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L'Australien Christos Tsiolkas s'attaque aux inégalités sociales dans son pays


Paris, France | AFP | jeudi 01/10/2015 -L'Australien Christos Tsiolkas récidive dans son dernier roman, "Barracuda", le troisième traduit en français, auscultant son pays, eldorado du nouveau monde dans la mythologie collective, mais terreau d'inégalités pour beaucoup de laissés-pour-compte.

Dans un pays où le sport est roi, le romancier de Melbourne met en doute le cliché de l'intégration par le sport.

Son personnage principal, Danny, est un jeune garçon issu de l'immigration grecque. Grâce à ses talents de nageur, il est admis dans une école privée en tant que boursier.

"Barracuda", le surnom que lui donnent ses condisciples, est alors projeté dans un nouveau monde, où, avec une mère coiffeuse, il n'est rien, ou si peu. Un comble pour le pays dont l'hymne national est "Advance Australia fair" (Avance, juste Australie).

"Nous avons perdu notre capacité à parler des classes sociales", affirme l'auteur lors d'un entretien avec l'AFP à Paris, où il est venu récemment présenter son dernier roman, publié chez Belfond.

"Il y a une certaine peur à reconnaître leur existence même". Christos Tsiolkas nous donne à voir une autre image, loin de la fraternité dont s'enorgueillit le pays.

Loin aussi de l'égalitarisme forcené qui voulait autrefois que toutes les têtes sortant du lot soient coupées.

Un pays où cohabitent maintenant les ultra riches prêts à dépenser des dizaines de milliers de dollars par an pour mettre leur rejeton dans une école privée et les autres.

"Nous n'avons pas la même société de classes qu'en Europe, mais c'est en train de changer. Le fait qu'on se demande désormais s'il faut mettre son enfant dans une école privée pour qu'il reçoive une bonne éducation le montre bien", déplore Tsiolkas. "Oui, je suis en colère".


- Pris entre deux mondes -



"Fils d'immigrants grecs qui eux, n'avaient pas eu accès à l'éducation, je sais à quel point c'est un enjeu important. Et j'ai peur que la génération de Danny ne bénéficie pas du même système d'éducation publique dont j'ai moi-même bénéficié", ajoute l'écrivain.

"Barracuda" chronique la progression de "Danny le Grec" en "Danny le fou", jeune garçon pris en étau entre sa famille et son chic collège, incapable d'exprimer son malaise, jusqu'au geste ultime qui le hantera.

"C'est une question de langue, il ne peut pas trouver les mots pour s'exprimer. C'est ce qui arrive lorsqu'on passe d'un monde à un autre. Comme de passer d'un pays à un autre au fond; il y a des choses qu'on ne peut pas comprendre".

Tsiolkas, 49 ans, revient sur un thème important dans son œuvre. La colère d'un fils d'immigrants, cherchant sa place dans son pays pétri de préjugés.

Lui-même issu de la "working class", le dramaturge, scénariste et romancier, a connu le succès assez tardivement, avec son roman "La gifle", paru en 2008, et vendu depuis dans 28 pays, dont la France en 2011.

Primé en Australie, finaliste du Man Booker Prize en 2010, le très beau roman sur l'immigration et les failles de la société occidentale a ensuite été adapté par la chaîne australienne ABC en feuilleton à succès.

Ce fut pour Tsiolkas – qui, loin de l'intelligentsia, a travaillé pendant des années comme assistant chez un vétérinaire -, la source d'un long questionnement sur la notion de réussite et d'échec, à l'origine de "Barracuda".

Plus largement, l'auteur reconnaît que "La gifle" a aussi transformé sa vie. "Je peux désormais écrire à plein temps. C'est grâce à cela que je peux voyager, que je suis ici à Paris", dit-il en riant. "Je ne fais plus partie d'une catégorie sociale défavorisée, mais je me dois de ne pas l'oublier".

Rédigé par () le Jeudi 1 Octobre 2015 à 05:56 | Lu 416 fois