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La Papouasie-Nouvelle-Guinée de nouveau face au défi de la lutte anti-polio


Mount Hagen, Papouasie-Nouvelle-Guinée | AFP | lundi 02/12/2018 - Près de vingt ans après son éradication officielle, la polio est de retour en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Et la tâche est immense pour mener une campagne de vaccination efficace contre cette maladie invalidante et potentiellement mortelle.

Jusqu'à cette année, le virus de la poliomyélite n'était endémique que dans trois pays, Afghanistan,Pakistan et Nigeria. Mais une souche relativement rare est en train de se propager à nouveau en Papouasie, un des pays les plus pauvres au monde.
Depuis que le premier cas a été détecté en avril près de la côte Nord chez un garçon de six ans s'appelant Gafo, dont la paralysie associée au virus a été confirmée en mai, la maladie a contaminé des dizaines de personnes dans tout le pays, poussant le gouvernement à décréter l'état d'urgence.
Le pays de huit millions d'habitants avait été déclaré exempt de polio en 2000. Le dernier cas remontait à 1996.
La poliomyélite est une maladie infectieuse causée par un virus envahissant le système nerveux et qui peut engendrer des paralysies irréversibles en quelques heures. Elle touche surtout les enfants en bas âge.
Depuis 2000 cependant, toutes les conditions étaient réunies pour un retour de cette maladie d'un autre temps, estiment les experts. En cause, des campagnes de vaccination négligées, mais aussi la pauvreté voire l'inexistence de systèmes d'assainissement.
 

- "Pas une surprise" -

 
"Ce n'est pas une surprise", confie à l'AFP Monjur Hossain, un expert de l'Unicef vivant à Port Moresby.
"Le gouvernement le savait. Nous le savions tous."
L'ironie est que le virus qui se propage est issu d'un vaccin administré oralement, le vaccin antipoliomyélitique oral (VPO). 
Celui-ci contient une forme atténuée du poliovirus qui active une réponse immunitaire de l’organisme, explique l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur son site internet.
Mais parallèlement, la souche vaccinale peut se répandre dans la population via les excréments, en particulier dans les zones où l'assainissement est insuffisant.
Si les virus vaccinaux finissent généralement par s'éteindre, il arrive parfois, dans les populations très faiblement immunisées, que la souche excrétée circule sur une durée prolongée. Cela lui permet de subir des mutations génétiques et de prendre une forme plus virulente.
Des épidémies de polio provenant d'un virus vaccinal ont déjà été observées dans la Corne de l'Afrique, en Syrie ou en République démocratique du Congo.
L'OMS maintient cependant que les énormes avantages associés au VPO pour la santé publique dépassent largement les risques.
 

- Vaccinée par hasard -

 
Elle explique que plus de 10 millions de cas de polio ont été évités dans le monde depuis 2000, soit un recul de 99% du nombre de cas. Environ 10 milliards de doses ont été administrées à près de trois milliards d'enfants.
En dépit des traitements modernes, on estime qu'un pour cent des cas de polio se traduit par une paralysie irréversible. Une fraction de ceux qui sont paralysés en meurent.
En Papouasie, les médecins tentent de répondre à la crise en relançant les campagnes d'immunisation, sachant que chaque enfant doit recevoir au moins trois doses.
Des centaines de milliers d'enfants ont déjà été vaccinés.
Mais en dépit de l'implication du gouvernement et de l'aide étrangère, cette campagne est un défi dans un pays à la géographie si tourmentée, en particulier dans la région centrale et montagneuse des Hautes Terres.
De nombreux villages ne peuvent être atteints que par les airs, ou au prix de la longue remontée d'un fleuve.
Il faut ajouter à cela les violences tribales, la malnutrition, les autres épidémies comme la rougeole, les conséquences de séismes comme celui de février...
"C'est vraiment difficile en termes d'accès, en termes de logistique", explique M. Hossain. "C'est très cher et très dur."
Une des stratégies a été de créer des cliniques itinérantes pour visiter les villages éloignés des centres de population comme Mount Hagen, la quatrième ville du pays, au coeur des Hautes Terres.
Dans la clinique installée près du marché de Mount Hagen, Margaret Akima doit alpaguer les mères et enfants et les traîner jusqu'à son dispensaire rudimentaire.
Quand elle s'est installée là il y a deux semaines, elle administrait une centaine de doses de vaccin par jour. Le chiffre est désormais tombé à une cinquantaine.
Maria Ponde, 37 ans, est venue à Mount Hagen avec sa fille de six ans, Warapnong, pour acheter une pelle. "Je ne pensais pas la vacciner", dit-elle alors que la petit fille reçoit sa dose.
Warapnong avait déjà raté plusieurs rappels. Ce jour-là, elle n'a dû son vaccin qu'au hasard, illustrant le défi que représente le combat contre la polio en Papouasie.

le Lundi 3 Décembre 2018 à 04:58 | Lu 523 fois