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“L'idée est bonne mais il y a des ajustements à faire” : les professionnels du whale watching partagés sur la nouvelle règlementation


Les professionnels du secteur, bien que globalement favorables à ces mesures, expriment de nombreuses inquiétudes.
Les professionnels du secteur, bien que globalement favorables à ces mesures, expriment de nombreuses inquiétudes.
Tahiti, le 28 juillet 2025 - Depuis le 20 juillet, la saison d’observation des baleines a repris en Polynésie française, marquée cette année par la mise en place d’une nouvelle règlementation. Si celle-ci vise à mieux encadrer la pratique et protéger les cétacés, les professionnels du secteur, bien que globalement favorables à ces mesures, expriment de nombreuses inquiétudes. Entre investissements non rentabilisés, complexité logistique et craintes d’élitisation de l’activité, tous s’accordent à dire qu’un ajustement est nécessaire.
 
C'est très bien que la règlementation évolue”, reconnaît Isabelle Klein, éducatrice sportive et guide chez Mobydick Diving à Tahiti. “On attendait cela, surtout pour limiter le nombre de prestataires afin de protéger les baleines, mais aussi notre activité.” Pourtant, elle pointe rapidement une difficulté majeure : “Le nombre de personnes autorisées dans l'eau est de six alors que notre bateau peut en accueillir douze. Je dois faire deux rotations, donc rester deux fois plus longtemps dans l’eau, ce qui est compliqué quand d'autres bateaux attendent leur tour.
 
Même constat du côté de Moorea pour Jesson Vedel, de Moorea Expedition : “Il y a énormément de bon dans cette régulation. Mais il faut changer quelques éléments pour garantir les meilleures conditions, notamment le nombre de clients qu'on peut emmener dans l’eau.” Celui qui observe les baleines depuis 40 ans regrette aussi que l’étude scientifique ayant servi de base à la réforme ne soit pas remise en perspective : “Elle semble biaisée. On ne demande pas une nouvelle étude, mais une relecture par une personne neutre pour en faire une analyse objective.”
 
Des conséquences économiques non négligeables
 
Au cœur des préoccupations : la rentabilité. Pour de nombreux opérateurs, l’impossibilité d’exploiter plus d’un bateau sur une même île, alors que certains en possédaient déjà deux, représente un frein majeur. “J’ai investi 15 millions dans un deuxième bateau et recruté un capitaine”, déplore Alexandre Deliere, de Dive and Sea Tahiti. “Aujourd’hui, je ne peux pas l’exploiter à Tahiti. Et peut-être que ceux qui sont à Moorea vont se redéployer ici, puisque rien n’interdit d’utiliser ce second bateau sur une autre île.”
 
Même constat pour Maui Ciucci, de Corallina Tours à Moorea : “On a été impactés. J’ai acheté un second bateau que je ne peux plus utiliser pour le whale watching, donc je dois me tourner vers une autre activité comme le snorkeling qui est moins rentable.”
 
Quant à la limitation à six personnes dans l’eau, elle force un choix difficile : réduire la rentabilité ou augmenter les prix. “On a décidé de ne pas augmenter nos tarifs, car cela deviendrait une activité de luxe”, indique Isabelle Klein. Alexandre Deliere, lui, craint une “activité élitiste”, avec une offre moins accessible.
 
Des critères d’accès à la profession contestés
 
Parmi les sujets sensibles figure la question de la formation. Récemment, une session de formation CPPA-APPN “Randonnée aquatique” a été proposée à Moorea. Le bémol ? Parmi les prérequis incontournables, les candidats devaient être titulaires d’un PSC1 (secourisme de base) et devaient effectuer un entretien individuel en reo tahiti. En conséquence, on choisit des personnes extérieures au métier, sans connaissances scientifiques ou maîtrise de l’anglais. Une source, souhaitant garder l’anonymat, déplore que “des biologistes marins expérimentés, qui parlent anglais et ont une vraie connaissance de l’observation des cétacés à l’international, soient écartés au profit de candidats qui parlent tahitien mais n’ont aucune expérience”. Cette orientation, bien qu’elle vise à valoriser la culture locale, semble en décalage avec la réalité du terrain : “Il faudrait parler anglais pour transmettre aux touristes le savoir et le respect de la baleine”, insiste un prestataire.
 
Une réglementation encore en rodage
 
La profession salue néanmoins certaines avancées, comme la mise en place d’un syndicat, qui permet de structurer les échanges avec le Pays. “C’est une très bonne chose, ça mérite que le secteur se professionnalise”, estime Maui Ciucci. Reste que plusieurs points doivent encore être clarifiés : durée des licences, reconnaissance de l’expérience, encadrement plus précis des formations…
 
La première saison sous ce nouveau régime s’annonce comme une période test. Jesson Vedel résume l’état d’esprit général : “L’idée est bonne, mais il y a des ajustements à faire.” Tous espèrent que ces retours du terrain seront entendus, pour que la protection des baleines aille de pair avec la viabilité d’une activité dont elles sont le cœur.
 

Ce qu’il faut retenir des nouvelles règles 2025 
 
Saison autorisée : du 20 juillet au 20 novembre 
Heures d’observation : de 7 h 30 à 17 h 30 
Maximum de trois bateaux dans la zone d’observation, soit à 300 m d’un cétacé. La zone d’exclusion (100 m) est strictement interdite à toute embarcation.  
15 m minimum de distance à la nage 
6 personnes maximum dans l’eau par navire, accompagnées d’un guide certifié 
Interdit dans les baies, passes et lagons 
Interdictions générales : poursuites, encerclements, modification de trajectoires, sonars non conventionnels, etc.
 

Rédigé par Darianna Myszka le Lundi 28 Juillet 2025 à 15:51 | Lu 3358 fois