Tahiti Infos

L'autorité de la concurrence a lancé six enquêtes contre des entreprises polynésiennes


Jacques Mérot, président de l'Autorité polynésienne de la concurrence
Jacques Mérot, président de l'Autorité polynésienne de la concurrence
PAPEETE, le 4 juin 2018 - A l'occasion de son bilan 2017, l'Autorité polynésienne de la concurrence a révélé que six procédures en contentieux avaient été initiées contre des entreprises polynésiennes pour des faits d'abus de position dominante ou d'ententes. La première décision contentieuse de l'autorité concernera Vini et sera dévoilée ce jeudi.

Qu'a fait l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC) depuis sa création en 2015 ? C'est pour répondre à cette question que son président, Jacques Mérot, avait convoqué la presse ce lundi matin, à l'occasion de la publication de son Rapport d'activité 2017.

La grosse nouveauté est que l'APC va enfin passer à l'offensive contre les entreprises locales qu'elle trouverait en infraction au droit de la concurrence. Six procédures en contentieux sont en cours d'examen par le service d'instruction de l'autorité, avec la toute première décision qui sera publiée ce jeudi.

VINI PREND DES ENGAGEMENTS POUR CORRIGER SES ABUS DE POSITION DOMINANTE


Nous vous avions parlé de cette affaire il y a trois mois. Suite à une saisine de l'entreprise Pacific Mobile Telecom (PMT / Vodafone), l'APC avait enquêté sur les pratiques commerciales de Vini. Elle avait en particulier épinglé l'inclusion dans les forfaits Vini de minutes supplémentaires utilisables uniquement pour appeler d'autres téléphones Vini, ainsi que le réengagement automatique des clients qui modifient leur forfait. Une enquête pour abus de position dominante avait débuté en 2016.

Dans la décision qui sera publiée jeudi, l'APC accepte un accord avec Vini. L'opérateur s'engage à prendre une série de mesures pour corriger ses pratiques qui peuvent sembler anti-concurrentielles, en échange l'Autorité renonce à prononcer des injonctions ou une amende contre lui. Toute une série de nouveaux forfaits et une politique commerciale de fidélisation innovante devront donc être mis en place par Vini dans les trois mois. Si la filiale de l'Office des Postes et Télécommunication (OPT) échoue à réaliser ses engagements, l'opérateur risque une forte amende et devra de toute façon se soumettre aux injonctions que pourra alors prendre l'Autorité. Mais si Vini respecte ses engagements, l'Autorité en restera là. Une certaine clémence avant d'entamer les hostilités donc… Mais Jacques Mérot reconnaît que "le droit de la concurrence est encore nouveau pour tout le monde économique local. Nous organisons d'ailleurs des formations pour les entreprises et les avocats, nous en avons déjà organisé deux et une troisième aura lieu dans quelques semaines".

À la question de savoir si PMT recevra des indemnisations pour réparer son préjudice, le président est très ferme : "Notre rôle est d'assurer le bon fonctionnement des marchés et de la concurrence. Si une entreprise se sent lésée par des pratiques anti-concurrentielles dont elle aurait été victime, elle pourra s'appuyer sur nos décisions pour aller voir le juge et demander une compensation en justice. Mais ce n'est pas notre rôle, nous sommes le gendarme des marchés" explique Jacques Mérot.

DES AVIS PROPOSANT 1,6 MILLIARD DE FRANCS D'ECONOMIES POUR LES CONSOMMATEURS

Voici donc pour la toute première utilisation des pouvoirs répressifs de l'APC. Mais d'autres enquêtes sont en cours, dont les cibles ne nous seront pas dévoilées par le président de l'Autorité. Il avoue tout de même que la prochaine décision sera rendue "avant la fin de l'année, et une suivante début 2019. En tout, il y a six procédures en cours, donc les choses s’enchaînent. Nous menons aussi des analyses sectorielles qui vont alimenter les procédures. On a enclenché le processus. Maintenant les décisions en pratiques anticoncurrentielles vont arriver."

Six décisions à venir, après trois ans d'existence… Un bilan qui semble encore faible mais que le président de l'APC justifie par deux facteurs. D'abord le respect très strict de la procédure, avec des envois de lettres et des demandes d'avis obligatoires qui provoquent, à chaque échange, des attentes de plusieurs mois. Ensuite, cet ancien magistrat de la Cour des comptes de Lille pointe la lenteur de la mise en place des moyens juridiques d'investigation de son administration indépendante. "Il y a deux textes qui s'appliquent" explique Jacques Mérot. "D'abord la loi de pays qui établit les pouvoirs simples de l'Autorité (demander des documents aux entreprises,ndlr), mais le problème c'est qu'ils ne sont pas décrits… Même si paradoxalement nous avons le pouvoir de sanctionner les entreprises qui refuseraient de collaborer. L'autre texte important concerne les pouvoirs qui dépendent de l’État, donc les pouvoirs d'investigation forts, sous le contrôle d'un juge, ce que nous appelons les opérations de visite et de saisie. Ce texte n'a été pris et rendu applicable qu'à la mi-2017, et n'est en cours de validation qu'aujourd'hui. Il a été validé par le Sénat et le sera à la fin du mois par l'Assemblée. Donc il faut prendre en compte qu'une autorité, comme toute institution nouvelle, quand elle se met en place, cela prend du temps."

Malgré tout, les douze agents de l'APC n'ont pas chômé. Depuis la création de l'autorité, ils ont aussi rendu douze avis, dans le rôle consultatif de l'autorité, sept autorisations de rachat d'entreprises et une autorisation de création d'une surface commerciale. Concernant les avis consultatifs, deux ont été longuement abordés par le président de l'autorité. Le premier concerne le transport des hydrocarbures, où des calculs des économistes de l'autorité assurent que un milliard de francs d'économies pourraient être réalisées en appliquant leurs recommandations. L'autre concerne le marché du médicament, avec une série de recommandations qui, selon les calculs de l'APC, feraient économiser 600 millions de francs aux malades polynésiens et à la CPS. Mais la main passe maintenant au politique sur ces dossiers.

L'Autorité polynésienne de la concurrence en chiffres

L'APC aujourd'hui :
- Un budget de 185 millions de francs par an
- 12 agents
- 6 rapporteurs
- 5 membres du collège

Ses travaux depuis sa création :
- 12 avis publiés
- 8 décisions concernant des concentrations (rachats d'entreprises) ou des surfaces commerciales (ouverture ou agrandissement de magasins)
- 6 procédures au contentieux en cours contre des entreprises

Son site web : autorite-concurrence.pf


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 4 Juin 2018 à 19:29 | Lu 8540 fois