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Johnstone : Le boucher du bush


Robert Arthur Johnstone, le “chasseur” impitoyable d’Aborigènes, qui ne supportait pas les Australiens de couleur, alors que lui-même était le fils d’un métis de père Anglais et de mère Indienne. Il était d’ailleurs surnommé le “Noir” à cause du teint bronzé de sa peau.
Robert Arthur Johnstone, le “chasseur” impitoyable d’Aborigènes, qui ne supportait pas les Australiens de couleur, alors que lui-même était le fils d’un métis de père Anglais et de mère Indienne. Il était d’ailleurs surnommé le “Noir” à cause du teint bronzé de sa peau.
Les pages de l’histoire coloniale australienne sont parfois aussi sombres que la peau des Aborigènes qui furent, pendant des années, traqués et massacrés pour permettre aux Blancs de mettre en valeur, comme ils l’entendaient, une terre à leurs yeux vierge. Et sur laquelle ils avaient donc tous les droits. La “chasse” aux indigènes commença très tôt, mais l’entrée en scène de Robert Arthur Johnstone marqua une nouvelle étape dans cette impitoyable traque...
 
S’il est une appellation qui fait froid dans le dos des Aborigènes, c’est bien celle de la “Native Police” (police autochtone), une force paramilitaire spéciale, créée et entrainée à pister, arrêter et surtout massacrer les indigènes australiens qui avaient un tort aux yeux des colons britanniques, celui d’exister sur une île-continent qu’ils voulaient voir inhabitée.

Cette gravure illustre ce que les colons britanniques appelaient une “dispersion” des Aborigènes. Ceux qui n’étaient pas tués étaient chassés dans l’Outback ou envoyés sur des îlots au large.
Cette gravure illustre ce que les colons britanniques appelaient une “dispersion” des Aborigènes. Ceux qui n’étaient pas tués étaient chassés dans l’Outback ou envoyés sur des îlots au large.
Un pays jugé “vide” par Londres
 
Lorsque le gouverneur Arthur Phillip installa la première colonie de peuplement à Port Jackson, en 1788 (arrivée de la First Fleet), il ne fut pas long à comprendre que le courant ne passait pas entre Aborigènes et Anglais. Au mieux, les premiers ignoraient les seconds, refusant le contact et les échanges, au pire, ils se montraient hostiles quand ils voyaient leurs terres accaparées.
Pour la petite histoire, il n’est pas inutile de rappeler que la prise de possession de l’Australie s’est faite unilatéralement, Londres ayant toujours considéré qu’il n’y avait personne avec qui négocier, le pays étant jugé “vide”, un peu comme si ceux qui l’habitaient depuis quarante mille ans au moins étaient transparents...
Evidemment, sur de telles bases, les relations Blancs-Aborigènes ne pouvaient partir que d’un très mauvais pied et au fur et à mesure de l’avancée des colons dans le pays, les conflits ne cessèrent de se multiplier. Et de se régler par la violence, de la part des deux camps, la supériorité, compte tenu de leur armement, revenant évidemment aux Blancs.
Concrètement, face aux difficultés d’installation de leurs exploitations agricoles, les colons s’organisèrent très tôt, lorsque l’armée faisait défaut, en milices pour se défendre des attaques des autochtones.
En octobre 1837, la première Native Police vit le jour ; les Britanniques se sont alors inspirés de ce qu’ils avaient fait dans d’autres de leurs colonies, comme en Inde et à Ceylan, à savoir armer des indigènes encadrés par des officiers anglais pour anéantir tout ennemi “local”. Il fallait, pour cela, trouver des autochtones acceptant de travailler, de collaborer avec les nouveaux occupants, ce qui était relativement facile en sachant profiter de vieilles rivalités entre ethnies, tribus et clans. 
Cette police “locale” avait un avantage énorme pour les Britanniques ; ses agents connaissaient la langue, les coutumes, les traditions de l’ennemi alors qu’en Australie par exemple, les Anglais seuls étaient bien incapables de mettre la main sur des Aborigènes se fondant dans le bush sans laisser aucune trace.

