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L'affaire Alstom tourne au bras de fer juridique


Paris, France | AFP | vendredi 06/10/2017 - Menaces de poursuites pénales contre le ministre Bruno Le Maire, Bercy qui dénonce une campagne de diffamation : la prise de contrôle du français Alstom par son concurrent allemand Siemens tourne au bras de fer juridique autour du rôle de l'État.

À gauche, l'ex-ministre de l'Economie Arnaud Montebourg. À droite, le député Gilles Carrez (LR). Sans oublier l'intersyndicale des salariés du site de GE Hydro/Alstom à Grenoble, menacés d'un plan de licenciements : tous ont alerté M. Le Maire sur les risques de poursuites pénales pour négligence.
À l'origine, la décision du gouvernement de ne pas exercer son option d'achat sur le 20% d'actions Alstom détenues par le groupe Bouygues, qu'il prête à l'État depuis 2014, quand la branche énergie du groupe français avait été acquise par l'américain General Electric.
"Ne pourriez-vous pas, M. le ministre, vous voir reprocher, de ne pas avoir suffisamment défendu les intérêts de l'État ?", a demandé M. Carrez lors d'une audition de M. Le Maire mercredi à l'Assemblée nationale, rappelant le précédent de Christine Lagarde, condamnée en décembre par la Cour de justice de la République pour négligence dans l'arbitrage Tapie.
M. Montebourg avait également cité l'exemple de la directrice du FMI deux jours plus tôt à Grenoble, devant les salariés de GE Hydro/Alstom, alertant "d'un risque pénal maximal pour l'actuel ministre de l'Économie" si l'État n'exerçait pas cette option avant l'échéance du 17 octobre.
Ceux qui brandissent la menace d’un nouveau cas Lagarde rappellent en effet que s’il n’exerce pas son option, l’État subira un manque à gagner de 350 millions, puisque l’accord entre Siemens et Alstom prévoit le versement aux actionnaires participant à l’opération de primes pour chaque action détenue (prime de contrôle et dividende exceptionnel).
"Si l'État n'active pas l'option d'achat, il commet une infraction de détournement de fonds publics par négligence". Dans ce cas, "le ministre appauvrirait l'État d'au moins 350 millions d'euros", a expliqué à l’AFP une source proche du dossier qui n'a pas souhaité être citée.
"L'État ne peut pas renoncer à cette somme sans obtenir de contrepartie financière", a assuré une autre source qui, elle aussi, a requis l'anonymat, suggérant comme solution à Bercy d'acheter les actions pour ensuite les prêter à Siemens comme Bouygues l'a fait avec lui depuis 2014. 
 

- Bercy balaie les accusations -

 
 
Face à ces accusations, Bercy brandit à son tour la menace de "poursuivre les gens qui colportent des diffamations", et dénonce une utilisation "à des fins politiques" et "par quelques banquiers d'affaires frustrés, qui aimeraient faire sauter l'accord pour ramener Bombardier" dans la course.
Pour le ministère, l'accusation de négligence ne tient pas : "On a interrogé nos juristes et on est assez confortable", a affirmé à l'AFP une source proche du dossier. M. Le Maire a d'ailleurs nié publiquement toute négligence. "Je n'utilise pas des fonds publics pour faire de la spéculation sur le dos du contribuable", a-t-il assuré.
"Pour qu'il y ait détournement de fonds publics par négligence, il faut qu'il y ait des manoeuvres frauduleuses. Or, nous avons une option de rachat qui peut s'exercer ou pas", a expliqué Bercy.
L'exercice de cette option aurait empêché l'accord avec Siemens, a expliqué M. Le Maire. Le groupe allemand "se serait alors tourné vers l'autre option qu'il avait sur la table, qui était le rachat de Bombardier" (groupe canadien, ndlr), a-t-il dit.
"Nous pouvions bloquer cet accord", assure Bercy. "Mais nous avons pensé que c'était un bon +deal+ pour la société et pour l'avenir du rail et du secteur ferroviaire européen. Nous devons nous unir face à la concurrence chinoise".
L'État est d'autant plus confiant qu'il souligne avoir obtenu des contreparties de Siemens. 
M. Le Maire a cité comme exemple la composition du conseil d'administration qui "reflètera le caractère franco-allemand de l'entreprise", ou encore le fait qu'"aucun départ contraint ni aucune fermeture de site ne pourra avoir lieu dans les deux pays (France et Allemagne, ndlr) jusqu'en 2023 au moins".

le Vendredi 6 Octobre 2017 à 04:19 | Lu 859 fois