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L'invasion de l'Ukraine et le boycott de la Russie perturbent la chaîne logistique


Sameer Al-DOUMY / AFP
Sameer Al-DOUMY / AFP
Paris, France | AFP | mercredi 02/03/2022 - L'invasion de l'Ukraine par la Russie a perturbé les relations maritimes et aériennes, affectant des chaînes logistiques mondiales déjà fragilisées par la pandémie de Covid-19, et annonçant une nouvelle hausse des prix du transport.

Les trois premiers armateurs mondiaux, l'italo-suisse MSC, le danois Maersk et le français CMA CGM, et d'autres, ont annoncé mardi qu'ils suspendaient leur desserte des ports russes. Sont essentiellement concernés Saint-Pétersbourg sur la mer Baltique, Novorossiïsk sur la mer Noire et Vladivostok dans le Pacifique.

"La Russie est un marché assez important, que tout le monde envie", note Paul Tourret, directeur de l'Institut supérieur d'économie maritime (Isemar). Mais, avec seulement 0,9% des escales de porte-conteneurs en 2020, la part du pays dans la grande ronde commerciale sur les océans du globe reste relativement en retrait par rapport à sa taille, nuance-t-il.

"Nous commençons à constater les effets sur les flux de la chaîne d'approvisionnement mondiale, tels que des retards et des rétentions de marchandises par les autorités douanières dans les différents ports de transbordement", a indiqué Maersk à ses clients.

S'ajoutent une augmentation des assurances pour les bateaux s'aventurant encore le long des côtes russes --a fortiori dans le nord de la mer Noire, touchée par le conflit-- et les incertitudes quant au sort réservé en Occident aux bateaux russes.

Conséquence du retrait subit des grands armateurs: une certaine désorganisation, puisque la routine de leurs rotations a été perturbée. Certains opérateurs craignent du coup un engorgement plus important de certains ports, notamment en Europe du Nord.

"Une conséquence, assez positive cette fois, c'est qu'une partie des rotations sur la mer Noire seront probablement réallouées sur d'autres rotations, vers le Sud-Est de l'Asie", estime Arthur Barillas, directeur général du commissionnaire de transport OVRSEA.

"Les prix vont augmenter" 

"C'est une bonne nouvelle pour les importateurs européens, car il y aura un peu plus de capacité sur le +trade+ Asie-Europe", sur lequel ils peinent à trouver de la place pour leurs marchandises, ajoute-t-il. 

Autre impact de la crise: la flambée des prix des hydrocarbures, qui a fait augmenter de 40% depuis décembre le coût du fioul qui propulse les porte-conteneurs. "Ce qu'on anticipe, c'est que les compagnies vont rapidement facturer des surcharges pour couvrir cette augmentation. Et ça va avoir un impact très important", note M. Barillas.

En outre, les armateurs craignent de manquer de marins, 14,5% des équipages étant russes ou ukrainiens.

Enfin, une conséquence directe du conflit est l'arrêt attendu du transport de marchandises par la "route de la soie ferroviaire" à travers la Russie, entre la Chine et l'Europe. C'est l'équivalent d'un-demi porte-conteneur qui prend le train toutes les semaines, ce qui selon lui "n'est pas énorme, mais déjà trop" alors que la voie maritime est surchargée. "Ca va être une pression supplémentaire! Tout porte à croire que les prix vont augmenter."

L'augmentation des temps de vol entre l'Europe et l'Asie afin de contourner la Russie dont l'espace aérien est fermé, devrait parallèlement conduire à une baisse du fret aérien, dont plus de la moitié des volumes sont transportés dans les soutes des avions de passagers.

"Si vous emportez davantage de carburant, c'est autant de poids en moins pour la charge marchande", explique Gérard Bouvet, président de l'Association professionnelle des personnels navigants de l'aviation (Apna). Deux heures de vols supplémentaires d'un Boeing 777 représentent un emport d'une quinzaine de tonnes supplémentaires de carburant.

"On a déjà vu depuis le début de la semaine une hausse des taux aériens à destination de la Chine", témoigne Arthur Barillas.

Quant aux exportations russes de matières premières, qui quittent souvent le pays en bateau et en vrac, tout est une question de prime de risque.

"Pour les pétroliers, ceux qui souhaitent charger des cargaisons russes continueront probablement à +profiter+ des primes de fret", écrit par exemple le courtier Gibson. "Cependant, on ne sait pas combien de temps le commerce avec la Russie restera épargné par les sanctions."

le Jeudi 3 Mars 2022 à 03:32 | Lu 1850 fois