Les “dispersions” de clans aborigènes relevaient plus de la partie de chasse et même de la séance de tirs que d’une tentative honnête de régler des problèmes entre indigènes et colons.
Les “dispersions” de clans aborigènes relevaient plus de la partie de chasse et même de la séance de tirs que d’une tentative honnête de régler des problèmes entre indigènes et colons.
20 000 Aborigènes tués
 
Sans entrer dans les détails de la naissance, ici et là de ces milices indigènes encadrées par des Blancs, il faut noter qu’en 1852, la Native Police prit un aspect plus officiel au moins dans la Nouvelle Galles du Sud, avec la création de huit divisions structurées. 
En 1859, l’Etat du Queensland voyait le jour, alors que les terres au nord-est de l’Australie attiraient de plus en plus de colons. C’est du reste dans cet Etat que la Native Police Force mena ses activités le plus longtemps : raids et attaques de type guérilla d’un côté, battues et massacres de l’autre, la “guerre” fut de suite déclarée entre Noirs et Blancs, à tel point qu’en 1864, le Queensland réorganisa complètement sa Native Police centralisée à partir de cette date à Brisbane. 
Le nouveau “big boss”, David Thomson Seymour, prit les choses en main et devait rester aux commandes trente ans, durant lesquels on estime que vingt mille Aborigènes furent abattus.
Revenons à notre Robert Arthur Johnstone (1843-16 janvier 1905) qui fut l’un des bras armés les plus efficaces de Seymour. On ignore sa date de naissance précise, mais on sait qu’il vit le jour en 1843 en Tasmanie, à Richmond. Son père, John Johnstone avait préféré changer de nom, car le grand-père du petit Robert Arthur, le lieutenant général Samuel Need (qui commandait un régiment de dragons en Inde) avait pris femme pendant son séjour indien. Certes, l’épouse ne sortait pas du ruisseau puisqu’elle était la fille de Saadat Ali Khan II, puissant seigneur local. C’est avec elle que Samuel Need eut le petit John, père de Robert Arthur. En plus explicite, le père du futur bourreau des Aborigènes était un métis, et cela, apparemment, gênait fort Robert Arthur qui, ayant un nouveau nom de famille grâce à son père, espérait masquer le fait qu’il était donc de sang mêlé. L’épouse indienne, la fille d’Ali Khan II mourut jeune et Samuel Need rentra alors en Angleterre où il se remaria et éleva ses enfants dans la plus pure tradition britannique. Mais compte-tenu du racisme ambiant, il les déshérita au profit des enfants de son second mariage. 

Au tournant du XIXe et du XXe siècle, les autorités décidèrent de “protéger” les Aborigènes, en les emprisonnant et en les parquant dans des réserves.
Au tournant du XIXe et du XXe siècle, les autorités décidèrent de “protéger” les Aborigènes, en les emprisonnant et en les parquant dans des réserves.
Effacer la part de sang “noir”
 
Pour Robert Arthur, cette “tache génétique” était très lourde à porter et ce qui ne serait qu’une petite anecdote aujourd’hui prend tout son relief quand on voit avec quelle ardeur, une fois gradé au sein de la Native Police, Johnstone “cassa du Noir” en veux-tu en voilà.
Déshérité, déshonoré, son père, John Need devenu Johnstone, quitta la Grande-Bretagne pour la Tasmanie où il se maria avec Annie Easton qui lui donna donc des enfants, dont un fils, Robert Arthur Johnstone puisque son père avait changé de nom...
On notera au passage qu’un certain nombre d’officiers de la Native Police australienne portait le même fardeau génétique et que ces hommes nés de métis (comme John Murray) se montrèrent souvent les plus impitoyables ennemis des Aborigènes australiens, un peu comme si, en les massacrant, ils effaçaient la part de sang “noir” qui coulait dans leurs veines.
En 1850, le petit Robert Arthur fut envoyé en Ecosse, pensionnaire de la stricte Norwich Grammar School. Entretemps, son père, remarié, s’était installé dans l’Etat du Victoria, au sud de l’Australie. Une décennie plus tard, Robert Arthur rejoignit son père et le reste de sa famille pour s’occuper de leurs activités agricoles. 
A l’époque, il ne cachait pas avoir de fréquents contacts avec des Aborigènes (des membres du clan Gunditjmara et ceux de la rivière Wannon). Il ne semblait pas, alors, dans des dispositions de franche hostilité vis-à-vis de ses voisins. En 1865, il migra plus au nord, au Queensland, pour y poursuivre ses activités d’éleveur, son père ayant acquis des terres dans cette région si prometteuse.

