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L'oral du bac de français aura-t-il lieu?


Paris, France | AFP | mardi 19/05/2020 - Seront-ils les seuls à passer une épreuve du bac aux temps du coronavirus? A six semaines de l'échéance, des centaines de milliers d'élèves de première ignorent si l'oral de français sera maintenu.

En raison de l'épidémie, les autres épreuves du baccalauréat ont été remplacées dès début avril par le contrôle continu. Mais pour l'oral de français, le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer s'est donné jusqu'à fin mai pour trancher. Les oraux sont prévus à partir du 26 juin. 

"On parle beaucoup de jeunes du lycée qui décrochent un peu en ce moment, je veux envoyer des signaux de travail", a-t-il déclaré lundi sur RTL. "Il est bon de préparer des textes; on verra si c'est en contrôle continu ou terminal". 

"Les élèves me remercieront dans dix ans, en se souvenant de leur lecture de Phèdre durant le confinement", avait-il déjà estimé dans le Journal du dimanche.

Pour l'organisation lycéenne UNL, l'incertitude "inflige aux élèves de l'anxiété supplémentaire, car beaucoup ne voient plus le sens" de "la préparation d'une épreuve qui n'aura probablement pas lieu". 

"On ne comprend pas pourquoi c'est la seule épreuve maintenue", regrette Sarah, une bonne élève du Val-de-Marne, "stressée", comme "la plupart de (ses) camarades", d'autant qu'il s'agit d'un oral nouvelle formule, dans le cadre de la réforme du bac. 

"C'était déjà une année très stressante. On a eu les grèves, le programme a été retardé. J'aime l'école, je sais travailler, mais en période de confinement, j'ai eu un relâchement", dit-elle. 

Maintenir l'incertitude, "c'est un peu sadique sur les bords", estime son enseignante de français. "Les conditions de préparation sont vraiment inégalitaires, je suis inquiète pour les élèves", dit-elle, évoquant "un climat anxiogène pour accéder à la rencontre des textes". 

"Lacunes"

Pour la question de grammaire, "les élèves ont de très grosses lacunes, ils ne l'avaient pas au programme en seconde", précise-t-elle.

Elle cite à la fois "des élèves très engagés qui sont très stressés" et "des élèves fragiles qui parient que le bac n'aura pas lieu et ont décroché". 

Pour étudier chez eux, "certains ont un smartphone dans une chambre avec trois frères et soeurs", tandis qu'une jeune fille, dont les parents ne sont pas disponibles, doit s'occuper des repas et de sa fratrie.  

Le ministère a allégé le nombre de textes à étudier. Mais dans la voie générale, 20% des élèves n'avaient pas étudié plus de 5 textes sur 15 et 50% pas plus de 10, selon un sondage effectué du 20 au 22 avril par la fédération des parents d'élèves Peep parmi ses adhérents.

Dans la voie technologique, 30% des élèves n'avaient pas étudié plus de 4 textes sur 12, 75% pas plus de 8.

Avant le confinement, les élèves "ont travaillé surtout pour l'écrit, la plupart n'ont pas fait d'oral blanc", pointe Viviane Youx, présidente de l'Association française pour l'enseignement du français (Afef), à l'origine avec le collectif Lettres Vives d'une pétition pour l'annulation de l'oral, qui a réuni plus de 77.000 signatures.

Les syndicats d'enseignants réclament aussi l'annulation.

"On nous fait croire que parce qu'on aura fait des fiches sur quinze textes, on aura appris quelque chose sur la littérature. C'est aberrant", estime Mme Youx. "J'ai le sentiment que cet oral n'aura pas lieu, mais que jusqu'au bout le ministre veut garder la main sur quelque chose". 

le Mardi 19 Mai 2020 à 05:20 | Lu 331 fois