tahiti, le 21 juillet 2021 - Des représentants du personnel des entreprises du Port Autonome s'inquiètent et tirent la sonnette d'alarme quant à la construction prochaine d'une nouvelle sphère de 5 500 mètres cubes de butane et de propane à Motu Uta. Ils demandent à l'État et au Pays de transférer cette sphère “en dehors de la zone urbaine” pour éviter toute catastrophe.
 
La construction d'une nouvelle sphère pouvant accueillir 5 500 mètres cubes de butane et de propane à Motu Uta inquiète le personnel des entreprises du Port autonome. Une trentaine de leurs représentants l'ont fait savoir au président du Pays Édouard Fritch et au représentant de l'État en Polynésie Dominique Sorain à travers un courrier en date du 19 juillet dernier et que Tahiti infos s'est procuré.

Dans leur courrier, les représentants rappellent qu'à ce jour il existe deux sphères de stockage de gaz à Motu Uta. Une aérienne de 2 500 mètres cubes mise en place il y a 42 ans (TS01) et une seconde sous talus qui représente 1 800 mètres cubes construite il y près de 20 ans.
Les représentants du personnel précisent que la demande de la Société dépôt de gaz de pétrole liquéfiés (SDGPL), du groupe Gaz de Tahiti, a reçu un avis favorable du ministère de l'Équipement “sans mesurer les conséquences”. Ils rappellent d'ailleurs qu'un dossier identique avait été déposé en 2017-2018 et que “la procédure a été annulée en 2020 pour raisons de sécurité”

Les exemples Beyrouth et Toulouse

Le courrier rappelle l'explosion à Beyrouth en août 2020 “qui a tué plus d'une centaine de personnes, blessée plus de 4 000 autres sans compter les dégâts directs et indirects sur les infrastructures et sur l'économie”. Puis le drame de l'usine AZF à Toulouse qui avait fait 31 morts et plus de 2 500 blessés en 2001.

Les opposants au projet soulignent que la société Gaz de Tahiti va garder la sphère aérienne TS01 malgré la construction d'une troisième sphère. Selon eux, ce maintien “pourra avoir des conséquences sur la sécurité sur la plateforme portuaire et dans la ville de Papeete”. Ils assurent qu'un équipement sous pression est “aussi dangereux en exploitation qu'à l'arrêt” et font référence au risque de l'ébullition-explosion, plus communément appelé Bleve (boiling liquid expanding vapor explosion).

Maximum 3 500 mètres cubes en métropole

De plus, ils indiquent que le Pays a la compétence en matière de réglementation des équipements sous pression. Mais vu la caducité du texte qui date de 1954, un texte métropolitain “apporte la base complémentaire”. Et une circulaire de juillet 1993 stipule que “la construction de réservoirs de gaz sous talus destinés à stocker du gaz sous pression est rendu acceptable uniquement pour des volumes inférieurs ou égaux à 3 500 mètres cubes”. Limitation selon eux maintenue par le Bureau de la sécurité des équipements à risques et des réseaux (BSERR) en mars 2018.
Les représentants du Port autonome estiment donc qu'au vu des textes en vigueur, la construction d'une nouvelle sphère pouvant accueillir 5 500 mètres cubes de gaz à Motu Uta est “inacceptable”.

Motu Uta est “une vraie bombe”

Ils estiment que les explosions citées plus haut “ont malheureusement beaucoup de chance de se reproduire à Papeete (...) commune administrative et portuaire. Coeur économique de la Polynésie desservant les 117 îles éparpillées sur une superficie identique à l'Europe”.
Ils rappellent que tous les jours des avions de différentes compagnies aériennes passent au-dessus de “ces stockages” en phase “de décollage ou d'atterrissage”. Et également que Motu Uta, en concentrant les stocks de gaz, est “une vraie bombe au milieu d'une population de plus de 60 000 personnes en comptant les communes adjacentes de Faa'a et Pira'e”. Ils demandent donc le transfert de cette nouvelle construction en dehors de la zone urbaine.

Un courrier dans ce sens avait été envoyé au Président de la République en août 2018 par le secrétaire général du syndicat Aro Porinetia, Mahinui Temarii. Il avait d'ailleurs reçu une réponse du chef de cabinet du président de la République, Brice Blondel, qui affirmait que le chef de l'État “vous assure de toute l'attention qui a été portée à vos inquiétudes concernant la concentration de stock d'hydrocarbures et de gaz à Papeete”. Et de préciser ensuite que le dossier a été transmis à la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, ainsi qu'au haut-commissaire, “en leur demandant de vous tenir directement informé de la suite susceptible d'être réservé à votre intervention”.

Un talus protecteur selon Gaz de Tahiti

Pour rappel, cette nouvelle implantation de dépôt d'hydrocarbures gazeux a été étudiée en Commission d'implantation des stations de distribution de carburants (CISDC) au premier trimestre de cette année. Le Service de l'énergie a donné un avis favorable mais ce dossier devra passer en Commission des installations classées pour la protection de l'environnement.

Ce dépôt devrait être implanté sur une superficie de plus de 12 000 mètres carrés appartenant au Port autonome au terme d'une convention pour une durée de 30 ans, soit jusqu'en 2050.

Il s'agit de remplacer la sphère existante d'une capacité de 2 565 mètres cubes par ce nouveau dépôt, qui sera sous talus et qui représente le double de ce qui existe actuellement.
Un projet qui pourrait, selon le soumissionnaire, augmenter le niveau de sécurité de Motu Uta, puisqu'il sera sous talus, et donc protéger de toutes agressions thermique ou mécanique et d'éviter ainsi tous risque de l'ébullition-explosion. Il permettra également de renforcer l'approvisionnement en gaz du fenua ou encore de répondre aux besoins d'une future centrale électrique. Le site de la SDGPL détenue par la famille Siu exploite à ce jour deux sphères de stockage.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mercredi 21 Juillet 2021 à 20:50 | Lu 3888 fois