On n’a pas recueilli les impressions des Aborigènes chargés de massacrer leurs congénères. Il aurait été intéressant de pouvoir connaître leurs sentiments...
On n’a pas recueilli les impressions des Aborigènes chargés de massacrer leurs congénères. Il aurait été intéressant de pouvoir connaître leurs sentiments...
Faire place nette...
 
L’aventure pastorale ne dura pourtant pas très longtemps. Installé à Apis Creek, au nord de Rockhampton, Johnstone abandonna les terres familiales pour devenir gestionnaire d’un élevage à une dizaine de kilomètres de la bourgade de Mackay. La propriété, Greenmount, était vaste, et c’est à ce moment de sa vie que Johnstone apprit à gérer du personnel, en nombre, et à mieux connaître les hommes composant la Native Police de Fort Cooper (devenu depuis Nebo), détachement basé non loin de là.
Johnstone observa ces hommes, entendez les Blancs qui commandaient alors des troupes indigènes montées et armées et finalement se décida à franchir le pas et à y entrer comme cadet, avant d’être nommé sous-inspecteur, par intérim, en 1867. Il avait vingt-quatre ans seulement. Cette même année, il épousa la fille d’un capitaine de la Royal Navy, Maria Ann Gibson, près de Mackay.
Basé à Fort Cooper, Johnstone décida de s’illustrer dans sa nouvelle mission ; il n’y fut pas efficace, il se montra zélé à l’excès. Dès avril 1867, il était appelé à patrouiller sur la rive nord de la rivière Pioneer. Sa politique était des plus radicales : chercher les campements aborigènes, et, une fois repéré, foncer dessus plutôt la nuit pour les surprendre et en tuer le plus possible, hommes, femmes, enfants, une manière de faire place nette et de libérer des territoires...
 

Un natif de la tribu de Kabi. Les “Noirs” étaient jugés “sauvages et perfides” par les autorités du Queensland.
Un natif de la tribu de Kabi. Les “Noirs” étaient jugés “sauvages et perfides” par les autorités du Queensland.
Éliminer des “meurtriers potentiels”
 
Que reprochait-on à ces hommes, qui vivaient là en paix depuis des milliers d’années ? D’occuper une place que revendiquaient les éleveurs, ceux-ci considérant que “puisque les Abos ne travaillaient pas, ils n’avaient rien à faire là où eux voulaient s’installer”. Les indigènes avaient en outre un défaut de taille ; chassés en permanence, leur mode de vie bouleversé, ils n’avaient guère d’autre ressource, pour se nourrir, que d’abattre parfois du bétail. C’est ainsi que des membres du clan Yuibera ayant tué cinq vaches, Johnstone les expédia sur de petites îles de la Grande Barrière ; ceux qui eurent le malheur de revenir sur le continent le payèrent au prix fort... Comme le disait Johnstone, “il s’agissait de leur donner une bonne leçon”...
Il serait fastidieux d’énumérer toutes les agressions menées contre les indigènes à cette époque par Johnstone et ses troupes. Les autochtones étaient tués pour le moindre vol de bétail. On imagine, après le meurtre d’un berger blanc à May Downs que la riposte de la Native Police fut encore plus sévère. Ivre de sang, Johnstone, en revenant à Fort Cooper après cette mission sanglante, parvint à un campement d’Aborigènes, non loin de son casernement. Ils ne demandaient rien à personne, ne faisaient pas de mal, mais la Native Police les chassa et, une fois en terrain découvert, les tira comme des lapins. “Punir les Noirs” était devenu une obsession et lorsqu’on les tuait sans aucun motif valable, Johnstone le justifiait en arguant du fait qu’il éliminait des “meurtriers potentiels”. Même innocent, un Aborigène était donc condamné à mort à cette époque sombre de la colonisation de l’Australie...

