Tahiti Infos

L'ex-patron de la lutte antidrogue mis en examen pour complicité de trafic de stupéfiants


Paris, France | AFP | vendredi 25/08/2017 - François Thierry, ancien numéro 1 de la lutte antidrogue, a été mis en examen pour complicité de trafic de stupéfiants dans l'une des enquêtes qui mettent en lumière les relations troubles entre "stups" et indics pour faire tomber les réseaux.
L'ancien patron emblématique de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis) est soupçonné d'avoir favorisé l'entrée en France d'un convoi de drogue avec l'aide d'un important "indic", connu comme un trafiquant chevronné, et de ne pas avoir informé les autorités judiciaires sur le devenir de cette importation.
Après sa garde à vue fin mars à l'IGPN, "la police des polices", François Thierry a cette fois été longuement entendu jeudi par les juges Baudoin Thouvenot et Marc Sommerer de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) qui enquêtent sur la saisie record, le 17 octobre 2015, de sept tonnes de cannabis à Paris. Le policier en est ressorti tard dans la nuit avec une mise en examen notamment pour "complicité d'acquisition de stupéfiants", selon une source proche du dossier. 
Une "mise en examen injuste, hypocrite et scandaleuse", a réagi auprès de l'AFP Francis Szpiner, l'avocat de François Thierry, désormais en poste à la Sous-direction antiterroriste (Sdat).
A ce stade, "rien ne change pour lui", selon une source proche du dossier. Aucune suspension administrative n'a été décidée à l'encontre du commissaire, qui n'est par ailleurs pas soumis à un contrôle judiciaire.
Au-delà de la gestion controversée des "tontons", au coeur de deux autres enquêtes à Paris, l'affaire d'Exelmans a aussi mis au jour des rivalités entre douanes et police. Au total, treize personnes sont déjà mises en examen dans ce dossier.
 

- "Dissimulée" -

 
Un "renseignement" obtenu le jour-même avait abouti à la saisie par la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) de sept tonnes de cannabis entreposées dans des camionnettes stationnées boulevard Exelmans, dans le cossu XVIe arrondissement de Paris. La prise record avait été saluée par le président à l'époque, François Hollande, et l'enquête immédiatement confiée à l'Ocrtis. 
Mais très vite des soupçons avaient terni la belle opération lorsqu'un douanier avait révélé le rôle de Sofiane Hambli, un informateur de premier plan de l'Ocrtis géré personnellement par François Thierry, et déjà lourdement condamné pour trafic de stupéfiants, selon des éléments de l'enquête dont a eu connaissance l'AFP. 
Pour le procureur de Paris François Molins, cela relève d'une "information majeure" jusqu'alors "dissimulée", selon une note versée à la procédure. Aux yeux des enquêteurs, Hambli est bien plus qu'un informateur et "le simple logisticien" décrit par son officier traitant. "Il apparaît comme l'un des responsables du trafic lui-même", affirme une source proche de l'enquête.
Trois jours après la saisie, François Thierry avait reconnu que la drogue partie du Maroc s'inscrivait dans le cadre d'une opération secrète de l'Ocrtis destinée, en lien avec Hambli, à infiltrer des réseaux.
Mais jusqu'à quel point les autorités judiciaires ont-elles été informées de l'opération? Quelle quantité de drogue est passée au travers des mailles du filet? Sous couvert de cette opération, l'Ocrtis a directement supervisé l'importation d'au moins 15 tonnes de cannabis qui ont été saisies, selon une source proche de l'enquête.
Dans une note transmise le 28 octobre 2015 à sa hiérarchie et dont a eu connaissance l'AFP, l'ancien patron de police détaillait la "rentabilité" du "tonton" ces dernières années, selon lui à l'origine de la saisie de 60 tonnes de résine de cannabis notamment. Pourtant, le parquet de Paris affirme n'avoir appris l'existence de cet "indic" qu'en mars 2015, sans avoir été informé ensuite de son rôle dans des procédures en cours, selon une source proche du dossier. 
"Cet informateur a donné suffisamment d'affaires, son implication était connue des magistrats", assure l'avocat du policier. 
"On a affaire à des magistrats amnésiques, ils ont entrepris de démolir ce qu'ils ont érigé pendant des années avec la police", a accusé Joseph Cohen-Sabban, l'avocat de l'"indic".

le Vendredi 25 Août 2017 à 03:38 | Lu 498 fois