Des parodies de justice
 
En 1868, Johnstone introduisit une variante dans l’art de tuer les “peaux noires”. Il appliqua, quand il le put, ce qu’il appela le “châtiment coutumier”, à savoir des tortures avant la mise à mort des malheureux.
Une variante, après le meurtre d’un colon dénommé James Collins près de Fort Cooper, fut de forcer des groupes familiaux d’indigènes à confesser le meurtre, femmes et enfants étant menacés d’être tués si les hommes ne passaient pas aux aveux. Pour leur délier la langue, on les attachait aux chevaux de la Native Police et on les faisait courir jusqu’à épuisement total. Bilan de la vengeance de James Collins “environ soixante Noirs ont été abattus à Grosvenor” selon un témoin également acteur de cette parodie de justice.
Sans doute enfin “apaisé”, Johnstone démissionna de la Native Police en 1869. Il est vrai que s’il s’était fait un nom, une réputation même, la solde n’était pas affriolante. Sa rencontre avec un très riche planteur de cannes à sucre, John Ewen Davidson, associé à un blackbirder (trafiquant d’esclaves mélanésiens) John Raymond Trevelian, lui permit d’obtenir la direction d’une vaste plantation, Belleden Plains, six cents acres sur la rivière Murray, en zone tropicale, propice à la canne.
Johnstone demeura sur place jusqu’en 1871 ; il avait alors à remettre les ouvriers mélanésiens sérieusement au travail (ceux amenés par le blackbider...) et surtout à empêcher les Aborigènes de demeurer dans la région et de menacer ses cultures. Pour ce faire, Johnstone multiplia les raids sur les campements indigènes, aidé par ses ouvriers agricoles (appelés Kanakas) pour l’occasion armés, et par la police locale dirigée d’une main de fer par John Murray. La plantation fut l’objet de nombreux conflits à tel point que la maison même où Johnstone résidait avec sa femme et son fils fut attaquée. Les autochtones s’y firent allègrement massacrer mais l’ancien policier décida de faire partir sa famille à Cardwell, loin des “sauvages noirs”.

Pour la Native Police, il s’agissait de faire sortir les Aborigènes de leurs caches afin de les mettre à découvert pour les abattre plus facilement.
Pour la Native Police, il s’agissait de faire sortir les Aborigènes de leurs caches afin de les mettre à découvert pour les abattre plus facilement.
“Sauvages et perfides”
 
La propriété de Belleden Plains vendue, Johnstone réintégra la Native Police, toujours avec ce grade surprenant de sous-inspecteur par intérim en 1871. Il y demeura jusqu’en 1881, sillonnant alors, durant cette décennie, l’extrême nord du Queensland dont les colons lorgnaient les terres. Il fut caserné à Cardwell (le port le plus septentrional du pays), Valley of Lagoons Station, Herbert Vale et Fort Herbert près d'Ingham.
Evidemment, les instincts de “chasseur” de l’homme n’étaient pas éteints, loin s’en faut, et il put alors donner la pleine mesure de sa cruauté. 
Face à une série impressionnante de massacres dont Johnstone était responsable et dont il se vantait, sûr de ses appuis, Londres fut finalement alerté et manda une enquête; celle-ci, menée par les autorités du Queensland (celles-là même qui supervisaient la Native Police...) conclut que l’on ne pouvait rien reprocher à Johnstone compte tenu du fait que les Noirs étaient “sauvages et perfides”. La messe était dite, la “chasse” demeurait ouverte et le massacre dura encore de nombreuses années.
Johnstone quant à lui, fort de ses brillants états de service, fut promu en 1881 “Police Magistrate” à Winston. Il resta dans la magistrature (dans le système judiciaire français, nous dirions qu’il s’occupait de régler des affaires relevant du tribunal de simple police), ayant à juger entre autres des actions des Aborigènes et les répliques de la Native Police. De Winston, il passa simple greffier à Cooktown, avant de redevenir magistrat à Ingham où il décrocha en prime le titre d’inspecteur en charge des insulaires du Pacifique. Il sévit ensuite à Bundaberg jusqu’en 1887 puis, jusqu’à sa retraite en 1891, à Maryborough. 
A la retraite, après la brillante carrière que l’on peut imaginer, il se retira auprès d’une de ses filles à Beenleigh et au changement de siècle, il s’installa dans une banlieue de Brisbane, à Toowong.
 

Prisons et réserves pour “les protéger”
 
Au moment où Johnstone tira sa révérence, sous la pression notamment de l’opinion publique et de la presse, le gouvernement du Queensland changea sa politique envers les Aborigènes; continuer à les massacrer devenait de plus en plus difficile à justifier. Aussi habilement qu’hypocritement, les autorités décidèrent de protéger les indigènes en les contrôlant strictement et en les incarcérant; en prison pour ceux qui tentaient de se rebeller, dans des réserves pour les autres. 
Dans le même temps, un chargé des affaires aborigènes, Archibald Meston, ne se priva pas de critiquer les méthodes de la Native Police, ce qui eut le don d’agacer prodigieusement Johnstone qui ne resta pas sans réagir; il commit alors une série d’articles justifiant l’action de “sa” police et publia de longs articles racontant ses exploits dans le journal The Queenslander; une masse d’informations autobiographiques qui fut imprimée entre 1903 et 1905 et même rassemblés et publiés en 1984.
Johnstone décéda le 16 janvier 1905 et repose au cimetière de Toowong. 
Entré dans la bonne société du Queensland, il y était considéré et d’ailleurs quelques-unes de ses filles (il eut neuf enfants) réussirent de beaux mariages avec des notables en vue.
Evidemment, le temps ayant fait son œuvre, l’action “civilisatrice” de Robert Arthur Johnstone n’a cessé d’être remise en cause. Il incarne aujourd’hui, au moins pour les Australiens progressistes et surtout pour les communautés autochtones, le symbole même de ce que fut le quasi anéantissement des peuples et des cultures aborigènes de l’Etat du Queensland...   

Aborigène, autochtone, indigène...

On a parfois du mal à comprendre pourquoi les peuples premiers d’Australie sont appelés des Aborigènes, alors que le qualificatif indigène est appliqué à la plupart des peuples du Pacifique Sud.
- En réalité, le mot aborigène qualifie les tout premiers peuples ayant occupé une terre (mot provenant du latin aborigines).
- Moins précis, le qualificatif autochtone s’applique à une personne native d’une terre où sont nés ses ancêtres (du grec autos, soi-même et khtôn, terre).
- Enfin un indigène qualifie une personne née sur une terre (du latin indigena, “né dedans”).
Ainsi l’Aborigène australien est-il un autochtone et un indigène sur sa terre, alors qu’un indigène n’est pas forcément autochtone et encore moins aborigène.
Les vagues de migrations dans les îles polynésiennes ayant été nombreuses, les Polynésiens sont donc majoritairement des indigènes et des autochtones, alors qu’en Australie, l’isolement de l’île-continent après son premier peuplement permet de qualifier ses premiers habitants d’aborigènes, devenu le nom propre Aborigènes.

Un “croco” à son nom

Le crocodile d’eau douce endémique du nord de l’Australie. Officiellement découvert par Robert Arthur Johnstone, il porte son nom : Crocodylus johnstoni.
Le crocodile d’eau douce endémique du nord de l’Australie. Officiellement découvert par Robert Arthur Johnstone, il porte son nom : Crocodylus johnstoni.
Lorsque Johnstone ne chassait pas des Aborigènes, il lui arrivait de se piquer de botanique et de zoologie. C’est ainsi qu’à parcourir sans cesse le Queensland, et plus particulièrement le nord de cet Etat et les îles situées au large, il fut à l’origine de la découverte de plusieurs plantes et de plusieurs animaux (dont une tortue). Le plus remarquable d’entre eux est le crocodile d’eau douce, dont le nom scientifique fait référence à son découvreur : Crocodylus johnstoni. L’Australian freshwater crocodile, que l’on trouve un peu partout dans les cours d’eau du nord de l’Australie (y compris dans des fossés en apparence insignifiants) ne doit pas être confondu avec l’un de ses ennemis, le salt water crocodile, le crocodile de mer (Crocodylus porosus), répandu très largement des côtes est de l’Inde jusqu’à la Micronésie et à l’Australie. Ce dernier peut dépasser six mètres pour un poids de mille trois cents kilos, tandis que le crocodile d’eau douce, endémique de l’Australie, ne dépasse pas trois mètres pour un poids maximum de cent kilos. Le “salty” comme on surnomme le plus gros, est extrêmement dangereux pour les humains, ce qui est nettement moins le cas du crocodile d’eau douce qui les fuit.

Une litanie de massacres

La carrière de Johnstone, une fois qu’il eut reprit du service dans la Native Police, fut émaillée d’épisodes cruels et barbares, quel que soit le nom donné à ces actes et quel que soit le vocabulaire choisi : meurtres, massacre, vengeance, dispersion (doux euphémisme), expédition, drame, raid meurtrier, incident (encore un euphémisme), à chaque fois le bilan se soldait par la mort de nombreux Aborigènes. On est parfois surpris par le fait que ces opérations aient été menées sur la côte du nord Queensland, voire même dans des îles. Il faut savoir qu’à l‘époque, les blackbirders sillonnaient la Mélanésie et cette région de l’Australie en quête de main d’œuvre noire pour les plantations du Queensland. Les raids esclavagistes étaient permanents, le viol des femmes de rigueur (qu’elles soient ou non enlevées), ce qui explique la franche hostilité des Aborigènes à l’endroit de ces navires et de leurs équipages. Voici quelques dates saillantes de l’action de Johnstone :
 
- Meurtres à Goold Island (janvier 1872)
- Expédition punitive après le naufrage de la Maria (mars 1872)
- Meurtres à Wyandotte (juillet 1872
- Dispersion de la vallée des Lagons (1872)
- Dispersion de la Herbert River (février et mars 1873)
- Meurtres à Green Island (avril et juillet 1873) 
- Expédition de la côte nord-est (septembre à décembre 1873)
- Drame du navire Albert and Edward (juin 1874)
- Dispersion de la Seymour River (janvier 1875)
- Vengeance du meurtre de la famille Conn (avril 1875)
- Meurtres de Chicott Islet et de Dunk Island (février 1877)
- Raid meurtrier après deux morts à bord du voilier Riser (1878)
- Incident de Tam à 0’Shanter Point (novembre 1878)

La maison du Diable

Molonga fut le nom que Johnstone choisit pour baptiser sa maison. Ce mot signifiait “Diable” en langue aborigène et cette vieille photo montre des autochtones en tenue pour pratiquer une cérémonie afin de se protéger de Molonga.
Molonga fut le nom que Johnstone choisit pour baptiser sa maison. Ce mot signifiait “Diable” en langue aborigène et cette vieille photo montre des autochtones en tenue pour pratiquer une cérémonie afin de se protéger de Molonga.
Johnstone était obsédé par le désir d’effrayer en toutes circonstances les Aborigènes. Sur le terrain où s’érigeait la caserne de la Native Police à Palm Creek, à l’est d’Ingham, Johnstone, qui en devint le propriétaire après sa retraite en 1881, construisit sa propriété qu’il baptisa Molonga, signifiant en dialecte indigène “Diable”. 
Le lieu avait si mauvaise réputation parmi les Aborigènes que Molonga finit par désigner un mauvais esprit blanc de peau qui enlevait et violait les jeunes femmes et qui détruisait les campements autochtones. Johnstone y éleva d’abord du bétail, avant que la propriété ne soit transformée en une vaste plantation de litchis après avoir été revendue. Plus tard, l’une de ses filles, Ruby, conserva le nom de Molonga pour baptiser ses propriétés.

Explorateur reconnu

Il serait malhonnête de notre part de ne résumer la vie de Johnstone qu’à une série de massacres. Il fut aussi un véritable explorateur du nord de l’Australie. Il participa ainsi à l’expédition de George Elphinstone Dalrymphe sur la côte nord-est, explorant le rivage jusqu’à Cooktown. Les monts Annie et Arthur, au sein de la chaîne Seymour, portent des prénoms de la famille de Johnstone. Idem pour la rivière Johnstone baptisée ainsi par Dalrymphe. On doit également à Johnstone la première ascension du mont Bellenden Ker. Il découvrit aussi en 1876 la rivière Barro, alors qu’il explorait les montagnes derrières Trinity Bay pour raccourcir le chemin vers des zones de prospection aurifères (l'actuelplateau d'Atherton). Ce chemin découvert permit la création de la ville de Cairns. En 1879, il participa à l’expédition de James Tyson le long de la rivière Tully ainsi qu’à diverses autres reconnaissances et explorations.

Rédigé par Daniel Pardon le Jeudi 17 Décembre 2020 à 16:30 | Lu 1847 fois